OPÉRATION McGill FRANÇAIS en 2009?

2009/04/27 | Par Claude G. Charron

Pourquoi donc le quarantième anniversaire de l’opération McGill français est-il passé si inaperçu? Les choses se sont tellement améliorées que personne ne sente le besoin d’en parler?

Et si ce silence n’était que le reflet d’un manque de souffle de la part d’une majorité de moins en moins capable de se prendre en mains? Opération McGill français en 2009? Forget about it - Oubliez-ça !

Il semble que n’existe plus en 2009, la motivation qui, quarante ans plus tôt, avait poussé dix mille personnes à manifester contre une situation qu’elles ressentaient comme proprement coloniale.

Montréal était alors tout chaud de Mai-68. Mais, alors qu’aux États-Unis, l’agitation avait pris sa source dans l’opposition à la guerre au Vietnam,  et qu’en France, tout a lentement germé à Nanterre par le siège d’une résidence d’étudiantes par un groupe libertaire, ici au Québec, c’est la question identitaire qui fit que, le 23 mars 1969, dix mille personnes ont marché sur McGill.

Un grand nombre d’entre elles rêvant d’un Québec indépendant, laïque, socialiste. D’un « Québec aussi français que l’Ontario est anglais».

Ballon dégonflé de nos jours, car c’est plutôt notre « minorité historique » qui détient maintenant le record des méga-rassemblements à résonnance identitaire.

Qu’on songe au 27 octobre 1995 où quelques centaines de milliers de Canadians sont venus nous dire qu’ils nous aimaient! Qu’on songe à ces milliers de têtes grises qui, par un beau samedi de 2001, sont sorties de leur fief du “West-Island”. Venues “Downtown Montreal” manifester contre « les fusions forcées » de Louise Harel.  

Exception à la règle : la grande manif du 12 mars 1989 organisée par le Mouvement Québec français afin de protester contre une loi 178 de Robert Bourassa jugée trop timide.

Mais, est-ce vraiment l’exception quand on pense que les organisateurs avaient évité que le défilé débouche sur notre bonne vieille Catherine, cette chère artère pourtant si prisée des organisateurs du défilé de la Saint-Patrick.  (Alors que pour la fête nationale...) Un vert défilé où vaut toujours mieux ne pas trop haut lever le bleu fanion.
 
Il ne faudrait pas ici conclure que, jamais depuis l’opération McGill français, la majorité n’ait osé manifester dans son centre-ville. Le 15 février 2003, les fleur-de-lysés dépassèrent en nombre les unifoliés au dessus des vingt mille têtes venues manifester contre le projet de guerre en Irak.

À ajouter les milliers de mordus du hockey qui envahissent toujours la Catherine suite à une victoire décisive de leur équipe favorite. Mouvements de foule pas festifs pour tous. Parlez-en à certains marchands.

Le 11 février dernier, le Mouvement Montréal français organisa une manif devant le siège du Centre universitaire de santé McGill dans le but de protester contre la fusion de l’hôpital de Lachine à cette institution.

Rien pour mobiliser la nation que ce simple petit accroc à l’esprit de la loi 101 que constitue la transformation de cet hôpital - et de bien d’autres - en institutions bilingues. Il reste qu’une coalition pour un seul CHU existe, mais qu’aucune de nos associations étudiantes n’a décidé de s’y rallier. Opération McGill français en 2009? Forget about it !  

Et à quoi assistons-nous en lieu et place? À notre université en flanc de montagne incapable d’entretenir un seul bâtiment à haut caractère patrimonial que la société, via l’État, lui a confié. Alors que Concordia et Dawson, eux… !

Et quel autre triste quarantième anniversaire que celui de l’UQÀM ! Coincée dans son « Quartier français », nous assistons au marasme d’une université dont on a voulu qu’elle s’érige en milieu populaire afin qu’elle fasse contrepoids à un Sir George-William College grossissant, grossissant…Se transformant graduellement en une prospère Concordia University.

Et tout ce beau monde ne ressentirait pas l’injustice que constitue la construction des deux CHU à frais égaux du produit de nos taxes? Alors que notre « minorité historique » ne constitue que 10 % de la population!

De quoi avons-nous peur? Craignons-nous d’aller manifester dans un centre-ville qui semble de moins en moins nous appartenir puisque, phénomène que l’on ne retrouve qu’en situation coloniale, y siègent deux universités et un cégep de langue minoritaire?

Avons-nous peur d’une contre-manifestation prenant source dans ces usines de transformation de Néo-Québécois en futurs diplômés canadians ?  

En 2005, l’Université de Montréal comptait 908 résidents en médecine contre 857 pour McGill. (1) Or, près de cinquante pour cent des diplômés de cette dernière quittent le Québec dans l’année même de leur graduation.

Et au Québec, ce ne serait pas “in” de manifester pour une raison purement identitaire? Et s’il fallait le faire pour que le Québec reste au moins une « société distincte ».  Pour que l’on puisse conserver nos garderies à sept dollars. Pour que, quant à la question des frais de scolarité, l’on puisse encore rêver au modèle finlandais.  

(1)       Ministère de l’Éducation des Loisirs et du Sports, Statistique de l’éducation, Édition 2007, page 121

 Cet article paraît dans l’édition du mois de mai du Couac.