Tarification des services publics

2009/09/30 | Par Jacques Beaumier

Dans son dernier livre, la journaliste Naomi Klein démontre que les chocs sociaux, dont les crises économiques, sont délibérément utilisés pour permettre la mise en œuvre de réformes économiques néolibérales majeures qui seraient impossibles en temps normal. Il suffit de laisser courir l’idée, faire semblant de la déposer sur les tablettes puis, quand le moment est propice, on procède.

L’intention du gouvernement libéral de Jean Charest d’imposer la tarification sur l’ensemble des services publics semble suivre ce scénario à la lettre. Charest refuse d’abord de hausser la TVQ pour récupérer les 2% de TPS abandonnés par le fédéral en juillet 2006 et janvier 2008. Perte pour les revenus de l’État 2,5 milliards$.

Entre temps, au printemps 2007, il transforme 700 millions$ d’ajustement de péréquation en baisse d’impôts. Ces sommes viennent s’ajouter aux nombreuses baisses d’impôts et déductions fiscales depuis le début de la décennie que l’on peut évaluer sommairement à 7 milliards$, sommes qui privent le trésor public de revenus tous les ans.

Puis, à l’automne de la même année, le gouvernement Charest annonce la formation d’un groupe de travail pour conseiller le gouvernement sur la tarification afin de trouver de nouvelles sources de financement pour les services publics.

Printemps 2008, la groupe dépose son rapport, le rapport Montmarquette, qui recommande, sans surprise, l’imposition et augmentations de tarifs.

Leurs principaux arguments sont que la tarification encouragerait l’efficacité dans l’utilisation des ressources publiques, contribuerait à améliorer la qualité des services publics et diminuerait la pression sur les finances publiques, mais rien sur la nécessité d’augmenter les revenus à cause du ralentissement économique. Évidemment, il ne s’est pas encore produit.

Les résistances sont fortes. Un chroniqueur d’un journal montréalais écrit que les réactions de la société civile seront réglées « comme du papier à musique ».

Selon lui, on retrouvera dans le coin gauche la CSN, les fédérations étudiantes et Québec Solidaire, unis dans une indignation commune tandis que dans le coin droit, on retrouvera le patronat.

Habile politicien, M. Charest sent bien que la population n’est pas prête pour se faire administrer le choc. Le rapport est déposé sur les tablettes… pour le moment.

Printemps 2009 : Lors de la présentation du budget, on nous annonce un déficit de près de 4 milliards de dollars dû à la récession. Or, force est de constater que ce déficit n’est pas dû au ralentissement économique, mais bien au refus têtu de ce gouvernement de protéger les revenus de l’État.

Aujourd’hui, on nous annonce qu’il faudra adopter une loi-cadre sur la tarification pour augmenter les recettes et, pince-sans-rire, le premier ministre déclare devant ses militants que ce n’est pas tout d’augmenter les recettes par la tarification, mais qu’il faudra aussi se serrer la ceinture. La population peut compter sur lui pour se protéger de la férocité de ses militants.

Manipulateur de haut niveau, Jean Charest nous dit qu’il faut se garder d’avoir une approche idéologique. Or, il nous démontre exactement le contraire en déclarant que dans un monde idéal, l’impôt reste le moyen le plus progressif d’augmenter les revenus de l’État, ce qui est tout à fait vrai, mais comme on est dans le Canada et à côté des États-Unis, soutient-il, une hausse d’impôt pourrait susciter des départs.

Le mensonge est quand même gros, juste au moment où le gouvernement américain songe à instaurer un système public de santé pour rendre les entreprises plus compétitives. Quant au Canada, nous sommes aux prises avec un gouvernement moins habile, mais aussi entêté idéologiquement à réduire les revenus de l’État pour l’affaiblir.

Évidemment, le premier ministre Jean Charest profite de la crise actuelle pour nous  imposer un virage majeur, la tarification des services publics. Faire payer la population et continuer à offrir des baisses d’impôts et des déductions fiscales aux mieux nantis et aux entreprises. Tout un choc !