La débâcle fiscale des États-Unis

2009/04/06 | Par Michel Chossudovsky

Les priorités mentionnées dans le plan économique du président Obama sont la santé, l’éducation, l’énergie renouvelable, l’investissement dans les infrastructures et le transport. Au premier plan figure « une éducation de qualité ». M. Obama a également promis « des soins de santé et plus accessibles et plus abordables », pour tous les Étatsuniens.

À première vue, la proposition budgétaire a toutes les apparences d’un programme d’expansion, d’un second « New Deal » axé sur la demande, la création d’emploi, la restauration des programmes sociaux démolis et la relance de l’économie réelle.

La réalité est tout autre. L’espoir de M. Obama est basé sur un gigantesque programme d’austérité. Toute la structure fiscale est anéantie, sens dessus dessous.

Afin d’atteindre les objectifs en cause, une hausse significative des dépenses publiques destinées aux programmes sociaux (incluant la santé, l’éducation, le logement et la sécurité sociale) ainsi que l’adoption d’un programme d’investissement public à grande échelle seraient nécessaires. Des changements considérables dans la structure des dépenses publiques seraient également requis, comme le retrait d’une économie de guerre impliquant l’abandon des dépenses liées au militarisme en faveur des programmes publics.

En vérité, il s’agit de la réduction la plus radicale des dépenses publiques de l’histoire des États-Unis, menant à la dévastation sociale et à l’appauvrissement potentiel de millions de personnes.

L’espoir de Barack Obama sert largement les intérêts de Wall Street, des entrepreneurs oeuvrant dans le secteur de la Défense et des conglomérats du pétrole. En revanche, les « sauvetages » bancaires de MM. Bush et Obama conduisent les États-Unis vers une crise accélérée de la dette publique et les bouleversements économiques et sociaux qu’ils provoquent sont potentiellement dévastateurs.

Soumis au Congrès le 26 février 2009, le budget du président Obama envisage des dépenses de 3,94 billions de dollars pour l’exercice financier 2010 (débutant le 1er octobre 2009), une hausse de 32 pour cent. Selon les estimations préliminaires de l’Office of Management and Budget, les revenus totaux pour ce même exercice sont de l’ordre de 2,381 billions de dollars.


Le déficit prévu (selon le discours du président) atteint les 1,75 billion, soit presque 12 pour cent du produit intérieur brut (PIB) américain.

La guerre et Wall Street


Il s’agit d’un « budget de guerre ». Les mesures d’austérité frappent tous les principaux programmes de dépenses fédéraux à l’exception 1) de la Défense et la guerre au Moyen-Orient; 2) du sauvetage bancaire de Wall Street; 3) des paiements d’intérêts sur l’exorbitante dette publique.

Le budget détourne les recettes fiscales vers le financement de la guerre et légitime leur transfert frauduleux à l’élite financière par le biais des « sauvetages bancaires ».

Le caractère du budget déficitaire n’en est pas un d’expansion. Il ne s’agit pas d’un déficit de style keynésien qui stimule l’investissement ainsi que la demande des consommateurs et entraîne la croissance de la production et de l’emploi.

Les « sauvetages bancaires » (impliquant plusieurs initiatives financées par les impôts) constituent une composante des dépenses gouvernementales. Ces renflouements, à la fois ceux de MM. Bush et Obama, sont des « cadeaux » aux principales institutions financières et ne serviront pas à relancer l’économie. Au contraire, ces sauvetages contribuent à financer la restructuration du système bancaire ayant pour effet de concentrer la richesse et centraliser le pouvoir bancaire.
 
Une grande partie de l’argent subventionnée par le gouvernement américain et dédiée au renflouement sera transférée électroniquement dans divers comptes affiliés, y compris les fonds spéculatifs (hedge funds).

Les plus grandes banques des États-Unis utiliseront aussi ces fonds inattendus pour racheter leurs compétiteurs plus faibles, consolidant ainsi leur position. Par conséquent, la tendance qui se dessine est une nouvelle vague de fusions, d’acquisitions et de rachats corporatifs dans l’industrie des services financiers.

Pour leur part, les élites financières consacreront ce volume important de liquidités (paper wealth ou richesse de papier) et les milliards de dollars amassés par le biais de transactions spéculatives au rachat de compagnies dans l’économie réelle (transport aérien, industrie automobile, télécommunications, médias, etc.) et dont la valeur boursière a dégringolé.

Essentiellement, un déficit budgétaire (combiné à des réductions massives dans les programmes sociaux) est nécessaire au financement de ces « dons » aux banques, des dépenses liées à la Défense et du renforcement de la présence militaire au Moyen-Orient.

Le budget Obama projette ce qui suit :

1. Des dépenses militaires de 534 milliards pour l’année 2010, 130 milliards de crédits supplémentaires pour l’exercice 2010 destinés aux guerres d’Irak et d’Afghanistan, ainsi que 75,5 milliards de plus dédiés au financement d’urgence à la guerre pour le reste de l’exercice 2009. Les dépenses militaires et la guerre au Moyen-Orient, combinées aux divers budgets additionnels, sont (officiellement) de l’ordre de 739,5 milliards. Toutefois, certaines estimations des agrégats de la Défense et autres dépenses connexes s’élèvent à plus d’un billion de dollars.

2. Un sauvetage financier d’une valeur de 750 milliards annoncé par M. Obama additionné aux 700 milliards déjà alloués par l’administration sortante de George W. Bush en vertu du Troubled Assets Relief Program (TARP) ou Plan de sauvetage des actifs à risque. La somme astronomique de ces deux programmes réunis est 1,45 billion de dollars, financés par le Trésor. Il y a lieu de mentionner que le montant réel « d’aide » financière aux banques est considérablement plus élevé que 1,45 billion. (Voir le tableau 2 ci-dessous.)

3. Le paiement en 2010 des intérêts nets de 164 milliards sur la dette publique non réglée, selon l’Office of Management and Budget.


L’ampleur de cette répartition est étourdissante. Selon un critère du « budget équilibré » - une priorité de la politique économique du gouvernement depuis l’ère Reagan - presque tous les revenus du gouvernement fédéral s’élevant à 2,381 billions serviront à financer le sauvetage bancaire (1,45 billion), la guerre (739 milliards) et le paiement des intérêts de la dette publique (164 milliards). Autrement dit, il ne reste rien pour les autres catégories de dépenses publiques.


Le déficit budgétaire

Ces trois catégories de dépenses (Défense, sauvetage bancaire, intérêts sur la dette) engloutiront pratiquement la totalité des revenus gouvernementaux de 2010 s’élevant à 2381 milliards de dollars.

En outre, à titre de comparaison, tous les revenus accumulés par l’impôt fédéral sur le revenu des particuliers (1,061 billions, EF 2010), c’est-à-dire toutes les sommes payées par les particuliers à travers les États-Unis sous forme d’impôts, ne suffiront pas à financer les « cadeaux » aux banques, lesquels atteignent 1,45 billion. Ce montant inclut les 700 milliards (alloués durant l’EF 2009) en vertu du TARP, ainsi que les 750 milliards octroyés par l’administration Obama.

Même si le décaissement du TARP et de la proposition de sauvetage du président Obama se fera lors des exercices 2009 et 2010, ils représentent tout de même presque la moitié des dépenses gouvernementales totales (la moitié du budget Obama de 3,94 billions de dollars pour l’exercice 2010). Celles-ci sont financées par des sources de revenus régulières (2381 milliards), ainsi que par un déficit budgétaire colossal de 1,75 billion, ce qui nécessite ultimement l’émission de bons du Trésor et d’obligations d’État.

La possibilité d’augmenter considérablement la dette publique à court terme en temps de crise constitue un autre problème, particulièrement au moment où les taux d’intérêt sont extrêmement bas.

Le déficit budgétaire est de l’ordre de 1,75 billion. Barack Obama admet qu’il a hérité d’un déficit de 1,3 billion de l’administration Bush. En réalité, le déficit budgétaire est bien plus important.

Les chiffres officiels tendent à sous-estimer la gravité de la mauvaise situation budgétaire. Le déficit budgétaire de 1,75 billion est sujet à caution puisque les divers montants déboursés sous le TARP et autres sauvetages bancaires, incluant les 750 milliards en programmes d’aide aux institutions financières annoncés par M. Obama, ne sont pas comptabilisés dans les dépenses gouvernementales.

« Il n’y a pas eu de demande d’aide formelle, mais elle apparaît dans une rubrique “d’éventuels efforts additionnels de stabilisation financière” selon l’aperçu du budget. Le service du budget a calculé un coût net de 250 milliards pour les contribuables cette année, car il anticipe que ce montant reconstituera en partie, non en totalité, les dépenses visant à aider les sociétés de financement.

« Les fonds s’ajouteraient aux 700 milliards du plan de sauvetage approuvé par le Congrès en octobre dernier. Pour l’exercice financier 2010 et ceux qui suivront, la Maison-Blanche ne prévoit aucun soutien financier du genre » (Bloomberg, 27 février 2010)


Effondrement fiscal


Il se produit à l’heure actuelle une crise majeure dans la structure fiscale fédérale. L’attribution de plusieurs milliards de dollars au budget de guerre et aux plans de sauvetage financier a des répercussions sur toutes les autres catégories de dépenses publiques.

Le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars de l’administration Bush en vertu du TARP a été approuvé par le Congrès en octobre. Mais le TARP n’est en fait que la pointe de l’iceberg. Avant que Barack Obama n’entre en fonction, une panoplie d’autres allocations ont été ajoutées aux 700 milliards. En novembre, le plan de renflouement du gouvernement fédéral était évalué à un montant exorbitant de 8,5 billions, ce qui équivaut à plus de 60 % de la dette publique américaine estimée à 14 billions (2007).

Entre-temps, selon la proposition du budget Obama, 634 milliards de dollars sont alloués à un fonds de réserve pour financer des soins de santé universels. De prime abord, cela semble être un gros montant. Il sera toutefois dépensé sur une période de 10 ans : cela signifie un modeste engagement annuel de 63,4 milliards.

Afin de réduire la montée en flèche du déficit budgétaire, on sabrera les dépenses publiques. Non seulement les programmes de santé et d’éducation demeureront largement sous-financés, ils seront réduits considérablement, réorganisés et privatisés. Cela conduira probablement à la privatisation absolue des services publics et à la vente d’actifs étatiques, incluant les infrastructures publiques, les services urbains, les autoroutes, les parcs nationaux, etc. La débâcle fiscale mène à la privatisation de l’État.

La crise fiscale est également exacerbée par la réduction des recettes fiscales découlant du déclin de l’économie réelle. Ni les travailleurs au chômage ni les entreprises en faillite ne paient d’impôts. Il s’agit d’un processus cumulatif. La solution à la crise fiscale devient alors la cause d’un effondrement additionnel.

Structure de la dette publique


Cette appropriation à grande échelle de liquidités par une poignée d’institutions financières grâce aux plans de sauvetage bancaires contribue au jour le jour à l’augmentation la dette publique.

Lorsque le Trésor américain alloue 700 milliards de dollars au TARP, ce montant constitue une dépense budgétaire devant inévitablement être financée par la structure des dépenses et les revenus gouvernementaux.

À moins de sabrer dans toutes les autres catégories de dépenses publiques comme la santé, l’éducation et les services sociaux, les diverses dépenses engrangées par les renflouements bancaires nécessiteront un énorme déficit budgétaire, lequel accroîtra en retour la dette publique américaine.
 
Les États-Unis sont le pays le plus endetté de la planète. La dette publique américaine (gouvernement fédéral) est actuellement de l’ordre de 14 billions de dollars. Cela n’inclut pas les dettes publiques des municipalités et des États, qui ne cessent de grimper.
La dette (fédérale) libellée en dollars américains se compose de bons du Trésor et d’obligations d’État impayés. La dette publique, aussi appelée « dette nationale », constitue la somme d’argent que le gouvernement fédéral doit aux détenteurs des instruments de créance américains.
Ces instruments de créance sont détenus par les résidents états-uniens par le biais de leurs portefeuilles d’épargne, de leurs compagnies et de leurs institutions financières, leurs agences gouvernementales fédérales. Les gouvernements étrangers et des personnes vivant dans d’autres pays, en possèdent également. Ces instruments n’englobent cependant pas les titres de créance intergouvernementaux ni la dette du fonds en fiducie de la Sécurité sociale. Les types de titres détenus par le public comportent les bons, billets et obligations du Trésor, les TIPS (titres du Trésor protégés contre l’inflation), les obligations d’épargne des États-Unis et les séries de titres des gouvernements municipaux et étatiques.

La solution proposée devient ainsi la cause de la crise. Les 700 milliards du TARP combinés aux 750 milliards d’aide à l’industrie des services financiers n’est que la pointe de l’iceberg. Une panoplie d’autres allocations ont été ajoutées aux 700 milliards déjà déboursés.

 Le « sauvetage bancaire » de l’administration Bush.

Le sauvetage bancaire gouvernemental sous l’administration Bush a été évalué à la somme pharaonique de 8,5 billions de dollars, un montant équivalent à 60 % de la dette brute fédérale de 14,078 billions (2010). Cette somme ne comprend pas « l’aide » aux institutions financières de 750 milliards de dollars additionnels proposés par l’administration Obama dans son budget de 2009. La taille de ces liquidités met en péril la structure même des systèmes fiscal et monétaire, incluant 750 milliards de dollars additionnels.
 
La totalité du renflouement du président Bush (8,5 billions) peut être divisée en fonds accordés par la Réserve fédérale, le Trésor, la Federal Deposit Insurance Corporation et la Federal Housing Authority.

Cette charité aux institutions financières subventionnée par le Trésor et les dépenses gouvernementales sera payée soit par les recettes fiscales ou l’émission d’instruments de créance publics.

L’Office of Management and Budget considère la sortie d’argent sous le TARP comme faisant parti d’un « programme obligatoire » en vertu d’une loi du Congrès américain. En novembre 2008 on estimait la dette du Trésor, qui comporte le controversé TARP, à 1,1 billion de dollars. Le gouvernement Obama a par ailleurs envisagé d’autres répartitions du Trésor qui contribueront à alourdir le fardeau de la dette publique.

La crise de la dette publique s’intensifie


Le Trésor est-il en mesure de financer ce déficit budgétaire grandissant se chiffrant à 1,75 billion de dollars par l’émission de bons du Trésor et d’obligations gouvernementales?

Le plus grand déficit budgétaire de l’histoire des États-Unis se conjugue au plus bas taux d’intérêts de son histoire. Le tout combiné au taux d’escompte « près de zéro » pour cent de la Fed, assujettit les marchés pour les obligations gouvernementales et les bons du Trésor libellés en dollars américains.De plus, la fonction essentielle de l’épargne (au coeur du fonctionnement d’une économie nationale) est en crise.


Qui désire investir dans la dette gouvernementale américaine? Quelle est la demande pour des bons du Trésor à des taux d’intérêt excessivement bas?

Le marché pour les instruments de créance libellés en dollars américains est potentiellement au point mort. Cela signifie que le Trésor n’a pas la capacité de financer ce déficit budgétaire colossal en exploitant la dette publique, ce qui plonge ainsi tout le processus budgétaire dans l’embarras.

La question est de savoir si la Chine et le Japon continueront d’acheter des instruments de créance libellés en dollars américains. Washington mène une campagne de relations publiques dans le but d’amener les investisseurs à faire l’achat de bons du Trésor et d’obligations d’États.

Le marché de ces créances (à la fois aux États-Unis et au niveau international) étant en crise, davantage de pression s’exercera sur le Trésor afin qu’il sabre la totalité des dépenses publiques, qu’il extorque des frais d’utilisation pour les services publics et vende des actifs publics, dont les infrastructures et les institutions d’État. Selon toute probabilité, cette crise pousse à la privatisation de l’État, où les activités qui se trouvaient jusqu’à présent sous juridiction gouvernementale seront transférées au privé.
 
Qui achètera des actifs d’État à des prix défiant toute concurrence? Les élites financières, lesquelles sont également bénéficiaires des sauvetages bancaires.

La consolidation des banques


Grâce aux renflouements, mais aussi aux fonds de pension, aux épargnes individuelles et autres, un montant faramineux de liquidités a été injecté dans le système financier.

L’objectif officiel des plans de sauvetage est d’alléger le fardeau des banques dû aux mauvaises créances et aux prêts à risque. Ce qui se produit en réalité est que ces énormes sommes d’argent sont utilisées par une poignée d’institutions afin qu’elles consolident leur position dans le commerce bancaire mondial.

Le risque encouru par les banques, résultant principalement du commerce des produits dérivés, est évalué dans les dizaines de billions de dollars, à tel point que les montants et garanties octroyées par le Trésor et la Fed ne résoudront pas la crise. Ils ne sont pas non plus destinés à le faire.

Les médias dominants suggèrent que l’on procède à la nationalisation des banques, conséquemment au TARP. Or, c’est exactement le contraire qui se produit : les banques sont en train de s’emparer de l’État, on privatise l’État. L’instauration d’un système financier unipolaire mondial fait partie d’un projet plus ambitieux des élites financières de Wall Street, visant à jeter les bases d’un gouvernement mondial.

Amère ironie, les bénéficiaires du renflouement du TARP et de l’aide aux institutions financières de 750 milliards proposée par le président Obama, sont les créanciers du gouvernement fédéral. Les banques de Wall Street sont les courtières et les syndicataires de la dette publique américaine, et, même si elles détiennent seulement une portion de celle-ci, elles effectuent des opérations boursières et négocient dans le monde entier avec des instruments de créance libellés en dollars américains.

Ces banques font office de créancières de l’État américain et évaluent la solvabilité du gouvernement ainsi que la cote de la dette publique par le biais de Moody's et de Standard and Poor’s. Elles contrôlent le Trésor américain, le Federal Reserve Board et le Congrès, supervisent et dictent les politiques budgétaire et monétaire, en s’assurant que l’État agit dans leurs intérêts.

Depuis l’ère Reagan, Wall Street domine la plupart des secteurs de l’économie et des politiques sociales. Il établit l’agenda budgétaire, assurant ainsi la réduction des dépenses publiques. Wall Street prône des budgets équilibrés, mais, en pratique, fait du lobbyisme afin d’éliminer les impôts des entreprises et de leur octroyer des « cadeaux », d’obtenir des déductions aux fins de l’impôt lors de fusions et d’acquisitions, etc., tout cela ayant pour effet d’augmenter la dette publique de façon exponentielle.
 
Des relations circulaires et contradictoires.

La Réserve fédérale américaine est une banque centrale détenue par le privé. Alors que le Federal Reserve Board est un organisme gouvernemental, le mécanisme de création monétaire est contrôlé par 12 banques de la Réserve fédérale ou Federal Reserve Banks, lesquelles appartiennent à des intérêts privés.

Les actionnaires des banques de la Réserve fédérale (celle de New-York jouant un rôle majeur) font partie des institutions financières les plus puissantes des États-Unis.

Si la Fed peut créer de l’argent « à partir de rien », les dépenses de plusieurs milliards de dollars du Trésor (dont le TARP) l’oblige à contracter une dette publique sous la forme de bons du Trésor et d’obligations d’État. Évidemment, la Fed détiendra une partie de ces bons.

Les institutions financières américaines supervisent la dette publique des États-Unis. Elles sont impliquées dans la vente de ces bons du Trésor et obligations gouvernementales sur les marchés financiers américains et à travers le monde. Mais elles possèdent également une partie de la dette publique, et, à cet égard, elles sont les créancières du gouvernement étatsunien. Une portion de cette dette publique accrue nécessaire au sauvetage des banques sera financée ou vendue par les mêmes institutions financières qui bénéficient du plan de sauvetage.

Il s’agit d’une relation circulaire pernicieuse. Lorsque les banques ont fait pression sur le Trésor pour qu’il les aide sous la forme d’une importante opération de sauvetage, il était entendu dès le départ que les banques aideraient en retour le Trésor à financer les « dons » dont elles bénéficient.

Afin de financer le renflouement bancaire, le Trésor doit engranger un déficit budgétaire colossal, lequel requiert en retour l’augmentation exorbitante de la dette publique des États-Unis.

L’on a induit l’opinion publique en erreur. Dans un sens, le gouvernement des États-Unis finance son propre endettement : l’argent alloué aux banques est en partie financé par l’emprunt aux banques.

Ces dernières prêtent de l’argent au gouvernement et le Trésor se sert de cet argent pour financer le sauvetage. En revanche, elles imposent des conditions à la gestion de la dette publique étatsunienne : elles dictent la façon dont l’argent doit être dépensé, imposent une « responsabilité fiscale », exigent des réductions massives dans les dépenses publiques ayant pour effet l’effondrement et/ou la privatisation des services publics. Elles ordonnent la privatisation des infrastructures, des routes, des égouts et des aqueducs, des aires de loisirs, bref, tout est sujet à la privatisation.

Les banques renflouées sont à la fois bénéficiaires et créancières. En tant que créancières, elles obligent le gouvernement a) à sabrer dans les dépenses b) à engranger une dette publique par l’émission de bons du Trésor et d’obligations d’État.

Cette crise de la dette publique est d’autant plus grave puisque le gouvernement fédéral américain ne contrôle pas sa politique monétaire. Toutes les opérations liées à la dette publique passent par la Fed, en charge de la politique monétaire et agissant au nom d’intérêts financiers privés. En tant que tel, le gouvernement n’a aucune autorité sur la création monétaire, ce qui signifie que les opérations liées à la dette publique servent essentiellement les intérêts des banques.

De Bush à Obama : la continuité

Le programme du président Obama pour stimuler l’économie constitue un prolongement du renflouement bancaire de l’administration Bush. La solution politique proposée pour sortir de la crise en devient la cause et il en résulte ultimement davantage de faillites dans l’économie réelle, entraînant l’effritement du niveau de vie des Américains.
Les plans de sauvetage de MM. Bush et Obama sont destinés à la rescousse des institutions financières en difficultés pour assurer le paiement des opérations d’emprunt « interbancaire ». En pratique, d’énormes sommes d’argent transitent par le système bancaire, allant des banques aux fonds spéculatifs, ensuite vers les paradis bancaires pour finalement retourner aux banques.
 
Le gouvernement et les médias ont tendance à mettre l’accent sur la notion ambiguë de « créances interbancaires ». Or, il arrive rarement que l’on identifie les créanciers.

Des transferts de plusieurs milliards de dollars se font électroniquement d’une entité financière à l’autre. Mais où va l’argent? Qui récolte ces créances de plusieurs milliards, lesquelles sont en grande partie la conséquence de la manipulation financière et du commerce des produits dérivés?

Certains signes indiquent que les institutions financières transfèrent des milliards de dollars dans leurs fonds spéculatifs affiliés. À partir de ceux-ci, elles peuvent utiliser leur capital monétaire pour l’acquisition d’actifs réels.

Par quels mécanismes financiers complexes ces créances ont-elles été mises en oeuvre? Où va l’argent du renflouement? Qui encaisse les milliards provenant du sauvetage gouvernemental? Ce processus contribue à une concentration de richesse sans précédent.

Mot de la fin


La manipulation financière fait partie intégrante du nouvel ordre mondial : elle constitue un puissant moyen d’accumuler de la richesse. Dans le cadre des ententes politiques actuelles, les responsables de la politique monétaire servent tout à fait délibérément les intérêts des financiers au détriment des travailleurs, entraînant un bouleversement économique, du chômage et la pauvreté généralisée.

Cet article se concentre sur la façon dont la manipulation financière a servi à faire éclater la structure des dépenses publiques des États-Unis.

De manière plus générale, la restructuration des institutions et des marchés financiers mondiaux (combinée au pillage d’économies nationales) a permis l’accumulation de richesses personnelles immenses, dont une partie a été amassée grâce à des transactions strictement spéculatives.

Cette fuite critique de milliards de dollars émanant de l’épargne des particuliers et des recettes fiscales étatiques paralyse le rôle de l’État en ce qui a trait aux dépenses et incite à l’accumulation d’une dette publique qui ne peut plus être financée par l’émission d’instruments de créance libellés en dollars américains.
Nous assistons au transfert frauduleux et à la confiscation de fonds de pension et d’économies de toute une vie, à l’appropriation frauduleuse des recettes fiscales pour financer les sauvetages bancaires, etc. Afin de comprendre ce qui s’est passé, il faut suivre la trace de l’argent transféré électroniquement pour découvrir où il est allé. C’est la criminalisation du système financier qui est en jeu : l’« escroquerie financière » d’une ampleur inouïe.

Le système monétaire, intégré au processus budgétaire de l’État, a été déstabilisé et la relation fondamentale entre le système monétaire et l’économie réelle est en crise.

La création monétaire « à partir du vide » menace la valeur du dollar américain en tant que monnaie internationale. De même, le financement d’un déficit budgétaire colossal par le biais de créances libellées en dollars américains est compromis en raison des taux d’intérêts extrêmement bas. Aussi, l’épargne des ménages est minée par les taux d’intérêt près de zéro.

Il est question dans cet article d’un aspect fondamental d’un processus de débâcle financière mondiale qui évolue.

Le Système international de paiements interbancaire est en crise et les perspectives économiques sont terrifiantes. Aux États-Unis, au Canada et au sein de l’Union européenne, des faillites se déclarent à un rythme alarmant. Les niveaux nationaux d’exportation ont chuté et atrophier le commerce international et des rapports des économies asiatiques indiquent une hausse massive du chômage.

En Chine, dans le bassin de la rivière des Perles dans le sud de la province du Guangdong, où l’économie repose sur l’exportation industrielle de produits usinés, quelque 700 000 travailleurs ont été mis à pied en janvier (China Morning Post, 6 février 2009) ; au Japon, la production industrielle a chuté de plus de 20 % depuis décembre; dans les Philippines un pays de 90 millions d’habitants, les exportations ont dégringolé de plus 40 % en décembre. 

Désarmement financier


L’architecture financière mondiale qui prévaut ne permet aucune solution. Il est impossible de mettre en oeuvre des politiques significatives sans réformer radicalement les rouages du système bancaire international.

Il faut restructurer le système monétaire, y compris les fonctions et la propriété de la banque centrale, arrêter et poursuivre les personnes impliquées dans la fraude financière, à la fois au sein du système financier et des agences gouvernementales, geler tous les comptes où des transferts frauduleux ont été déposés, annuler les créances issues de transactions frauduleuses et/ou de la manipulation des cours.

Les gens doivent se mobiliser aux niveaux national et international. Ce combat pour la démocratisation des appareils financier et fiscal doit avoir lieu à grande échelle et englober tous les secteurs de la société, à tous les niveaux et dans tous les pays. Il faut ultimement désarmer l’establishment financier :

- confisquer les actifs obtenus par la fraude et la manipulation financière.
- restituer les épargnes des particuliers par des transferts inverses.
- retourner l’argent du sauvetage au Trésor et geler les activités des fonds spéculatifs.
- geler la gamme de transactions spéculatives incluant la vente à découvert (short selling) et le commerce des dérivés.