Au nom du père et du fils…

2009/08/27 | Par Louise Mailloux

En juillet dernier, quatre Montréalaises d’origine afghane dont trois sœurs, Zainab (19 ans), Sahar (17 ans) et Geeti Shafia (13 ans) ainsi que Roma Amir Mohammed (50 ans) ont été retrouvées mortes dans le canal Rideau à Kingston en Ontario.

On a d’abord retenu la thèse de l’accident puis le père, la mère et le fils de 18 ans ont été arrêtés et accusés de meurtre prémédité et de conspiration. Selon les autorités policières, même si la chose n’a pas été confirmée publiquement, il pourrait s’agir d’un crime d’honneur.

 

LE PRIX DE LA MARIÉE

Bien sûr il n’est pas rare que des cas de violence conjugale à l’égard des femmes se terminent par un meurtre dont l’auteur est souvent l’ex-conjoint de la victime qui n’accepte tout simplement pas que celle-ci le quitte ou veuille divorcer.

Blessés dans leur orgueil de mâle qui va perdre sa « chose » qui lui faisait des tartes depuis 30 ans, ces hommes frustrés tuent leur conjointe et parfois même leurs enfants, mais en agissant seul, sans pouvoir compter sur l’aide ou l’approbation de leur famille.

Ce qui n’est pas le cas pour les crimes d’honneur dont la spécificité est d’impliquer les proches de la victime comme complices du meurtrier par leur participation, leur accord tacite et leur silence hypocrite.

Ainsi chaque année, des milliers de femmes, 5000 selon les chiffres de l’ONU, sont victimes de crimes d’honneur dans le monde. Des meurtres souvent maquillés en accidents ou en suicides et dont la famille se fait complice. Des crimes souvent impunis perpétrés par le père, le fils, le mari, le beau-frère, l’oncle ou le cousin du beau-frère de l’oncle sur une femme dont le comportement sexuel salit et déshonore la famille.

C’est dire que de la puberté jusqu’à la ménopause, les ovules de Poupoule demeurent sous haute surveillance. Une tâche titanesque qui a occupé les hommes tout au long de l’Histoire. Plus que la guerre, la bière ou le foot, les ovules de Poupoule font toujours courir les foules.

Femmes infidèles ou tout simplement soupçonnées de l’être, coupables de s’être « laissées violer », d’avoir eu des relations sexuelles avant son permis de conduire, d’être filles-mères, d’avoir refusé un mariage arrangé avec le plus vieux des cousins du beau-frère de son oncle, de vouloir divorcer, d’avoir flirter avec un garçon, de lui avoir téléphoné, d’avoir mangé une poutine avec lui, de l’avoir séduit, lui, l’étranger boutonneux derrière son 7Up, devant tout le monde, en plein resto de La Belle Province. Décidément, la Juliette, elle en a dedans pour vouloir vivre comme les Québécoises!

La faute? Vouloir être libre et vivre à l’occidentale. La punition? Une exécution extrajudiciaire commise par les hommes du clan à qui appartient le corps, la sexualité et la virginité des femmes qui incarnent la pureté ou la souillure de leur famille.

Ces femmes considérées comme des vulgaires marchandises que les hommes contrôlent et s’échangent entre eux, pour asseoir leur pouvoir, assurer leur lignée, exhiber leurs richesses, montrer des dents comme les gorilles et imposer le respect auprès des autres gorilles du quartier.

Femmes-objets dont le droit à la vie est intimement lié au respect des traditions plutôt qu’à la Déclaration des Droits de l’Homme, et dont la transgression signe inexorablement leur arrêt de mort.

Une mort annoncée dans le regard endurci de l’entourage, une mise à mort rituelle dans la froide approbation générale. Une sorte de lapidation en règle. Seule contre tous. Sans même pouvoir s’accrocher aux jupes de sa mère qui obéit au mari, pas plus qu’à la DPJ qui se défend d’avoir les mêmes formulaires pour tout le monde.

Pas de racisme, évidemment! Mais toujours seule comme sur un parking de centre d’achats à 9h10 le vendredi soir. Une honte publique qui appelle une réparation publique. Voilà pourquoi les hommes de la tribu s’en débarrassent comme on jette à la poubelle une viande faisandée.

 

LE VOYAGE DE NOCES

Partout à travers le monde, en Inde, au Brésil, au Pérou, en Israël mais surtout dans la grande majorité des pays musulmans qui sont les premiers concernés par ces pratiques odieuses et rétrogrades (Maroc, Turquie, Égypte, Palestine, Liban, Syrie, Jordanie, Yémen, Irak, Afghanistan, Pakistan, Bangladesh, Iran, Soudan, Nigeria) ou dans les communautés musulmanes immigrées d’Europe (Royaume-Uni, Suède, Norvège, Danemark) ou d’Amérique (États-Unis, Canada) encore aujourd’hui, pour l’honneur des mâles, les femmes paient de leur vie.

Dans le plus strict respect des traditions, de la culture et de la religion et ce, au mépris de maintes Conventions.

En novembre 2000, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution sur « des mesures à prendre en vue de prévenir et d’éliminer les crimes d’honneur contre les femmes en recourant à des mesures législatives, éducatives et sociales ».

La résolution fut votée par 120 pays, alors que 25 autres se sont abstenus, pour la plupart musulmans. Ce qui n’étonne nullement puisque la majorité des crimes d’honneur se produisent dans ces pays.

 

LA DANSE DE LA MARIÉE

Comment expliquer cela? L’islam est demeuré collectiviste dans sa mentalité comme au temps de Mahomet. C’est dire que la communauté prime sur l’individu, que l’on favorise le groupe et que la liberté individuelle si chère à nos sociétés démocratiques apparaît comme la pire des pestes.

Et encore plus détestable et menaçante, la libération des femmes qu’a connu l’Occident, particulièrement la libération de leur corps qui les a libérées de la maternité obligée, libérées de la famille et leur a permis du même coup d’autres libérations qu’elles soient sexuelle, intellectuelle, économique ou politique. « Qui libère la femme, libère tout le reste » nous dit Malek Chebel. La formule est belle et terriblement vraie!

Voilà pourquoi le féminisme et la libération des femmes constitue pour l’islam le pire des dangers, le mal absolu, l’hérésie suprême qui ferait s’écrouler toutes les hiérarchies puisqu’elle est l’expression la plus forte et la plus criante de la liberté individuelle, ruinant du même coup l’autorité et les prérogatives des hommes sur les femmes telles que proclamées dans le Coran.

Voilà aussi pourquoi les ovules de Poupoule sont la propriété du clan et doivent être étroitement surveillées par tous les hommes du clan. Parce que la femme est essentiellement une fabrique de musulmans, la matrice de toute la communauté et que son « lieu naturel » demeure le foyer. Ici, on naît femme, n’en déplaise à Beauvoir et toutes les autres folles.

C’est pourquoi lorsqu’elle sort du foyer pour aller à l’Université ou faire des courses sur la rue Bélanger, elle doit cacher son corps et se déguiser en « Femme invisible » pour se dérober au regard des autres hommes parce qu’elle n’est pas libre de son corps, pas plus que de son désir sexuel et amoureux.

En revanche, ces femmes pourront toujours être libres d’étudier et de travailler, et nous le répéter à satiété, mais jamais on ne leur accordera la liberté sexuelle dont jouissent les femmes occidentales. Et dites-vous bien que celles qui s’y risquent le font parfois au péril de leur vie.


MOURIR À TUE-TÊTE

Les meurtres de Kingston ne sont pas les premiers crimes d’honneur à se produire au Canada. Rappelons-nous en décembre 2007, le cas de la jeune ontarienne Aqsa Parvez assassinée par son père parce qu’elle refusait de porter le voile.

Mais au Québec, la frilosité des médias et le silence embarrassé de la gauche et des groupes de femmes lorsqu’il s’agit de dénoncer ces crimes d’honneur ont pour effet d’étouffer le scandale et de donner un appui aux assassins plutôt qu’aux victimes.

On ne peut pas, sous couvert de lutter contre la mondialisation ou le racisme, encourager par notre silence, ces pratiques ignobles à l’égard des femmes et des jeunes filles, et abandonner à leur sort toutes celles qui aspirent à l’autonomie et souhaitent vivre comme nous.

Il faut, bien au contraire, donner à ces pratiques le plus de visibilité possible parce que la loi seule ne suffit pas pour changer les mentalités, apporter un support et protéger ces femmes. Et s’il s’agissait de NOS FILLES, ne serions-nous pas plus nombreuses à CRIER?...