Cégeps et question linguistique

2009/10/21 | Par Pierre Dubuc

Plus de 300 personnes assistaient lundi soir 19 octobre à une assemblée publique sous le thème L’avenir du Québec passe par les études supérieures en français avec, entre autres, comme orateurs Charles Castonguay et Bernard Landry.

La même journée, à 11 heures, MM. Castonguay et Landry, accompagnés de Mario Beaulieu et Marc Laviolette, avaient convié les journalistes à une conférence de presse sur le même sujet. Ce qui étonne, au lendemain de ces événements, c’est l’extraordinaire disparité de la couverture médiatique entre les médias francophones et anglophones.

La Presse a publié un court encadré emprunté au Soleil. Bizarre que ce soit un journaliste du Soleil qui ait couvert une conférence de presse tenue à Montréal! Est-ce cela la nouvelle convergence?

Quant au Devoir, il fallait scruter attentivement ses pages pour trouver un « bref » compte-rendu sous la rubrique « bref » – qui portait bien son nom – en bas de la page 4.

Traitement complètement différent dans la presse anglophone. Dans The Gazette, sous le titre « Language hard-liners pipe up » un article substantiel signé Irwin Block et une chronique de Don Macpherson dans la page Opinion sous le titre « As winter approaches, the language issue heats up ». Même le Globe and Mail de Toronto jugeait l’événement digne d’une longue colonne sous le titre « Ex-Quebec premier wants language law extended to colleges ».

Dans The Gazette – tout comme dans La Presse – on a fait appel à Gaëtan Boucher, le président de la Fédération des cégeps pour tenter d’invalider les chiffres de Charles Castonguay. M. Boucher affirme que le nombre d’allophones qui, après des études secondaires au secteur francophone, passe au cégep francophone s’élevait à 60,4% en 2006.

Mais, deux paragraphes plus loin, The Gazette écrit que 7 500 des 15 000 étudiants allophones – c’est-à-dire 50% en tenant compte des étudiants allophones ayant fréquenté l’école secondaire anglophone – choisissent le cégep anglais, ce qui démontre qu’un nombre infinitésimal d’allophones passent au cégep francophone après des études en anglais et confirme les dires de Charles Castonguay et des organisateurs de l’événement. À cela s’ajoutent, écrit The Gazette, 5 500 francophones qui font le saut au cégep anglophone après leurs études secondaires.

Gaëtan Boucher considère que c’est un « phénomène limité », mais ce ne semble pas être l’avis de Donna Varica, la porte-parole du Dawson College, interviewé par The Gazette. Elle explique que 59% des étudiants de ce collège sont de langue maternelle anglaise, 16% de lange maternelle française, alors que 25% sont allophones.

Avec ses 7 580 étudiants, précise The Gazette, Dawson est le plus gros cégep du Québec mais, d’ajouter le journal, il perdrait 40% de ses étudiants si les dispositions de la Loi 101 étaient élargies aux cégeps anglophones.

The Globe and Mail fait un bon compte-rendu des propos de M. Landry qui a expliqué qu’il croyait à l’époque de l’adoption de la Loi 101 avec René Lévesque et Camille Laurin que les jeunes allophones, après des études primaires et secondaires en français, iraient tout naturellement au cégep francophone. « Les statistiques montrent que nous nous sommes trompés », reconnaît aujourd’hui l’ancien premier ministre.

Le journal torontois ne pouvait conclure son reportage sans donner le point de vue anglophone. Jack Jedwab de l’Association for Canadian Studies, un organisme grassement subventionné par le gouvernement fédéral, déclare que la proposition d’étendre les dispositions de la Loi 101 aux cégeps anglophones rencontrera l’opposition des francophones dont un grand nombre veut envoyer ses enfants au cégep anglophone pour qu’ils deviennent bilingues.

Il n’est pas inutile de rappeler que le Dr Laurin et le Parti Québécois avaient fait face à cette même opposition de la part de parents francophones qui envoyaient leurs enfants à l’école primaire et secondaire anglophone. Mais ils ont jugé que les droits collectifs devaient l’emporter sur les droits individuels si on voulait assurer la survie de la nation québécoise.