Cégep en français : les omissions de Gaëtan Boucher

2009/09/25 | Par Alain Dion

Le jeudi 17 septembre dernier, Gaëtan Boucher, le PDG de la Fédération des cégeps, réagissait dans les pages du Devoir aux propos de l’ex-premier ministre  Bernard Landry qui suggère, comme plusieurs groupes de la société civile, d’étendre les dispositions de la loi 101 aux cégeps québécois.  

Dans un texte intitulé Langue d’enseignement au cégep, le Québec a fait le bon choix, Gaëtan Boucher tente de discréditer la thèse de M. Landry en s’appuyant sur des arguments manifestement développés en toute hâte, semant ici et là des statistiques tronquées et des demi-vérités susceptibles de fausser le débat en esquivant les véritables intentions des promoteurs d’un projet qui cherchent d’abord et avant tout, rappelons-le, à favoriser encore davantage l’intégration des immigrants à la majorité francophone du Québec.

On peut d’ailleurs s’étonner d’un tel empressement à se jeter à l’eau de la part d’un PDG qui, à ce stade-ci de la réflexion, devrait à la fois faire preuve d’un devoir de réserve et surtout s’assurer de parler au nom de l’ensemble des directions des cégeps québécois. 

Bâti, entre autres, à partir de statistiques nationales très sommaires, qui ne permettent pas de souligner le caractère particulier de l’Île de Montréal, où, selon le Portrait socioculturel des élèves publié dernièrement dans La Presse, la concentration de l’immigration allophone est en croissance, dépassant même au niveau scolaire, les Québécois de langue maternelle française en pourcentage, l’argumentaire de Gaëtan Boucher ne tient manifestement pas la route.

Lorsqu’il souligne de manière plutôt tendancieuse que « le nombre d’allophones et de francophones qui fréquentent le réseau collégial en anglais est resté le même : moins de 13 000 étudiants, ce qui représente 8 % de la population étudiante totale des collèges public et privés », il applique à l’ensemble du Québec une statistique bien partielle et il omet surtout de souligner que trois des plus gros collèges anglophones se retrouvent précisément à Montréal.

Nous savons  de surcroît que depuis quelques années, l’effectif étudiant du cégep Dawson déborde littéralement et que la direction du collège pourrait même demander au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport  d’augmenter le nombre maximal d’étudiantes et d’étudiants admissibles à l’intérieur de ses murs afin de répondre à la demande. Il y a sûrement là matière à réflexion sur la fréquentation des cégeps anglophones surtout quand on sait que Montréal est de plus en plus déserté par les francophones.

Qui plus est, le PDG fait preuve d’une démagogie crasse quand il souligne «qu’on ne saurait faire porter uniquement aux cégeps la responsabilité d’intégrer les personnes immigrantes». Il est bien évident que personne n’oserait soutenir une telle affirmation, totalement farfelue.

Les tenants de la proposition de rendre le cégep francophone obligatoire souhaiteront plutôt intégrer cette nouvelle mesure à une approche intégrée, une nouvelle stratégie devant également comprendre le renforcement de la langue française dans le milieu de travail  et le développement de meilleurs outils afin de soutenir et intégrer de manière  plus efficace les nouveaux arrivants à la société québécoise.  Pourquoi ne pas penser pareillement à  remettre à l’ordre du jour l’enseignement privilégié de notre histoire nationale ?

Finalement, la lecture du texte de Gaëtan Boucher, soulève deux questions importantes. Sommes-nous face à un porte-parole des directions de cégeps soucieux de véritablement contribuer au débat favorisant l’intégration des immigrants à la majorité francophone ?

Ou ne pourrait-on pas plutôt déceler dans cet exposé le désarroi d’un homme beaucoup plus enclin à défendre le fruit des généreuses cotisations versées années après années à sa fédération patronale par les gros collèges anglophones ?