Le capitalisme, une histoire d’amour de Michael Moore

2009/10/13 | Par Pierre Dubuc

« Si je suis autant la cible des grands médias, c’est parce que je touche un vaste public avec mes films. J’aime bien Chomsky et Naomi Klein, mais si on ne les attaque pas autant que moi, c’est parce qu’ils ne rejoignent pas un si large public », déclarait récemment Michael Moore.

Mais Chomsky et Naomi Klein peuvent se rassurer, le dernier film de Michael Moore, « Le capitalisme, une histoire d’amour », est une belle illustration de leurs thèses. Particulièrement, de la « stratégie du choc » de Naomie Klein.

C’est le moment fort du film. Moore montre comment Goldman Sach a manipulé le Congrès américain sous George W. Bush pour qu’il vote plus de 700 milliards de deniers publics aux grandes institutions bancaires et financières.

Dans un premier temps, rappelle le film, les membres du Congrès ont refusé de voter une telle somme après avoir reçu des millions de courriels, d’appels téléphoniques et de lettres de protestation d’électeurs indignés.

Mais, raconte Moore, les médias ont amplifié à dessein la crise pour faire plier le Congrès. « On a assisté à un véritable coup d’état financier », raconte à l’écran Marcy Kaptur, la Congresswoman de Toledo en Ohio, une des seules à s’y être opposée.

Contrairement à ses films précédents, où Moore devait se tourner vers d’autres pays pour illustrer des solutions progressistes, il peut cette fois nous présenter de magnifiques exemples de la résistance du peuple américain à la crise.

Il y a ces travailleuses et travailleurs de Chicago qui occupent leur usine pour réclamer une prime de séparation et qui l’obtiennent après avoir suscité un véritable mouvement d’appui à leur cause. Il y a ces gens évincés de leur maison qui décident d’y revenir en bravant les autorités.

Signe de l’ampleur de la crise et des transformations en train de s’opérer dans toutes les classes de la société américaine, on voit des huissiers rebrousser chemin devant la détermination des occupants, un chef de police qui annonce, en conférence de presse, qu’il n’évincera plus de leurs maisons leurs occupants en défaut de paiement et la Congresswoman Marcy Kaptur inviter ces derniers à squatter leur maison.

Michael Moore n’a pas son pareil pour révéler les pires ignominies du capitalisme américain. Comme ce juge qui touchait des ristournes du propriétaire de centres correctionnels privés pour chaque jeune qu’il leur envoyait pour de menus larcins ou encore ces entreprises comme Wall-Mart qui prennent des assurances-vie dont ils sont les bénéficiaires sur leurs employés sans leur en faire part, ces fameuses clauses « Dead Peasants ».

Le cinéaste présente aussi la partie censurée par les grands médias du témoignage devant le Congrès du pilote qui a posé son avion sur la rivière Hudson. On a accordé une large couverture médiatique à la description de ses prouesses, mais on a tu sa dénonciation des salaires misérables versés aux pilotes d’avion – souvent moins de 20 000 $ par année – ce qui les oblige à se trouver un deuxième boulot. Le stress et la fatigue qui en découlent seraient responsables de l’écrasement d’un avion à Buffalo l’an dernier.

« Le capitalisme, une histoire d’amour » se termine en apothéose avec des documents d’archives où l’on voit des troupes fédérales, envoyées par le président Franklin Delano Roosevelt, en soutien aux grévistes de la General Motor qui occupaient leurs usines à la fin des années 1930 pour les protéger des exactions des forces policières.

C’est avec beaucoup d’émotion qu’on voit Roosevelt lire au microphone de la radio le Bill of Rights qu’il voulait faire adopter et dans lequel étaient reconnus, entre autres, le droit à un salaire permettant de répondre à ses besoins et à une aide en cas de chômage, à des soins de santé gratuits, à l’éducation, à un logement décent. Malheureusement Roosevelt est décédé avant que son Bill of Rights ait force de loi.

Michael Moore salue l’ampleur des espoirs suscités par la campagne et l’élection de Barack Obama, mais il souligne que Goldman Sach a versé un million de dollars à sa caisse électorale. Moore montre que c’est la mobilisation populaire qui est à l’origine des mesures progressistes du New Deal de Roosevelt. D’ailleurs, ce dernier ne déclarait-il pas aux dirigeants syndicaux venus le rencontrer à propos de son programme législatif progressiste. « Je veux qu’il soit adopté, vous voulez qu’il soit adopté, alors forcez-moi à le faire adopter. » On aimerait autant de détermination chez Obama.

Le film de Michael Moore est à voir absolument. Ne vous laisser pas influencer par les appréciations timorées de certains critiques des médias traditionnels. Rappelez-vous les paroles de Michael Moore au début de ce texte. C’est leur rôle de vous décourager de le voir.