Mobilisation sociale

2009/06/17 | Par Jacques Fournier

L’auteur est un organisateur communautaire retraité


Les groupes communautaires devraient-ils s’impliquer davantage dans les débats tels la question nationale, les problèmes sociaux et les enjeux municipaux?

Les groupes communautaires ont toujours eu, au Québec, un rôle important dans la participation citoyenne et la perception anticipée des problèmes sociaux.

Souvent, ce sont des groupes communautaires qui ont découvert les nouveaux besoins et mis de l’avant des pistes de solution. Les gouvernements ont par la suite « récupéré », au sens positif du terme, ces solutions et adopté des lois pour les mettre en vigueur, au bénéfice de toute la population.

Par exemple, ce sont les ACEF, les associations coopératives d’économie familiale, qui ont été les premières à jeter un éclairage cru sur les problèmes d’exploitation des consommateurs et, plusieurs années plus tard, le gouvernement a mis sur pied l’Office de la protection du consommateur (OPC). De même, les CLSC ont été créés par le législateur dans la foulée des cliniques populaires de santé de la fin des années 1960.

Les syndicats ont également joué ce rôle d’éclaireur social : combien de projets de loi à saveur sociale et progressiste ont vu le jour grâce aux pressions syndicales? (l’assurance-santé, le zonage agricole, etc.). Ces projets de loi apportent des bénéfices non pas aux seuls syndiqués mais à tous les citoyens.

Groupes communautaires et syndicats ont historiquement été des outils puissants de participation citoyenne : ils ont fait découvrir à leurs membres qu’unis, ils pouvaient, comme citoyens, mettre leur grain de sel dans les débats publics, avec confiance, avec un espoir réel que les choses puissent changer pour le mieux. Ils ont aidé les citoyens et citoyennes à combattre leur sentiment d’impuissance.

Les choses ont-elles changé sous ce rapport en 2009, comparativement aux années antérieures? Concernent les groupes communautaires, on observe parfois, dans certains groupes, une baisse de cette fonction de critique et de participation sociale. Comment cela peut-il s’expliquer?

Comparativement à il y a vingt ans, le gouvernement finance de plus en plus les groupes communautaires, qui assument toutes sortes de responsabilités, pour une fraction du prix, comparativement à ce que cela coûterait si ces services étaient offerts par le secteur public.

En 1991-92, dans le secteur de la santé et des services sociaux, le gouvernement versait au PSOC (Programme de soutien aux organismes communautaires) la somme de 57 millions $. En 2008-2009, ce montant a été multiplié par sept et atteint 395 millions $.

Grosso modo, pour la moitié des groupes, cela n’a rien changé à leur fonction de critique sociale et de participation citoyenne. Mais malheureusement, environ la moitié des groupes en ont conclu, à tort selon moi,  que ce financement accru leur enlevait le droit de prendre position et de se déployer dans la sphère publique, que ce soit concernant les dossiers sociaux, la question nationale québécoise, l’implication municipale, etc.

Nous avons besoin d’un mouvement citoyen fort. Nous avons besoin que tous les groupes communautaires, en plus de remplir adéquatement les mandats pour lesquels ils reçoivent, de façon pertinente, du financement gouvernemental, gardent leur autonomie et leur esprit critique et ne s’auto-censurent pas dans leurs prises de position. Leur apport enrichit considérablement le fonctionnement démocratique de notre société.