Du PPP en pire : le FPP

2009/03/29 | Par Jean-Marc Piotte

Jean-Marc Piotte  est professeur émérite du département de science politique de l’UQAM

Le projet de loi no 7 vise à constituer un Fond public/privé (FPP) entre le gouvernement du Québec et la Fondation Lucie et André Chagnon, afin de « soutenir le développement global des enfants âgés de cinq ans et moins vivant en situation de pauvreté ».

Ce projet a un précédent, le FPP, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 5 juin 2007, pour promouvoir une saine alimentation et un mode de vie physiquement actif chez les jeunes de 0 à 17 ans et leur famille (Québec en forme).

Au-delà des bonnes intentions et des millions versés par les deux parties, ces PPP d’un genre nouveau posent un certain nombre de problèmes.

Des organismes communautaires infantilisés

Les organismes communautaires, tels ceux représentés par la Fédération québécoise des organismes communautaires Famille (FQOCF) ou par la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec (FAFMRQ), ont été créés par des citoyennes et, parfois, des citoyens, afin de répondre à des besoins locaux non satisfaits par les institutions étatiques et les entreprises privées.

Elles reçoivent généralement des subventions de l’État pour accomplir leur mission. Mais celles-ci étant très minimales, elles doivent de plus en plus souvent accepter de s’impliquer dans des programmes gouvernementaux dont les objectifs sont davantage ciblés et ne recouvrent que partiellement leurs engagements propres.

Même si le rapport de force entre l’institution gouvernementale qui finance et l’organisation financée demeure fortement inégal, les organismes communautaires arrivent parfois, en raison de reddition de compte plus transparente des agences publiques, à négocier des arrangements qui facilitent l’arrimage de ces programmes avec leur mission première.

Cela s’avère impossible pour les programmes promus par la Fondation Chagnon car, sous l’apparence de consultation dans les comités d’action locale mis sur pied par les « agents de développement » qu’elle engage, elle impose plus ou moins subtilement ses propres expertises, sa formation et ses façons de faire.

L’assujettissement de l’État à la Fondation

Les PPP supposent que les représentants de l’État définissent les normes du partenariat qui seront négociées par l’entreprise privée afin de s’assurer des profits.

Ici c’est la Fondation qui définit le programme et les objectifs, en promettant qu’elle investira tant de millions si l’État en débourse autant, davantage ou moins.

Le bien commun n’est plus défini par les représentants des citoyens, mais par une Fondation privée qui s’assujettit ainsi, avec son plein accord, l’Assemblée nationale.

S’inspirant des recommandations d’organisations internationales, telles l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et la Banque mondiale (BM), la Fondation prétend réussir là où les programmes gouvernementaux auraient échoué, en les doublant, comme pour le programme SIPPE (Services intégrés en périnatalité et en petite enfance) et en ciblant particulièrement les enfants de familles, de parents ou de milieux pauvres.

Se définissant comme un « investisseur social », elle signe des contrats de partenariat avec l’État et les organismes communautaires dans un marché où elle se voit comme le héros de la lutte contre la pauvreté.

Celle-ci, selon la Fondation, ne serait pas engendrée par un système économique et politique qui fonctionne à l’inégalité et qu’il faudrait transformer, mais serait un accident, une « maladie » malencontreuse d’un environnement social qui fondamentalement tourne bien!

La fin d’une illusion

Les PPP ont été inventés par la non regrettée Margaret Thatcher qui, après Pinochet, s’est inspiré de l’École de Chicago qui proclamait que l’État devait se retirer du marché et laisser toute la place à l’entreprise privée, afin d’assurer à l’ensemble de la population la prospérité.

La présente crise financière et économique dans laquelle nous a enfoncés l’application de cette prétendue science économique néolibérale montre que les appareils d’État n’ont rien à envier à l’entreprise privée happée par le profit, que le marché doit être réglementé aux plans national et international par des organisations qui subordonneraient la recherche désordonnée et cupide du profit à la satisfaction des besoins sociaux et environnementaux. Combien de temps prendront nos élus pour comprendre cette évidence?