Des fermetures de lits inacceptables

2009/08/21 | Par Jacques Fournier

L’auteur est organisateur communautaire retraité

L’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal persiste dans son intention de fermer 792 lits de longue durée dans les hôpitaux montréalais, alors que 3700 personnes sont en attente d’une place en CHSLD (un peu moins de la moitié d’entre elles sont cependant déjà dans un CHSLD, mais pas dans celui de leur choix).

L’Agence prétend que de nouvelles places vont être créées en « ressources intermédiaires », mais tout indique que cette alternative ne sera pas disponible au moment opportun. Quel est donc l’objectif caché de l’Agence? Que devront faire les familles? Elles devront « placer » leurs aînés dans un centre privé qui leur coûtera très cher. La fermeture de lits en CHSLD s’intègre aux politiques de privatisation du gouvernement Charest.

L’Agence indique qu’elle hébergera les personnes concernées d’abord en lits d’évaluation, puis en lits de transition et enfin dans des lits définitifs. Trois déménagements. C’est inacceptable au plan humain.

L’Agence est sûre d’avoir raison dans son plan de « réingénierie » (oups ! il faut dire « modernisation ») alors que sur le terrain, pratiquement tous les intervenants (médecins, travailleuses sociales, infirmières) trouvent que ces fermetures n’ont pas d’allure.

 

Des ressources intermédiaires insuffisantes

Les ressources intermédiaires (RI) sont de deux ordres : des familles d’accueil (aujourd’hui appelées, dans le jargon technocratique, ressources de type familial, RTF) et des ressources intermédiaires comme telles. Ces dernières ont le droit d’héberger plus de 9 personnes alors que les RTF en hébergent moins de 9. Mais en fait, l’Agence de Montréal encourage la création de RI pouvant accueillir entre 25 et 40 usagers. Les RI sont des petites entreprises, soit privées, soit plus rarement à but non lucratif (OBNL).

Il y a quelques années, les CHSLD avaient des « pavillons », annexes de petite taille. Tout se passe comme si les RI allaient prendre la relève de ces « pavillons », sauf que le personnel des RI est moins rémunéré que celui des CHSLD.

Le gouvernement Charest a voulu diminuer ses coûts de fonctionnement en interdisant, par la loi 7 (adoptée sous le bâillon en décembre 2003), au personnel des RI de se syndiquer. Mal lui en prit car la Cour supérieure du Québec a invalidé cette loi, ainsi que la loi 8 qui prohibait la syndicalisation des services de garde en milieu familial. Ces lois sont discriminatoires à l’égard des femmes, selon le tribunal, et nient un droit reconnu par les chartes, le droit de se syndiquer.

En transférant les personnes hébergées en CHSLD vers des RI, le gouvernement voulait faire des économies qui s’avéreront finalement moins importantes que prévu, parce que la syndicalisation va tendre à améliorer les conditions de travail du personnel dans les RI. Mais les directions des RI seront alors coincées car elles reçoivent des montants forfaitaires du gouvernement, par jour, par usager (variant en fonction de la lourdeur de la clientèle).

Dorénavant, le gouvernement veut limiter l’accès aux CHSLD aux seules personnes qui nécessitent plus de trois heures de soins par jour. Cela implique que l’on ne met plus sur les listes d’attente des CHSLD les personnes qui requièrent moins d’heures de soins. Ces personnes sont mises en attente pour une RI. Lors d’une rencontre tenue le 18 mars 2008, dans le quartier Rosemont, M. Gary Furlong, directeur général du CSSS Lucille-Teasdale, a dit : « On met ces personnes sur des listes d’attente pour des ressources qui n’existent pas ». Et en attendant, l’Agence ferme des lits de CHSLD!

Quant aux services à domicile des CSSS, ils sont réservés aux personnes nécessitant « moins de deux heures et demi de soins par jour, sans surveillance ». Des grilles d’évaluation déterminent si la personne est admissible en CHSLD, en RI ou si elle demeurera à son domicile avec des services du CSSS, dont on sait qu’ils sont souvent insuffisants.