AbitibiBowater : le régime de retraite de milliers de travailleurs compromis

2009/05/07 | Par Pierre Dubuc

La nouvelle est tombée… comme un arbre ! La juge Danièle Mayrand a permis à Abitibi-Bowater de suspendre les paiements mensuels spéciaux de 13 millions qu’elle verse aux fonds de retraite de ses employés. De quoi inquiéter les retraités et les travailleurs qui sont conscients que la multinationale a déjà cumulé un déficit actuariel d’environ 1 milliard 300 millions et que le régime n’est donc capitalisé qu’à environ 70%.

« Cette décision est extrêmement inquiétante », selon Renaud Gagné du SCEP-FTQ, qui représente plus de 7 500 travailleurs et travailleuses d’Abitibi-Bowater et des milliers de retraités. « Le déficit de solvabilité va continuer de s’accumuler et réduire d’autant la rente des retraités advenant une faillite », confie-t-il à l’aut’journal.

Dans le cas d’une faillite, une éventualité à ne pas exclure depuis que la compagnie s’est placée sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers, l’administration du fonds de retraite serait prise en charge par le Régime des rentes mais, nous explique Renaud Gagné, « les rentes seront versées en fonction des montants qui resteront dans la caisse. Des retraités qui ont contribué toute leur vie à leur régime seraient privés d’en jouir pleinement. »

Dans le cas où la compagnie réussirait à éviter la faillite, il faudra nécessairement renflouer la caisse. Comme c’est un régime à prestations déterminées, celles-ci ne seraient pas diminuées, précise le permanent syndical, « mais on exigerait des travailleurs toujours actifs d’augmenter leurs contributions. On va leur demander de couper dans leurs salaires, leurs vacances, leurs congés. On imagine facilement les chicanes à venir ».

« D’autant plus, souligne-t-il, que les actionnaires s’en sont mis plein les poches, les cadres ont touché de juteux bonis et que le pdg John Weaver s’est fait voter 22 millions à sa retraite en janvier dernier. »

Renaud Gagné souligne la nécessité de renforcer la protection juridique des régimes de retraite que ce soit via la Loi sur les arrangements avec les créanciers ou par la législation sur les régimes de retraite. « Ce n’est pas normal que nos retraités soient considérés comme de simples créanciers ordinaires », précise-t-il.

M. Gagné craint que cette décision « donne des idées à d’autres employeurs qui ont des difficultés financières. Ce n’est pas normal que l’argent des retraités puisse ainsi servir à d’autres fins », conclut-il en rappelant que les pensions ne sont, après tout, que du salaire différé.