Contrôle des armes à feu

2009/04/03 | Par Pierre Jasmin

Pierre Jasmin est président des Artistes pour la Paix

Les Artistes pour la Paix furent impliqués, depuis les événements à Polytechnique en 1989, dans l’élaboration du projet de loi sur le contrôle des armes à feu de multiples façons : rappelons la Fondation le Silence des armes initiée par un de nos membres, le peintre et sculpteur Alex Magrini (directeur de programme en arts plastiques à l'UQAC) et présidée par Marie-Claire Séguin, tous deux nommés artistes pour la paix de l’année en 1994 et 95 à cause de leur engagement désintéressé dans cet épineux dossier.

Ils ont pu compter sur la collaboration des polices de Montréal, Chicoutimi et Québec, sans compter des retombées fort médiatisées en Belgique et aux Pays-Bas. Grâce à la Fondation, des artistes tels que Michel Goulet offraient de leurs œuvres en échange contre la remise par des individus d’armes ensuite rendues inopérantes par la police : certaines de ces armes devinrent des œuvres d’art - on se souvient du piano pour la paix offert par Alex Magrini au président Aristide qui en fit un symbole de la désintégration de son armée (principalement occupée au trafic de cocaïne).

Le dossier des armes est relancé par les irresponsables manœuvres du député conservateur réformiste Breitkreuz qui attaquent la loi sur le contrôle des armes à feu. Il a d’abord cherché à y exempter les fusils et les carabines, alors qu’elles restent les armes qui tuent le plus de Canadiens lors d'incidents domestiques, de suicides et de meurtres de policiers, selon la Coalition pour le contrôle des armes.

Les Artistes pour la Paix, en collaboration avec Heidi Rathjen (graduée de Polytechnique en 1990, donc consoeur des victimes), avaient travaillé d’arrache-pied à la mise en vigueur de la loi actuelle avec le ministre libéral Allan Rock il y a quatorze d’ans environ (il est maintenant chancelier de l'Université d'Ottawa): j'avais reçu à cette occasion un diplôme d'honneur des mains du ministre en question, entre autres pour avoir fourni au sénateur Jean-Louis Roux des éléments du discours qui avait emporté l’adhésion du Sénat à la loi C-68, y compris celle de feu le sénateur conservateur Gérald Beaudoin devenu membre (comme le sénateur Roux) des Artistes pour la Paix.

Cette loi hélas mise en application sous le commandement d’un policier collectionneur d’armes a exigé la rédaction de formulaires d’enregistrements inutilement élaborés, avec spécificités oiseuses qui ont extraordinairement compliqué le processus, en outre viciée par des outils informatiques catastrophiquement défectueux : d’où l’accroissement vertigineux des coûts pour l’opération d’enregistrement des armes.

Si les Artistes pour la Paix ont endossé les conclusions de monitoring international des armes de la Commission sur la Gouvernance Globale (présidée par Nelson Mandela et Gro Brundtland), le gouvernement conservateur, grâce à qui (en particulier à son ministre lobbyiste de compagnies d’armements Gordon O’Connor) le Canada était devenu en 2006 6e exportateur d’armes et 4e de munitions au monde, tente sans surprise de défaire les acquis du Canada en surveillance et en contrôle des armes, aussi dans le secteur civil, même malgré l’opposition des policiers.

On sait que ces derniers ont été fréquemment protégés par des consultations du registre des armes à feu et que certains décès auraient pu être évités par de telles consultations.

Élément cocasse, le député Breitkreuz s’est trouvé l’invité d’une soirée faisant la promotion d’armes à feu à Toronto qui pourtant a considérablement souffert dans les derniers mois de guerres de gangs armées : or, cette soirée offrait comme prix de présence… une arme de poing, précisément la bête noire des policiers de Toronto dans leur lutte contre les gangs.

C’est pourquoi les Artistes pour la Paix réaffirment leur soutien à la Coalition pour le contrôle des armes à feu et à leur porte-parole québécoise Amélie Baillargeon ainsi qu’à Wendy Cukier à Toronto, qui incitent les partis d’opposition à rejeter le projet de loi conservateur (même si l’hypocrisie fait que le projet est déclaré « libre » : il va sans dire que « la liberté » de vendre des armes est plus lucrative que celle des artistes d’en faire des sculptures, puisque la Fondation le Silence des Armes a fait faillite et que le parti conservateur est au pouvoir…).