Grippe A(H1N1): un point de vue médical, politique et anthropologique

2009/09/28 | Par Pierre Dubuc

Sur un ton de plus en plus alarmiste, les médias nous abreuvent, jour après jour, d’informations, souvent contradictoires, au sujet de la grippe A(H1N1). Les rumeurs de campagnes de vaccination obligatoire font le bonheur des sites conspirationnistes et alimentent l’inquiétude au sein de la population. C’est pour y voir plus clair que le Centre de recherche sur la  mondialisation, dirigé par Michel Chossudovsky, a organisé une assemblée publique à Montréal le 23 septembre dernier.

Aux côtés du professeur Chossudovsky, se trouvaient le docteur Marc Zafran, médecin de famille et journaliste scientifique et l’anthropologue Gilles Bibeau, professeur titulaire au département d’anthropologie de l’Université de Montréal et spécialiste de l’anthropologie médicale. Jean-Claude St-Onge, l’auteur de L’envers de la pilule, les dessous de l’industrie pharmaceutique (Écosociété), présidait l’assemblée de plus de 200 personnes.

Que la pandémie de grippe inquiète, malgré la bénignité actuelle du virus, ne surprend pas Gilles Bibeau. Il rappelle que l’humanité a d’inscrit dans sa mémoire collective le souvenir des grandes épidémies du passé, que ce soit la peste, la grippe espagnole ou, plus récemment, le VIH-sida.

« Le personnel médical, ajoute-t-il, est aussi conscient que nous sommes peut-être à la veille d’une septième grande rupture pathocénique, c’est-à-dire provoquée par des déséquilibres écologiques au cours de l’histoire humaine, chacune d’entre elles ayant entraîné une reconfiguration particulière du pool des agents infectueux. »

Au nombre des grandes ruptures du passé, l’anthropologue rappelle l’arrivée des Européens en Amérique où les populations amérindiennes furent décimées par des maladies telles que la grippe, banales en Europe, mais mortelles pour les habitants des Amériques qui n’avaient développer aucune défense immunitaire face à ces agents infectueux.

Une autre rupture est survenue lors de l’industrialisation avec les déplacements massifs des populations rurales vers les grandes villes. La tuberculose a alors connu une formidable recrudescence auprès des familles ouvrières qui avaient troqué le travail au grand air à la campagne pour les conditions insalubres des usines et des villes.

L’entrée de nouveaux agents infectueux déstabilise l’harmonie établie au fil des siècles par la population d’un lieu avec ses propres agents infectueux, mais conduit à plus long terme à une nouvelle reconfiguration, à une immunisation des populations concernées.

La crainte actuelle est d’autant plus présente qu’on pressent, selon le professeur Bibeau, qu’elle peut venir des relations, souvent violentes et agressives, que nous entretenons avec la nature et plus particulièrement avec les animaux, et que les premiers cas déclarés de la grippe A(H1N1) seraient apparus au Mexique dans une localité située près d’une mégaporcherie.

À ce propos, Michel Chossudovsky relate le cas d’une mégaporcherie en Alberta où on dû abattre 2 000 porcs atteints du virus A(H1N1). « On a enterré l’affaire en attribuant la cause à un travailleur mexicain de retour de vacances dans son pays d’origine. »

Bien qu’on ne puisse écarter le risque de pandémie grave, le professeur Bibeau invite à la prudence –  « Il ne faudrait pas mourir de peur avant de mourir de la grippe », lance-t-il – en dénonçant le discours médiatique risquophobe qui nous laisse croire que nous serions au bord du précipice. « Tout cela légitime les mécanismes de contrôle et de gestion des populations », conclut-il.

À ce chapitre, Michel Chossudovsky a brossé un tableau inquiétant des mesures prévues aux États-Unis en cas de pandémie dans le cadre d’une véritable militarisation de la santé. Vaccination obligatoire, quarantaine dans des camps militaires, lois martiales. Tout pour créer une atmosphère de peur, tout pour occuper l’espace médiatique, alors que sévit une crise économique dont nous n’avons pas encore vue l’apothéose et que des opérations militaires de grandes ampleurs ont lieu en Asie centrale et au Moyen-Orient. « Voudrait-on démobiliser la population qu’on ne procèderait pas autrement », s’indigne-t-il.

D’autant plus que la pandémie de grippe A(H1N1) ne repose pas, selon lui, sur des données sanitaires vérifiées et vérifiables. « Les chiffres sont manipulés, falsifiés. En Angleterre, il suffit de téléphoner à SOS Santé et décrire des symptômes comme la fièvre ou la toux pour qu’on soit immédiatement catalogué atteint du virus, sans aucune analyse de laboratoire. Et on vous donne une prescription de tamiflu. »

C’est peut-être dans ce dernier élément que réside l’explication de délire gouvernemental et médiatique. « Les entreprises pharmaceutiques vont toucher plus de 40 milliards pour la production de vaccins », souligne le professeur Chossudovsky, tout en précisant que Donald Rumsfeld, l’ancien secrétaire à la Défense sous George W. Bush, faisait partie du conseil d’administration de la firme qui détient les droits intellectuels du tamiflu.

Alors, il y a pandémie ou pas? Le docteur Marc Zafran s’est chargé de remettre les pendules à l’heure en commentant les derniers rapports épidémiologiques hebdomadaires de l’Organisation mondiale de la santé. « Depuis juillet, on a répertorié 6 décès en France dus à la grippe A(H1N1), alors qu’il y a eu 650 morts par noyade. Au 15 septembre, dans l’ensemble de l’Europe, on dénombrait 52 000 cas de personnes atteintes et 157 décès. Dans le monde entier, on compte 4 052 décès. Rappelons qu’il y a deux millions de personnes qui meurent chaque année du paludisme. Voilà pour les chiffres. »

Le problème découle, selon lui, du fait que les relevés de l’OMS ne sont pas fiables, que des projections sont effectuées à partir de ces données selon des modèles mathématiques et que l’OMS diffuse les projections les plus pessimistes.

Bien sûr, il y a pandémie. « Comme la grippe saisonnière qui était aussi une pandémie. Une grippe a remplacé l’autre. Il n’y a rien d’exceptionnel là-dedans », déclare-t-il en soulignant que la pandémie a commencé en hiver dans l’hémisphère sud et qu’elle arrive maintenant dans l’hémisphère nord.

Y a-t-il des populations plus à risque? « Tous les virus sont dangereux pour les femmes enceintes. Les asthmatiques le sont aussi. Par contre, les gens de plus de 50 ans possèdent déjà les anti-corps nécessaires pour combattre le virus. »

Faut-il vacciner la population? « S’il faut vacciner, commençons par les gens à risque, les autochtones, les sans-abri. Curieusement, je n’ai pas entendu personne mentionner les sans-abri. »

Y aura-t-il vaccination obligatoire au Canada, maintenant que le pays a acquis 50 millions de doses pour une population de 30 millions d’habitants ? Comme le soulignait un participant, « on a justifié l’achat de tant de doses en déclarant qu’il en faudrait deux par personne. Maintenant, on dit qu’une suffira. Finalement, on vaccinera les clientèles habituelles de la grippe traditionnelle. Les vaccins sont achetés et Big Pharma a encaissé les profits. »

Quant au docteur Zafran, il déclare : « En tant que médecin de famille, père de 8 enfants et lecteur assidu de littérature scientifique, je ne me ferai pas vacciné et les membres de ma famille non plus. » Une déclaration endossée par Gilles Bibeau et Michel Chossudovsky.