Stephen Harper, un leader au G20?

2009/04/01 | Par Catherine Caron

À quelques jours de la rencontre du G20 à Londres, Stephen Harper a choisi de s’adresser exclusivement aux médias américains à ce sujet. Comment ne pas voir là d’abord un grand mépris de la presse et de la population canadiennes et, ensuite, une façon pour lui d’éviter le débat public sur la grogne que suscite son approche de la crise économique?

Cette grogne s’exprime notamment par la voix du directeur parlementaire du budget, Kevin Page, qui multiplie les rapports montrant que la situation économique au pays s’aggrave d’une manière qui ne correspond pas à la vision avec des lunettes roses du gouvernement Harper. Réaction : on lui restreint son budget déjà minime pour tenter de le neutraliser.

Au Québec, plusieurs organismes interpellent le gouvernement Harper au sujet de sa politique. Parmi ceux-ci : la Fédération des femmes du Québec, les grandes centrales syndicales (CSN, FTQ, CSD), en passant par l’association altermondialiste ATTAC-Québec, qui a rallié plus d’une quarantaine d’organismes et de fédérations et plusieurs dizaines de citoyens autour de son appel G20 de Londres : Des idées citoyennes pour contrer la crise.

 La liste des politiques mal avisées de ce gouvernement est longue : baisses d’impôts contre l’avis de la majorité des experts toutes tendances confondues, encouragement de l’évitement fiscal (par l’abrogation de l’article 18.2 de la Loi de l’impôt, les CÉLI, etc.), soutien à des banques qui réalisent d’importants profits (200 milliards), injection de 3 milliards additionnels dans l’économie sans plan ni transparence, irresponsabilité absolue en matière d’environnement, refus d’investir massivement dans les services publics et les infrastructures sociales pour combattre efficacement la pauvreté et le chômage, etc.

Quel leadership attendre de Stephen Harper au G20 de cette semaine alors que de toute évidence il ne saisit pas la nature systémique profonde de la crise actuelle, de même que son caractère global (économique, écologique, social, moral)?

Rien qui vaille, pas plus d’ailleurs que de la part de ses homologues qui, après avoir défendu et implanté avec zèle les politiques de libéralisation et de déréglementation qui ont favorisé l’emprise de la finance sur notre société et cette crise, demeurent bien mal placés pour réaliser un changement de cap urgent, crédible et réel.

En outre, un G20 dominé par le G7 qui n’a pas d’existence institutionnelle réelle, qui exclut la majorité des pays du monde pourtant affecté par cette crise et qui prétend débattre et résoudre des enjeux aussi complexes le temps d’un dîner chic et d’une journée ici et là, est-ce vraiment si sérieux? Souhaitons que les mobilisations de cette semaine à Londres inspirent les gens d’ici à se mobiliser davantage pour montrer les autres voies de solution possible.

Celles-ci sont fondées sur des institutions plus légitimes (ONU réformée, Organisation internationale du travail, par exemple) et des politiques musclées (contre les paradis fiscaux et la spéculation, pour les services publics et des régimes d’impôts vraiment progressifs et équitables, etc.).

Seules d’autres valeurs fondamentales - de paix, de solidarité, de coopération, de justice sociale et climatique (un nouveau concept qui va faire son chemin) - peuvent nous assurer une sortie de crise porteuse d’un avenir pour les populations du monde et la planète et nous permettre de fonder nos sociétés sur autre chose qu’une croissance destructrice.

Pour ce qui est de votre droit à l’information dans cette affaire, la Presse canadienne indique que les journalistes canadiens qui paient 4200 $ chacun pour voyager avec notre premier ministre aux sommets du G20 et de l’OTAN n’auront accès à lui que deux fois seulement, pour un total de quatre questions (deux en français, deux en anglais).