Saguenay : Lock-out au journal Le Réveil

2009/03/27 | Par L’aut’journal 

Monsieur Pierre Karl PÉLADEAU
Président et chef de la direction de Quebecor
612, rue Saint-Jacques
Montréal (Québec
H3C 4M8

Monsieur,

Nous vous écrivons aujourd’hui à titre de représentantes et de représentants de 4 000 travailleuses et travailleurs syndiqués de la région du Saguenay, membres de la Centrale des syndicats du Québec. Des travailleuses et des travailleurs qui œuvrent dans les secteurs de l’éducation (enseignantes et enseignants, professionnelles et professionnels, employés de soutien, retraités et retraitées), de la santé (infirmières et infirmiers, infirmières et infirmiers auxiliaires, inhalothérapeutes, employés de soutien) et des services de garde.

Ces 4 000 travailleuses et travailleurs que nous représentons sont syndiqués, bien sûr, mais sont également et avant tout des citoyennes et des citoyens du Saguenay qui ont à cœur leur région et qui sont préoccupés par son avenir.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que fortement désapprouver la volonté manifeste de Quebecor de procéder à des coupures majeures aux Éditions du Réveil et de décréter un lock-out pour forcer les employés à accepter l’inacceptable. L’éditrice du journal Le Réveil, Mme Diane Audet, a eu beau tenter, dans la dernière édition du journal, de minimiser les impacts du plan de réorganisation de Quebecor, son propos n’est guère convaincant.

Mme Audet écrit : « Le Réveil est un média d’information important pour le Saguenay et nous avons à cœur son avenir. Les efforts de réorganisation sont capitaux pour assurer, à long terme, la pérennité de ce journal d’information de qualité. » Pour elle, seulement 7 employés réguliers seraient affectés par la réorganisation, puisque le nombre d’employés passerait de 25 à 18, (curieusement, elle ne fait aucune mention des 10 employés en lock-out du département des presses, de même que des 36 autres personnes des départements de l’encartage et de l’expédition). Il s’agirait donc d’un mal nécessaire, sinon d’un moindre mal, pour sauver l’entreprise.

Malheureusement, la réalité est bien différente et le bilan de Quebecor aux Éditions du Réveil est beaucoup plus catastrophique pour la région du Saguenay. En fait, le journal que projette de produire Quebecor avec son plan de réorganisation ne serait plus que l’ombre de lui-même, une caricature de « ce journal d’information de qualité » acquis il y a plus de trente ans par le fondateur de Quebecor, M. Pierre Péladeau.

Nous aimerions vous rappeler qu’il n’y a pas si longtemps encore, il y a moins de vingt ans, les Éditions du Réveil comptaient plus d’une centaine d’employés. C’était autant de familles de la région qui bénéficiaient des retombées économiques de cette entreprise et qui en faisaient profiter à leur tour les commerces et les entreprises de services du milieu.

À l’époque, le journal Le Réveil assumait encore pleinement le rôle qu’avaient voulu lui donner ses fondateurs en 1945, sous la gouverne du Docteur Henri Vaillancourt, soit celui d’informer ses lecteurs, d’analyser l’actualité régionale et de défendre les intérêts socioéconomiques de la population régionale. Avec fierté, les dizaines d’artisans du Réveil produisaient chaque semaine un journal de qualité, qui se méritait année après année de nombreux prix.

Malheureusement, l’empire Quebecor a littéralement dilapidé ce fleuron de l’information régionale au Saguenay en multipliant, au fil des ans, les coupures de toutes sortes, en réduisant régulièrement le personnel, en augmentant l’espace publicitaire au détriment de l’espace rédactionnel, dans le seul objectif de retirer un maximum de revenus de cette entreprise tout en s’assurant de devoir y effectuer un minimum d’investissements. Dans ce contexte, le prétexte que vous invoquez pour effectuer de nouvelles coupures au Réveil, à savoir d’assurer la pérennité d’un journal de qualité pour la population, nous apparaît bien douteux. Pour dire autrement, la préoccupation que manifeste aujourd’hui le président et chef de la direction de Quebecor pour la qualité de ce journal nous semble bien soudaine et trop récente pour ne pas paraître suspecte.

Et que dire de la fermeture annoncée de l’imprimerie du Réveil qui entraînera la mise à pied de dix employés et la disparition du département de l’encartage et de l’expédition (2 employés à temps plein et de 34 personnes sur appel) ? La raison invoquée pour justifier cette fermeture est la désuétude des presses qui ne répondent plus aux standards de qualité exigés aujourd’hui.

Mais, comment se fait-il que l’empire Quebecor, qui a retiré de la région des millions de dollars en profits avec l’exploitation du Réveil, n’ait jamais retourné une partie de cet argent pour assurer la modernisation de l’imprimerie de Jonquière? À croire que l’on a préféré soutirer le maximum de revenus de cette entreprise régionale dans l’intérêt de l’empire, sans bien peu de soucis pour l’avenir même des Éditions du Réveil. Il est évident que si de tels investissements avaient été effectués, à une époque où l’économie était florissante et où il n’était surtout pas question de crise, la situation serait bien différente aujourd’hui pour l’entreprise, les employés et leurs familles.

Il est donc ironique, pour ne pas dire trompeur, d’entendre aujourd’hui les porte-parole de Quebecor se désoler de devoir faire des choix « difficiles, mais nécessaires » pour assurer l’avenir du Réveil. Comment ces choix peuvent-ils être aussi difficiles que vous le prétendez, alors qu’ils sont exactement dans la continuité de ces nombreux autres choix que vous avez faits depuis vingt ans pour réduire sans cesse les coûts de production au Réveil, quitte à sacrifier toujours un peu plus la qualité du journal et un peu plus d’employés?

De la centaine d’employés que l’on dénombrait au Réveil, il n’en restera plus que dix-huit si Quebecor réussit à imposer sa réorganisation. Le comble de l’audace est d’essayer de faire croire qu’en réduisant ainsi le personnel, en ne pouvant compter plus que sur trois journalistes alors qu’il y en a déjà eu neuf, Quebecor a pris les moyens pour assurer le maintien d’un journal de qualité. C’est ridicule.

Le plan de réorganisation de Quebecor ne vise en réalité qu’un seul objectif, soit de franchir une étape supplémentaire dans la saignée des emplois qui a cours depuis vingt ans au Réveil. Et cela, pour satisfaire la soif insatiable de profits d’un empire qui ne se préoccupe guère de ses propres employés et des intérêts des populations où sont établies ses entreprises. Nous l’avons vu au Journal de Québec. Nous le voyons maintenant au Journal de Montréal et au journal Le Réveil.

Sur le site Internet de Quebecor, nous pouvons lire la citation suivante : « Notre compagnie n’est pas seulement un grand conglomérat de médias. C’est avant tout une entreprise impliquée dans son milieu et sa culture, et dirigée par des gens de cœur. » Et c’est signé de votre main, M. Péladeau.

C’est justement par respect pour ce qu’a toujours représenté le journal Le Réveil pour notre milieu régional et sa culture que nous faisons aujourd’hui appel « à ces gens de cœur », que vous dites se trouver à la direction de Quebecor, pour qu’ils mettent fin au lock-out imposé aux Éditions du Réveil. De plus, nous vous demandons de renoncer à ce plan de réorganisation indigne d’une région qui a tant donné sur les plans humain et économique pour assurer l’essor économique de Quebecor.

Pour notre part, nous allons encourager les 4 000 membres de nos organisations syndicales à refuser de recevoir le journal Le Réveil aussi longtemps que se poursuivra le lock-out. Et nous avons bien l’intention de sensibiliser les membres de nos familles et nos amis afin qu’ils emboîtent le pas dans la même direction.

En terminant, nous reconnaîtrons avec vous qu’une réorganisation est devenue nécessaire au Réveil. Une réorganisation où Quebecor accepterait enfin d’investir une part significative des revenus, qu’elle vient chercher semaine après semaine dans notre région, pour redonner à ce journal la qualité qu’il a déjà eue dans ses plus beaux jours. Ce n’est qu’avec de tels investissements, qui créeraient de véritables emplois, que nous pourrions alors croire que le président et chef de la direction de Quebecor se préoccupe d’assurer la qualité du Réveil et son avenir.

Nathalie Savard
Porte-parole régionale de la CSQ et présidente du Syndicat des intervenantes et intervenants de la santé du Nord-Est québécois

Au nom de :
Aline Beaudoin, présidente du Syndicat de l’enseignement du Saguenay

Agathe Bernard, présidente du Syndicat des professionnelles et professionnels de l’éducation du Saguenay

Nicole Émond, présidente du Syndicat de l’enseignement de la Jonquière

Eddy Foster, président du Syndicat régional des employés de soutien

Lise Lapointe, représentante régionale de l’Association des retraitées et retraités de l’éducation et des autres services publics du Québec

Sonya Tremblay, Alliance des intervenantes en milieu familial-Saguenay

Ruth Tremblay, présidente du Syndicat des employées et employés du secteur bureau (Centre hospitalier de Jonquière)