À la défense de Guy Lafleur

2009/05/07 | Par Victor-Lévy Beaulieu

« La loi existe, mais pas la justice », disait Xavier Galarneau. Pourquoi? Parce qu’au contraire de la loi, la justice est laissée à la discrétion de juges qui, parfois, manquent singulièrement… de jugement!

Dans l’affaire Guy Lafleur dont les médias font leurs choux gras, on semble avoir oublié l’origine même des choses. Le fils Lafleur fut arrêté pour agressions sexuelles et voies de fait graves. En plus d’être sous médicamentation à cause de la maladie de Gilles de la Tourette dont il est affligé, le fils Lafleur consommait des drogues dures depuis plusieurs années.

En attendant les procès auxquels il aurait à faire face, le fils Lafleur, pour ne pas moisir en prison, accepta de subir une cure de désintoxication. Quelques semaines plus tard, un juge l’autorisait à rentrer chez lui, le père acceptant de se porter garant de sa bonne conduite.

Quand j’appris la nouvelle, les bras m’en sont tombés. Ayant été moi-même alcoolique, je restai sept semaines en clinique, et cela même si je n’avais consommé ni médicaments ni drogues dures. Comment, dans un cas aussi lourd que celui du fils Lafleur, pouvait-on croire qu’une cure de quelques semaines l’avait guéri de ses problèmes?

Qui a conseillé le juge et l’a-t-il seulement été? Qui a conseillé Guy Lafleur, et l’a-t-il seulement été?

Si les choses avaient été faites sérieusement, n’importe quel véritable expert en toxicomanie aurait avisé le juge qu’en accédant à la requête du fils Lafleur, il ne l’aidait d’aucune façon, bien au contraire. Guy Lafleur lui-même aurait dû être mieux avisé aussi des risques qu’il courait en se portant garant de son fils.

Dans ce domaine, les parents sont toujours les moins doués pour faire face à la situation. L’amour qu’ils portent à leurs enfants les rend facilement dupes, le toxicomane étant un champion du mensonge proféré comme une vérité, de la manipulation, des menaces et du chantage.

Même en ayant les meilleures intentions du monde, il est impossible, sans aide, de prendre charge quotidiennement d’un cas aussi lourd que l’était celui du fils Lafleur à sa sortie prématurée de l’institution thérapeutique où on l’avait confiné.

Le devoir du juge était donc de protéger le fils Lafleur et de protéger aussi ses parents, ce qu’il n’a pas fait. Et tout ce qui est survenu par la suite a découlé de ce manque de jugement. Pour sa part, Guy Lafleur n’a voulu qu’agir en bon père de famille.

Comme l’a écrit Albert Camus : « Si on me demande de choisir entre ma mère et l’État, je choisirai toujours ma mère ». Peut-on blâmer Guy Lafleur d’avoir fait le même choix que Camus?

Quant aux déclarations dites contradictoires qu’il aurait faites et pour lesquelles il pourrait avoir un casier judiciaire, j’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi Guy Lafleur devrait en posséder un quand tous les Jean Chrétien, Brian Mulroney et Jean Charest de ce monde ne cesse d’en commettre et qu’au lieu de les poursuivre en justice, on applaudit ce qu’on appelle leur sagacité!

Pour terminer, j’offre à Guy Lafleur, à sa femme et à sa famille, toutes mes félicitations et mon affection pour leur courage, leur dignité et leur loyauté envers un fils malade et délinquant qu’ils auraient pu abandonner aux bons soins de l’État plutôt que d’en prendre charge eux-mêmes. Combien parmi nous l’auraient fait comme eux, tout simplement par amour?