Projet de loi 16 : S’adapter aux communautés culturelles plutôt que de les intégrer

2009/10/07 | Par Jacques Beaumier
En mars dernier, la ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Yolande James, déposait à l’Assemblée nationale la Loi favorisant l'action de l'Administration à l'égard de la diversité culturelle.

Avec ce projet de loi no 16, le gouvernement Charest semble bien déterminé à ne pas vouloir traiter à fond la question des relations entre les communautés culturelles et la société d’accueil.

Alors qu’un large consensus existe depuis trente ans pour que les nouveaux arrivants s’intègrent au tronc commun de la culture francophone, ces mesures annoncées donnent l’impression que l’on demandera plutôt à la société d’accueil de s’adapter aux nouveaux arrivants.

Selon la note explicative, le projet de loi 16 vise à favoriser l’ouverture de la société québécoise à la diversité culturelle et à lutter contre la discrimination. Plus spécifiquement, « le projet de loi crée l’obligation pour les organismes de l’Administration d’adopter une politique de gestion de la diversité culturelle et d’en rendre compte ». Il est accompagné d’un plan d’action 2008 – 2013, La diversité : une valeur ajoutée.

Ce qui frappe à première vue dans ce projet de loi est la préoccupation pour que la société d’accueil s’ouvre davantage à la diversité culturelle sans que la contrepartie soit abordée, c’est-à-dire que des mesures soient prises pour que ces communautés culturelles puissent s’intégrer à la société d’accueil de façon harmonieuse.

Ainsi, aussi étonnant que cela puisse paraître, aucun article du projet de loi n’aborde la question de la langue comme moyen pour « favoriser la pleine participation des personnes des communautés culturelles à la société québécoise ».


Compressions au MICC

Dans le Plan d’action 2008 – 2013, on reconnaît que « pour les personnes immigrantes, la langue française est un instrument essentiel de communication avec les autres citoyens ».

Cependant, on s’en remet aux mesures annoncées en mars 2008 dans le document Pour enrichir le Québec : Franciser plus, Intégrer mieux, qui accordaient 23 millions de dollars pour franciser davantage. Ces mesures avaient été reçues avec un certain scepticisme par l’éditorialiste du Devoir, Marie-Andrée Chouinard.[1].

Un projet flou

Le gouvernement Charest ne semble pas entretenir d’attentes trop élevées à cet égard et prévoit accroître l’adaptation des services publics à la diversité en offrant, entre autres, « des services adaptés aux besoins d’une clientèle de plus en plus diversifiée ».

Au Ministère, la responsable de dossier préfère insister sur l’aspect « formation interculturelle ». Elle reste plutôt vague sur ce que signifie « accroître l’adaptation des services publics à la diversité ». S’agit-il d’offrir des services dans plusieurs langues?

« La clientèle des services publics n’est pas francophone mûr à mûr », répond-t-elle. A-t-on l’intention de s’adapter à la diversité au point d’officialiser la prestation des services en anglais comme le dénonçait Le Devoir au printemps 2008? Énigmatique, elle ajoute : « Les services publics font déjà une adaptation. »

Selon le projet de loi no 16, chaque ministère et organisme devra se doter d’une politique de la diversité. La loi aura pour effet d’obliger les ministères et organismes à s’adapter à la réalité pluraliste du Québec.

Mais ne s’agit-il pas d’un recul par rapport à la volonté du Québec d’intégrer les communautés culturelles au tronc commun de la culture francophone? « Le substrat, poursuit la responsable du dossier, c’est la société québécoise, le projet de loi, c’est une obligation d’effort et non de résultats. »

Ne s’agit-il pas de généraliser certaines pratiques qui se sont installées au fil des ans à la SAAQ par exemple? Rappelons que cet organisme faisait passer des examens de conduite dans plusieurs langues ou acceptait, jusqu’à ce que les médias le révèlent, qu’on puisse refuser d’être servi par un agent féminin.

Il reste qu’il est plus facile pour un fonctionnaire francophone d’obtenir des cours d’anglais qu’un fonctionnaire ayant des difficultés avec la langue française d’obtenir des cours de perfectionnement.

Cette plus grande adaptation des services publics à la diversité pourrait bien cacher une plus grande bilinguisation de la fonction publique québécoise déjà observée dans la région métropolitaine.

À cet égard, le plan d’action de la ministre Yolande James ne prévoit rien pour contrer le relâchement du caractère français au sein des ministères et des organismes. Le projet de loi 16 est étudié en à la Commission des relations avec les citoyens les 7 et 8 octobre. 



[1] Marie-Andrée Chouinard. Le Devoir.19 mars 2008.