Référendum d’initiative populaire sur la souveraineté

2009/04/01 | Par Marc Laviolette et Pierre Dubuc

Dans l’édition décembre 2008/janvier 2009 du journal Le Québécois, Patrick Bourgeois salue la parution de notre livre « Sans référendum, pas de souveraineté » et se dit d’accord avec notre position sur la plupart des grands enjeux que ce soit l’économie, les ressources naturelles, la santé, l’éducation. Le seul élément de désaccord est notre position sur le référendum d’initiative populaire.

Rappelons que nous proposons que le Parti Québécois s’engage, lors de la prochaine campagne électorale, à adopter au cours de son mandat, au moment jugé opportun, un projet de loi qui ouvrirait un registre réclamant la tenue d’un référendum sur l’indépendance du Québec.

Quand 10 % de l’électorat, soit environ 500 000 personnes, l’aurait signé, le gouvernement du Parti Québécois serait tenu de tenir un référendum sur l’indépendance dans le délai prescrit par la loi.

Quels arguments invoque Patrick Bourgeois contre ce scénario?

Selon lui, la proposition du référendum d’initiative populaire part d’une « bonne intention » en visant à « remplacer l’attentisme actuel du PQ par une mesure qui reposerait sur la volonté du peuple », elle ne pourra « jamais être féconde » parce qu’elle « prolongera encore plus profondément le PQ dans un attentisme stérile ».

Il craint que « l’establishment du parti » se défile de ses responsabilités sous prétexte que « c’est le peuple qui doit décider » et qu’il y aurait « 90 % des chances que le seuil des 500 000 signatures ne soit jamais atteint ».  Il juge qu’il est « plus stratégique » de s’en tenir à l’approche actuelle de « faire pression sur l’establishment du PQ pour qu’il redevienne dynamique dans le dossier de la souveraineté. »

Le directeur du Québécois invoque aussi un argument qui nous a été souvent servi, soit que le référendum d’initiative populaire ne pourrait être limité à la question de la souveraineté. Cela serait, selon lui, une « position antidémocratique » et il exprime la crainte que des lobbies anglophones utilisent une telle mesure pour charcuter la Loi 101. Et, bien entendu, il nous sert l’argument de la Californie où des groupes de droite bien fortunés ont utilisé à leur profit les référendums d’initiative populaire. Voilà l’essentiel de ses arguments.

Que répondre? Premièrement, l’objectif du référendum d’initiative populaire n’est pas de lutter contre « l’attentisme de l’establishment », mais bien de nous donner plus de flexibilité stratégique. Si nous avons une direction « attentiste », elle le sera peu importe l’approche retenue. Si le problème réside dans la direction, il se règle en changeant de direction.

Quels sont les avantages de notre approche? Premièrement, elle permet de contrer en période électorale les arguments des adversaires voulant que la tenue d’un référendum soit la marotte d’une direction politique déconnectée de la réalité. On pourra facilement rétorquer que la décision de la tenue ou non d’un référendum reposera désormais entre les mains du peuple.

Deuxièmement, elle permet à la direction du Parti Québécois de conserver l’initiative du jeu. Le projet de loi ouvrant le registre sera déposé au moment jugé opportun, c’est-à-dire lorsque le PQ et les indépendantistes jugeront que le fruit est mûr après avoir soigneusement préparé le terrain au moyen d’une pré-campagne en faveur de la souveraineté à travers le Québec. Ce qui nous donnera une longueur d’avance sur les fédéralistes.

Troisièmement, on voit mal comment le Parti Québécois pourrait « ne pas militer en faveur de la signature de ce registre », comme l’écrit Patrick Bourgeois. Ce serait une défaite politique majeure, non seulement pour le parti, mais également pour le gouvernement.

En résumé, on se donne le moyen de se préparer, on met le peuple dans le coup et on y va à fond de train au moment le plus favorable.

Quant aux autres arguments sur le caractère soi-disant « antidémocratique » de cette approche et le danger d’ouvrir la porte aux forces de droite comme en Californie ou aux fédéralistes - Patrick Bourgeois craint les adversaires de la Loi 101, d’autres craignaient les partitionnistes - ils sont facilement réfutables.

Nous leur répondons qu’aucun processus démocratique n’est à l’abri des lobbies de droite. À ce compte, il faudrait supprimer les élections, car on y a vu - et on voit encore - de puissants lobbies voler des élections.

On nous dit qu’il est impossible de limiter le référendum d’initiative populaire à la question de la souveraineté, qu’il faut une loi générale. Pourtant, c’est exactement ce qu’a fait Jean Charest lors de l’avant-dernière campagne électorale. Il a promis un référendum sur les défusions… et il y eût référendum sur les défusions! Point à la ligne.

Autrefois, on disait qu’un Parlement pouvait tout faire, sauf changer un homme en femme. Aujourd’hui, même cela est possible. Alors, comment peut-on laisser croire que l’Assemblée nationale ne pourrait adopter une loi qui permettrait l’ouverture, pendant une période déterminée, d’un registre dans les différentes circonscriptions que les citoyennes et citoyens désirant un référendum sur la souveraineté pourraient venir signer et qui engagerait le gouvernement à déclencher ce référendum une fois le nombre de 500 000 signatures atteint.

Par le passé, le Québec a fait preuve d’imagination au point de vue démocratique avec, par exemple, la loi sur le financement des partis politiques, une initiative qui a inspiré des législations semblables dans plusieurs pays. Comment peut-on laisser croire qu’il ne pourrait faire de même avec un référendum du peuple, pour le peuple et par le peuple?

Marc Laviolette et Pierre Dubuc
Respectivement président et secrétaire du club politique Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre (SPQ Libre)

Cet article est paru dans l’édition du mars/avril 2008-2009 du journal Le Québécois