Pénurie de personnel en santé

2009/10/30 | Par Pierre Dubuc

Lors de notre rencontre dans son bureau à la FIQ, rue Papineau à Montréal, la nouvelle présidente, Régine Laurent, s’apprêtait à partir en tournée avec le Front commun dans l’objectif de promouvoir les services publics à la veille du début des négociations avec le gouvernement Charest.

Que la FIQ se retrouve au sein du Front commun est une nouveauté. Cela résulte de la création du Secrétariat intersyndical des services publics (SISP) où l’on retrouve également la CSQ, la Syndicat de la fonction publique (SFPQ), le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement (SPGQ) et l’Association du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS).

Régine Laurent explique ainsi la création de cette nouvelle instance syndicale : « Nous n’avions pas le choix. Tout le monde est passé à la moulinette lors des décrets de 2005 et le gouvernement Charest a été réélu deux fois par la suite. »

« L’objectif du départ était de faire de l’éducation sur l’importance du secteur public. Puis, nous avons décidé de négocier ensemble certaines clauses comme les salaires, les retraites, les droits parentaux et les disparités régionales, enchaîne-t-elle.  Nous avons contacté la CSN et la FTQ et nous voilà en Front commun. »

Fait sans précédent, les organisations syndicales ont signé un pacte de non-maraudage qui a été respecté. « C’était important, parce que le maraudage pouvait être assez rock and roll, se rappelle cette infirmière de l’hôpital Santa Cabrini, active syndicalement depuis 1984. C’était difficile de promouvoir l’unité syndicale après s’être entredéchiré. »

La FIQ va aussi profiter de la prochaine ronde des négociations pour proposer des solutions à la pénurie de professionnels en soins du secteur de la santé. « Nos revendications à ce chapitre se résument en deux mots : attraction et rétention, et notre principale proposition concerne l’aménagement du temps de travail », explique-t-elle.

La FIQ va revendiquer un horaire de 4 jours/semaine pour le personnel à temps complet qui travaille présentement 5 jours/semaine, tout en augmentant substantiellement le nombre de temps complets.

« Présentement, 40% des infirmières et 60% des infirmières auxiliaires travaillent à temps partiel. On en veut 90% à temps complet de façon à stabiliser les équipes », lance la présidente de la FIQ qui, suite aux changements d’allégeance syndicale provoqués par la loi 30, a vu son membership passé de 44 000 à 58 000 avec l’intégration de quelque 12 000 infirmières auxiliaires et 3 000 inhalothérapeutes et perfusionnistes.

Pour refléter cette nouvelle réalité, la FIQ a changé de nom, tout en conservant les mêmes initiales. De Fédération des infirmières et infirmiers du Québec, elle est devenue la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec.

Un élément important de la proposition de réorganisation du travail est de limiter drastiquement le recours aux agences privées. « On veut l’atelier fermé. On ne veut plus d’agences dans les hôpitaux », précise Régine Laurent.

L’adoption de cette proposition n’a pas été facile, d’autant plus qu’elle se finance avec la diminution du nombre de journées maladies et de jours fériés. « Le 4 jours, on se le paye ! », affirme-t-elle.

Mais les délibérations dans les instances ont été animées entre les temps complets et les temps partiels. « Les temps complets étaient d’accord. Mais les temps partiels travaillent souvent deux jours pour le secteur public et d’autres journées pour les agences, où elles peuvent choisir leur lieu de travail et leurs horaires. »

« Nous avons convenu qu’il fallait des solutions collectives, d’autant plus qu’il faut être conscient que 15 000 infirmières et infirmières auxiliaires auront droit à la retraite au cours des cinq prochaines années. »

À cette proposition principale, s’ajoutent d’autres revendications visant à bonifier le travail lors des jours fériés, les fins de semaine, les horaires de soir et de nuit.

Parallèlement aux négociations du secteur public, la FIQ va intervenir contre la privatisation en santé. Régine Laurent s’inquiète particulièrement du sort des personnes âgées. « Ils sont admis en CHSLD seulement s’il leur faut plus de 3,5 heures de soins par jour. Sinon, on les dirige vers les ressources non institutionnelles, c’est-à-dire privées. L’évaluation des besoins n’est pas faite par des infirmières et le risque existe qu’on diminue le nombre d’heures nécessaires pour aider à manger ou faire la toilette de ces personnes. »

Régine Laurent a aussi dans son collimateur la prolifération des cliniques privées. Au départ, pour donner suite à l’arrêt Chaoulli de la Cour suprême, le ministre Couillard s’était fait rassurant en affirmant que les cliniques se limiteraient aux opérations du genou, de la hanche et de la cataracte. Mais la liste s’est allongée pour inclure plus de 50 opérations.

« Le mouvement syndical a manqué le bateau. Nous aurions dû demander au gouvernement d’avoir recours à la clause nonobstant pour soustraire le Québec à l’application de ce jugement de la Cour suprême », reconnaît la présidente de la FIQ.