L’État palestinien de Nétanyahou

2009/07/09 | Par Lorraine Guay

L’auteure est infirmière à l’Hôpital de réadaptation Gingras-Lindsay et membre de la Coalition pour la justice et la paix en Palestine

 

M. Nétanyahou est un habile politicien : dans sa bouche, les mots paix et guerre sont interchangeables. De même, M. Obama et les dirigeants occidentaux sont d’habiles diplomates : ils n’hésitent pas à affirmer  que le mot «État palestinien» prononcé du bout des  lèvres par le premier ministre israélien constitue «un grand pas en avant».

Mais ce jeu sémantique et diplomatique ne leurre personne. La déclinaison des conditions sine qua non d’acceptation par Israël d’un «État» palestinien constituent en fait une déclaration de guerre. Car il y a des mots qui sont comme des missiles.

Forcé de se déclarer en accord avec l’existence d’un État palestinien, M. Nétanyahou  en trace unilatéralement l’architecture. Cet État sera sans armée avec interdiction totale d’y faire entrer des armes (sous-entendu : Israël surveillera les frontières). Cet État n’exercera aucun contrôle sur son espace aérien (sous-entendu : l’espace aérien palestinien appartiendra à Israël). Il sera interdit à cet État de nouer des alliances avec l’Iran et le Hezbollah libanais (sous-entendu : c’est Israël qui dictera les relations internationales des Palestiniens).

Cet État devra fournir des «garanties solides de sécurité pour Israël» (sous-entendu :c’est Israël qui en déterminera arbitrairement les paramètres, toujours susceptibles de changer au gré du maître,  lequel pourra à loisir envahir le territoire palestinien si les garanties sont jugées insuffisantes). Cet État devra impérativement reconnaître «de façon sincère et publique» qu’Israël est le pays du peuple juif (plus de 20% de la population israélienne est non-juive et déjà traitée de façon discriminatoire).

De plus, il est totalement exclu de mettre un terme à l’expansion «naturelle» des colonies (un euphémisme pour justifier la création constante de nouvelles  colonies) sans même parler du gel et encore moins de leur démantèlement : Israël considère que ces colonies sont construites sur des terres qui leur appartiennent en violation systématique de la IVe Convention de Genève.

Il est totalement exclu qu’Israël reconnaisse le droit de retour des réfugiés palestiniens, victimes du nettoyage ethnique de 47-48-49,  tel qu’il s’y était engagé conformément à la résolution 194 des Nations Unies.

Il est totalement exclu de partager Jérusalem pour en faire la capitale de chacun des deux États tel qu’exigé au plan international. Jérusalem nous appartient de toute éternité peut-on lire un peu partout sur les murs de cette ville.

Enfin cet «État»  doit résolument s’engager  à détruire le Hamas, une incitation directe à la guerre civile.

Et rien sur la fin définitive de l’occupation y compris le Golan syrien conformément à la résolution 242 des Nations Unies.  Et rien sur le démantèlement du mur de séparation tel qu’exigé par la Cour internationale de justice. Et rien sur Gaza dont le blocus  implacable continue de tuer la population palestinienne à petit feu et viole les conventions de Genève.

La position israélienne est porteuse de guerre car elle ne repose pas sur le respect du droit international pourtant limpide sur ce conflit. Elle se situe en fait dans la poursuite du projet sioniste des Ben Gourion, Sharon et autres dirigeants israéliens (peu importe le parti au pouvoir) pour qui «la construction d’Israël» n’est pas encore terminée.

Sous prétexte de «sécurité» et du refus des pays arabes de se faire imposer le partage de 1947, Israël n’a pas cessé de faire bouger ses frontières par la force. La ligne verte (frontière reconnue au plan international)  se déplace y compris dans les têtes pour reprendre une expression de l’intellectuel israélien Michel Warschawski, se rapprochant toujours davantage du projet de ses pères fondateurs soit l’appropriation de tout le territoire de la Palestine historique du Jourdain jusqu’à la Méditerranée.

Ils y arrivent presque….Ce n’est certainement pas le «petit» Obama qui va leur mettre des bâtons dans les roues si près du but. Nétanyahou doit donc gagner du temps, ce qu’il fait en proposant un «État» palestinien émasculé….Il sait très bien que les Palestiniens n’accepteront pas mais alors ce sont eux qui en porteront l’odieux et apparaîtront comme de dangereux terroristes  !!!!

Cette proposition guerrière de Nétanyahou pourrait par ailleurs produire un effet boomerang sur Israël. Si même le «doux et collaborateur» M.Abbas s’est permis de hausser le ton et de rejeter catégoriquement cet État fantoche, c’est que le degré d’indignation et de révolte de la société palestinienne est grand, au point peut-être d’accélérer une unification de l’ensemble des forces politiques palestiniennes incluant le Hamas (dont on ne doit pas oublier qu’il a été élu démocratiquement par la population palestinienne en 2006).

Du côté de la société palestinienne peut-être une troisième intifada est-elle en train de se forger dans les chaumières ? Peut-être verrons-nous l’ONU reprendre enfin du service dans ce conflit et mettre fin à l’impunité d’Israël ? Peut-être les États-Unis imposeront-ils, pour la première fois de leur histoire, un refus catégorique aux  «finasseries» du tandem Nétanyahou/Liberman ?

Peut-être cette idée de plus en plus présente dans les débats d’instaurer un seul État démocratique et laïque fera-t-elle encore plus de chemin ?  L’unilatéralisme pro-israélien du gouvernement canadien n’échappera pas non plus, comme nous le rappelle l’auteur palestinien Rezeq Faraj,  à ce lancinant «refus de disparaître» du peuple palestinien.