Tarifs d’électricité : privatisation en vue

2009/10/01 | Par Robin Philpot

Au Québec, il n’y a pas que les rivières qui se font détournées ! Il y a aussi des sociétés d’État. Après la Caisse de dépôt détournée de sa mission de départ avec les conséquences que l’on sait (perte de 40 milliards $, ce qui explique en partie l’urgence du gouvernement actuel de renflouer les coffres de l’État), maintenant c’est Hydro-Québec que l’on détourner en la transformant en machine à dividendes avant d’être une machine à profits.

Ne nous trompons pas ! La hausse des tarifs que le gouvernement nous prépare n’est que le prélude inéluctable d’une campagne en faveur de la privatisation d’Hydro-Québec.

Pour saisir l’ampleur de ce détournement, il faut faire un peu d’histoire.

Jamais, depuis la bataille des années 1930 contre « le trust de l’électricité » jusqu’à l’élection référendaire de 1962 sur la nationalisation des compagnies d’électricité privées, n’a-t-il été question de renflouer les coffres de l’État par la commercialisation de ce « service public » qu’est l’électricité, ni d’opposer ce service aux autres services comme ceux de l’éducation ou de la santé. Mais le gouvernement Charest le fait allègrement.

Jamais, depuis les « 12 002, faut se parler » jusqu’à « notre propre énergie », ni Hydro-Québec ni ses patrons gouvernementaux ne nous ont prévenus que, bientôt, une fois que nous étions dans son marché captif, elle ferait monter en flèche les tarifs pour ce service essentiel qu’est l’électricité.

Contre vents et marées, le Québec a fait le bon choix de l’hydroélectricité depuis plus de 50 ans, sans la moindre aide du gouvernement fédéral.

Si le Québec peut se permettre aujourd’hui de faire la morale à d’autres en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, c’est grâce à ce choix.

Si le Québec réussit mieux aujourd’hui que d’autres à protéger les pauvres et à combattre la pauvreté – pardon, protéger les moins nantis et combattre le moins nantissement (dixit Raymond Bachand et Clément Gignac) – c’est grâce à ce choix.

Le Québec a fait ce choix, mais les Québécois ont bien joué le jeu, et depuis toujours. Sans cette participation constante de la population québécoise, autant politique que financière, il n’y aurait pas de complexe hydroélectrique de la Baie-James, ni de la Manicouagan, ni de Churchill Falls.

Car si les Québécois à la grandeur du Québec n’avaient pas accepté de convertir au chauffage électrique, en le payant de leur poche soit par des investissements personnels soit par des programmes gouvernementaux, le Québec n’aurait jamais pu faire ces grands projets.

Qui aurait financé des projets semblables sans être assuré qu’il y avait un débouché captif pour toute cette électricité ? Ceux qui en doutent n’ont qu’à demander aux Terre-neuviens pourquoi ils n’ont jamais développé le bas Churchill. Rappelons aussi que les interconnexions permettant la vente de l’électricité à gros prix à l’étranger n’existent que depuis les années 1990.

Depuis les années 1960, les Québécois y ont participé de bon gré à ce grand projet tellement réussi.  Et ils ont le droit d’en profiter ! Ça fait d’ailleurs partie de notre identité distincte, et de notre force.

Ceux qui n’ont à promouvoir aujourd’hui que la hausse des tarifs d’électricité – mais toujours avec un petit trémolo au sujet de leurs moins nantis – ne font qu’avouer leur totale incompétence à proposer des idées économiques et sociales audacieuses pour développer le Québec qui tiennent compte de la formidable histoire de notre société d’État.

Il est temps d’arrête ce détournement honteux !

* L’auteur a travaillé chez Hydro-Québec de 1987 à 1999.