Sommet du G20 à Londres

2009/03/19 | Par Attac-Québec

Appel soumis à la signature des individus, organismes, syndicats et mouvements sociaux

À l’heure où le G20 se rassemble à Londres pour trouver des solutions à la grave crise actuelle, nous affirmons que le gouvernement canadien est très mal placé pour donner des leçons et pour mettre de l’avant des solutions.

Face à la crise, que fait ce gouvernement?

• Il fait des cadeaux aux banques

Par un usage insouciant et hors contrôle des fonds de leurs dépositaires, les banques demeurent les grandes responsables de la crise. Les banques canadiennes ont mis en place pour 62 milliards $ d’hypothèques à haut risque. Alors qu’elles font d’importants profits, le gouvernement fédéral leur accorde pourtant une aide de 200 milliards $, sans qu’elles ne soient aucunement tenues de rendre des comptes au Parlement et aux contribuables. Plutôt que d’être sanctionnées, elles sont renflouées.

• Il baisse les impôts

Nos gouvernements baissent les impôts, alors qu’avec la crise, ils devront s’endetter et dépenser davantage. Le gouvernement fédéral a annoncé une baisse d’impôts de presque 2 milliards $ par an. Ces baisses s’ajoutent à celles accordées aux grandes corporations, qui font que le Canada aura le plus faible taux d’impôts corporatif du G7 en 2012, et à celles d’environ 1 milliard $ décrétées par Jean Charest. Ces baisses d’impôts risquent d’avoir un effet dévastateur sur l’état de nos finances publiques et contribuent à accentuer les inégalités.

• Il encourage l’évitement et l’évasion fiscaux

Pendant qu’ailleurs dans le monde, la lutte contre les paradis fiscaux s’intensifie, l’État fédéral (et bientôt aussi le Québec) se prive de milliards de dollars annuellement en ne faisant rien contre les virements vers les paradis fiscaux, et en abrogeant l’article 18.2 de la Loi de l’impôt qui avait pour objet de mettre fin à des échappatoires fiscaux. Il met en place les Comptes d’épargne libres d’impôts (CÉLI), un nouvel outil d’évitement fiscal.

• Il négocie de nouveaux accords commerciaux

Le Canada négocie un accord commercial avec l’Union européenne, entre autres projets de libre-échange (un accord est également en voie d’être établi, à l’échelle provinciale, entre le Québec et l’Ontario). Ces accords sont de puissants outils de déréglementation -, alors que la déréglementation est précisément ce qui a grandement contribué à la crise. Selon Thomas d’Aquino, président du Conseil canadien des chefs d’entreprise, l’ouverture des marchés financiers serait l’une des priorités de l’Accord Canada/Union européenne.

• Il investit trop peu et sans vision dans les infrastructures

Il privilégie les infrastructures physiques (bâtiments, routes) au détriment des infrastructures sociales (services publics) d’autant plus nécessaires en temps de crise. Ce faisant, les secteurs d’emplois qui concernent davantage les femmes et les jeunes sont délaissés. Le financement promis risque de ne jamais se concrétiser parce qu’il dépend de la capacité des villes et des provinces de financer la moitié des coûts ; de plus, les projets essentiels devront passer par PPP Canada Inc. Cela signifie des coûts plus élevés, moins de transparence, moins de projets, moins de contrôle public, et une approche plus risquée que jamais dans le contexte de la crise.

• Il préfère l’immobilisme dans des dossiers essentiels

Face aux conséquences de la crise, le gouvernement canadien reste d’une inexcusable passivité. Aucune réforme importante de l’assurance-emploi n’a été lancée alors que seulement 38% des CanadienNEs sont admissibles à des prestations et que plus de 129 000 travailleurs ont perdu leur emploi en janvier seulement. Aucune mesure ferme n’a été prise au Canada pour lutter contre le réchauffement climatique, alors que de nombreux emplois verts pourraient être créés. Rien n’a été sérieusement entrepris pour lutter contre la pauvreté. Rien pour l’aide internationale aux pays pauvres durement touchés par cette crise. La passivité et le laisser-faire restent au cœur des politiques du gouvernement.
Les effets de la crise risquent d’être lourds et éprouvants pour la majorité de QuébécoisES et CanadienNEs. Le pouvoir économique et politique entend faire porter le fardeau des mesures de relance par la majorité des citoyenNEs - salariéEs, sans emploi, femmes et retraitéEs.

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Contre la crise, voici, ce qu’un gouvernement canadien responsable devrait faire et promouvoir :

• Établir un contrôle public des banques et du secteur financier

En disposant de l’argent des citoyenNEs et du pouvoir de créer l’argent, les banques ont d’énormes responsabilités et leurs opérations doivent être fermement balisées. Il faut établir un contrôle public des banques au moyen de strictes limites de leurs activités, de l’interdiction de spéculer et d’avoir des filiales dans les paradis fiscaux ou ailleurs à l’étranger, et d’un plafond de la rémunération de leurs dirigeants. Mieux encore serait la nationalisation des banques commerciales. Il y aurait lieu d’éliminer les fonds spéculatifs, qui ne produisent aucune richesse sauf pour leurs managers, et aussi d’éliminer les produits dérivés financiers, qui ont joué un rôle majeur dans l’avènement des krachs de 1987, 2001 et 2007-2008.

• Éliminer les retraites par capitalisation boursière

Il faut nationaliser les caisses de retraite et établir un système universel et égalitaire de retraite par répartition. Il faut éliminer les retraites par capitalisation boursière, qui forcent les citoyenNEs à s’intégrer dans l’économie casino et entraînent des pertes considérables à l’occasion des krachs. Les retraites par répartition permettront de mettre fin à un système qui transforme les citoyenNEs en actionnaires aveugles, dont les intérêts s’opposent à ceux des travailleurs et travailleuses.

• Établir une fiscalité équitable

Pour contrer les écarts toujours grandissants entre les riches et les pauvres, il faut mettre en place une fiscalité vraiment progressive, en rajoutant plusieurs paliers d’imposition, touchant les revenus les plus élevés et en haussant ces derniers à des niveaux tenant compte de la gravité de la récession. Un régime fiscal juste doit aussi éliminer les taxes régressives. Il est essentiel de s’attaquer à la concurrence fiscale, à l’évasion et à l’évitement fiscaux qui font perdre des revenus importants à l’État, poussent les normes sociales à la baisse et facilitent la criminalité économique. Le Canada doit aussi militer activement en faveur de taxes internationales, notamment sur les transactions financières et sur les marchés du carbone.

• Investir massivement dans les services publics et dans les infrastructures

Il est important de mieux financer tous les niveaux d’éducation, de réduire le nombre d’élèves par classe et de combler les déficits des universités. Le système public de santé doit être fortement renforcé, de façon à exclure au maximum le secteur privé, offrir de meilleurs soins, et renforcer la médecine préventive. Il faut relancer les programmes supprimés dans le secteur de la recherche publique, de la culture et augmenter considérablement le budget du Conseil des arts du Canada. Il faut enfin investir dans les transports en commun, l’eau, la rénovation de bâtiments, et la réparation et l’entretien des infrastructures.

• Lutter contre la pauvreté

Il faut assouplir les critères d’accès et hausser les prestations d’assurance-emploi et d’aide sociale. Il faut préserver les emplois lors d’une diminution de personnel par le biais d’une diminution du temps de travail, là où des emplois équivalents perdurent, plutôt que de contraindre ces travailleurs au chômage. Des budgets récurrents doivent être dégagés pour les organismes communautaires. Il est important d’investir de façon significative dans le logement social et l’aide aux sans-abri.

• Protéger l’environnement et lutter contre les changements climatiques

La crise financière ne doit pas servir d’excuse à l’irresponsabilité en matière environnementale et climatique. Il faut saisir l’occasion pour remettre en question les projets mis de l’avant dans un contexte de crises écologiques et mettre de l’avant une démocratisation de la gestion des ressources naturelles. Il faut aussi mettre en œuvre des politiques énergétiques limitant au maximum la dépendance aux énergies fossiles et ainsi bannir l’implantation de ports méthaniers, comme celui de Rabaska. Plusieurs investissements, notamment dans les projets d’énergie renouvelables, permettraient de créer de l’emploi et de fournir de l’énergie à un coût équitable. Il est enfin impératif de financer la mise à jour des normes environnementales et d’en assurer la mise en application.

Face à la crise, d’autres politiques s’imposent, au Canada comme ailleurs. Notre gouvernement doit en prendre acte. Ce ne sont pas ceux qui défendent sans relâche et depuis au moins trente ans les politiques qui ont conduit à cette crise qui sont qualifiés pour nous en sortir. De plus, nous estimons que le G20 est un forum illégitime pour résoudre cette crise, parce qu’il exclut les pays les plus pauvres. Nous demandons la pleine participation des parlements et des citoyenNEs aux processus de résolution de cette crise.

Nous vous invitons ainsi à signer cet appel au nom de votre organisme ou à titre individuel.

Pour ce faire, il s’agit simplement de communiquer votre nom ou celui de votre organisme (avec un nom de responsable) à appelcrise@sympatico.ca avant le 13 mars 2009. Les retardataires seront ajoutés autant que possible, mais sans garantie de figurer sur la liste.