Un bilan de la grève à l’UQAM

2009/04/30 | Par Pierre Jasmin

L’auteur est professeur de musique (ex-gréviste) à l’UQAM

Régnaient premièrement de malsaines fermetures de programmes à cause d’un plan facultaire institutionnel téléguidé par une direction autoritaire mue par l’obsession de « rationaliser ».

Deuxièmement, des professeurs démotivés se sentant fragilisés suite à la signature machiavélique par la direction d’une convention des chargéEs de cours assurant plus de 60 % de l’enseignement.

Troisièmement, un conseil d’administration piloté par une Isabelle Hudon soucieuse de transformer son mandat en celui d’une chambre de commerce avec « clientèle étudiante » et programmes « rentables » pour soi-disant sortir l’université du marasme pourtant dû à des aventures immobilières néolibérales inspirées des PPP.

En outre, en pleine crise économique voyant des centaines de milliers de travailleurs du Québec perdre leur emploi, voilà le moment choisi, en février, par le Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Montréal pour réclamer de nouveaux postes et des augmentations de 11% en déclenchant des journées d’étude, puis des journées de grève, par des températures frisant les moins vingt!

Les sourires carnassiers des petits boss de la direction uqamienne en disaient long sur leur persuasion de nous écraser très vite, nous coinçant en tenailles avec la complicité du négociateur du Conseil du Trésor, Gilles Charland, auréolé de son honteux fait d’armes d’avoir su mater les grèves infirmières quelques années auparavant…

Comment s’est opérée la magie d’un tel renversement de situation qui a vu la création de 145 nouveaux postes et l’atteinte de l’objectif salarial fixé? Par une bonne vieille so-so-so-solidarité exemplaire!

D’abord, une équipe syndicale soudée derrière son chef négociateur, Jean Bélanger, avançant ses arguments de béton avec une logique imparable et derrière sa présidente, la littéraire Michèle Nevert, émotive devant ses troupes qu’elle galvanisait par son éloquence, mais d’un calme imperturbable devant la ministre Courchesne et les journalistes souvent sceptiques, parfois hargneux.

La hausse demandée fut dissimulée par l’objectif réaliste d’une parité incontournable avec les conventions des profs de l’Université du Québec à Trois-Rivières et de Chicoutimi. Quant aux nouveaux postes, ils se justifiaient d’abord pour contrer le sous-financement auquel les gouvernements successifs avaient soumis la seule université « PPP, Populaire, Publique et Parlant français » - un des nombreux slogans apparus pendant la grève menée avec imagination -, puis, et surtout, pour soulager les étudiantEs trop peu encadrés et les employéEs de soutien écrasés de responsabilités qui furent d’une solidarité exemplaire, conscients que l’objectif premier de la grève leur tendait la main, loin de tout corporatisme.

Malgré l’exceptionnelle unité syndicale maintenue avec des votes (secrets!) de grève passant d’une première majorité des trois quarts à plusieurs de 90 ou 91 %, subsistait le mépris du gouvernement, s’accommodant de sept semaines de grève qui leur économisaient plus d’un million de dollars chaque semaine, vue la poursuite des cours à majorité assumée par les chargéEs de cours, cahin-caha à travers les grèves étudiantes sporadiques et mal coordonnées.

Mais dès le début de l’opération, le SPUQ misa sur sa conscience d’avoir été le seul à dénoncer les aventures immobilières que les collaborateurs hommes d’affaire du conseil d’administration avaient laissées se « développer »; et plutôt que de s’enfoncer dans une tactique de défense misérabiliste, formidablement appuyés par la CSN et par plusieurs autres universités (admirables Claudette Carbonneau, Gérald Larose, Guy Rocher de l’UdeM et Cécile Sabourin, présidente de la Fédération Québécoise des ProfesseurEs d’Université), les grévistes allaient au front dans les médias avec une offensive de fierté humaniste : l’UQAM, c’est nous!

On allait ainsi inspirer une solidarité sociétale exemplaire, culminant le 21 avril par une manifestation devant l’Assemblée Nationale, où Amir Khadir de Québec Solidaire et de nombreux députés du Parti Québécois nous rejoignirent, inspirés par le discours sous la pluie de la chef de l’opposition, madame Pauline Marois, et par les piques parlementaires d’une Marie Malavoy inspirée.

Et le lendemain, il y eut cette tactique, certes un peu baveuse, du SPUQ acceptant le projet d’entente à 98 %, « sous réserve de voir une réelle parité, de conclure la convention des maîtres de langue et une convention de retour au travail acceptable » (sic!). Les journalistes en perdaient leur latin, certains annonçant à tort que la grève était finie.

Et la ministre Courchesne avait beau brandir la menace d’une loi spéciale, tout était désormais joué en faveur des professeurs dont les piquetages colorés (le fameux foulard orange ralliant le NPD et le Bloc Québécois) avaient essaimé à travers le quartier des affaires, le Vieux-Montréal des divers ministères et devant Loto-Québec où nous rejoignait un Jici Lauzon représentatif de plus de trois cents signatures de personnalités solidaires, en partie écoeurées de voir le parti libéral accorder au Casino de Montréal sa priorité d’investissement à 300 millions de dollars.

Après cette victoire exemplaire, ce sera à nous, professeurEs de l’UQAM, de mériter cette confiance d’un Québec de gauche revitalisé.