« Mangez québécois », nous dit-on

2009/03/24 | Par Léo-Paul Lauzon

Mangez québécois que nous dit le gouvernement du Québec. On veut bien, mais faut-il encore trouver les produits sur les tablettes des marchés d’alimentation du Québec qui appartiennent majoritairement à des firmes étrangères que ce soit Provigo, Loblaw, IGA, Wal-Mart, Costco, etc. et dont les centres de décision centralisés pour les achats sont à l’extérieur de la province.

Faut pas rêver en couleurs. Récemment, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation lançait, au coût de 14M $, sa campagne de promotion « Mettez le Québec dans votre assiette ».

Dans l’article du Journal de Montréal du 7 juin 2008, le journaliste Michel Larose signale que : « Si chaque consommateur remplaçait des produits alimentaires venant de l’extérieur par des aliments produits au Québec, ne serait-ce que pour une valeur de 30 $ annuellement, les retombées économiques atteindraient 1 milliard de dollars après 5 ans ». Très vrai. Voilà une façon de créer de la richesse au Québec. Mais ce n’est pas par de ridicules campagnes de promotion que l’on y parviendra.

Faut savoir qu’en plus des marchés d’alimentation détenus majoritairement par des étrangers, nos producteurs alimentaires, pour le peu qu’il en reste à contrôle québécois, doivent mener une lutte perdue d’avance face à des transnationales étrangères comme Nestlé, General Foods, Del Monte, Danone, Coca-Cola, etc.

Notre ministre de l’Alimentation du Québec est-il assez naïf pour ne pas savoir que ces multinationales achètent à gros prix la majorité et les meilleurs emplacements dans les magasins et qu’elles dépensent des fortunes en publicité, ce que ne peuvent pas faire nos petits producteurs québécois.

Prenons le cas de l’eau embouteillée qui est maintenant contrôlée au Québec par Nestlé et Dasani (Coca-Cola). C’est comme ça dans tous les domaines. Dans les petits pays et petites provinces, l’ONU et l’OMC nous disent que l’État doit intervenir dans l’économie. Pas par d’insignifiantes campagnes de publicité.

On veut bien acheter québécois, mais dans l’article du journal Les Affaires du 31 mai 2008 intitulé « De siège social à centre de services », on peut lire que : « Symbole de la présence de Loblaw au Québec, le siège social de Provigo à Montréal prend de plus en plus les allures d’une simple vitrine. D’ailleurs au siège social de Loblaw en Ontario, on ne parle plus de siège social, mais bien de centre de services aux magasins ». Monsieur le ministre, les producteurs québécois n’ont de cesse de se plaindre que Provigo achète de moins en moins Québécois. Réveillez-vous!

Faudrait aussi que nos élus lisent l’article du Devoir du 10 octobre 2008 intitulé : « Les maraîchers québécois dénoncent les politiques d’achat de Costco » et celui du Journal de Montréal du 25 juillet 2008 titré : « Des produits québécois moins visibles ».

En France, une transnationale étrangère a voulu acheter l’importante compagnie alimentaire française Danone, et le gouvernement français, qui en est un important actionnaire, est intervenu pour évidemment bloquer la transaction au nom des intérêts stratégiques du pays.

Ici tout est à vendre aux étrangers avec le consentement et même l’aide de nos gouvernements. Provigo, qui était un levier économique important au Québec pour nos producteurs d’ici et qui était contrôlée par la Caisse de dépôt et placement et la SGF a été vendue à l’Ontarienne Loblaw dans l’enthousiasme général.

Même les très nationalistes péquistes Bernard Landry et Jacques Parizeau ont applaudi la transaction. Au Québec, « La Caisse n’empêchera pas les prises de contrôle étrangères » que titrait Le Devoir du 24 avril 2008. Tout le contraire de la Caisse des dépôts et consignations en France.

Et le précédent président de la Caisse de dépôt, le sublime Henri-Paul Rousseau, qui nous disait, dans sa grandiose insignifiance que la mondialisation était inévitable et qu’il applaudissait l’achat d’Alcan par des étrangers tel que signalé dans Le Journal de Montréal du 9 mai 2007.

Depuis, répondant à l’appel du privé, il nous a quitté pour Power Corp. afin de relever de nouveaux défis tout en nous laissant sur les bras environ 20 milliards $ de pertes encourues dans ses placements qu’il a effectués dans le papier commercial et dans une entreprise détenant des aéroports en Grande-Bretagne. Dans le temps, les journalistes et les politiciens le considéraient comme un génie de la finance. Bon débarras!

Et notre ministre libéral du Développement économique, l’ineffable Raymond Bachand qui, dans La Presse du 30 novembre 2007, a dit de ne pas s’inquiéter de la mainmise étrangère de nos entreprises québécoises et a même accusé de xénophobie ceux qui osent s’inquiéter.

En passant, Van Houtte, Aliments Carrière, Aliments Martel, Cereal Foods et Kooll Desserts du Québec ont été vendus récemment à des étrangers. Ça continue de plus belle. Il aurait fallu que l’État québécois, par le biais de la Caisse de dépôt, la SGF et la Société québécoise d’initiatives alimentaires (SOQUIA), comme cela se fait dans d’autres pays, garde le contrôle de Provigo et prenne une participation importante dans Métro qui sera le prochain vendu.

De cette façon, il aurait été en mesure d’imposer des espaces suffisants dans ces marchés d’alimentation pour nos producteurs québécois. On aurait alors été en mesure de manger québécois et on aurait créé de la richesse au Québec plutôt que d’en créer à l’étranger.