Pourquoi la FTQ-Construction ne veut pas de commission d’enquête

2009/11/03 | Par Richard Goyette

Première question : Pourquoi rien n’a été fait?

Depuis 30 ans, la FTQ-Construction dénonce le travail au noir qui sévit dans l’industrie de la construction. Depuis 30 ans, la FTQ-Construction allègue que des entreprises du secteur font du blanchiment d’argent. Depuis 30 ans, sur diverses tribunes, la FTQ-Construction demande des interventions musclées afin de mettre un terme aux pratiques qu’elle qualifie de crimes de société.

Mais depuis 30 ans, sauf pour de rares observateurs sérieux, on considérait qu’en agissant de la sorte, la FTQ-Construction se préoccupait de problèmes secondaires. On se souviendra même que durant les années 1980 et 1990, certains de nos ténors du libéralisme économique prétendaient que l’économie souterraine servait de stimulant au développement économique!

Pour notre part, nous qualifions ces gestes de vol de salaire et de revenus pour l’État.

Nous aurons donc eu tort durant 30 ans et voilà qu’aujourd’hui, d’un seul coup, nous avons raison, voir même trop raison… Pour le moins étrange le cheminement de nos élites de la critique radicale et de la plume acerbe.

C’est à croire qu’il nous fallait du courage pour dénoncer à voix haute cette situation. Nous le faisions sans enregistrement secret, sans voile ni image tronquée, de visière baissée ou d’acteur remplaçant les vrais témoins.

Comment se fait-il que nous ayons pu survivre à toutes ces prises de position et ces dénonciations sans la nécessité de demander la protection des services de police?

Le « show médiatique », nous n’en avions pas besoin. Nous avions tout simplement besoin d’être crus pour que les choses changent et on ne l’était pas. Ce n’était probablement pas, à l’époque, assez vendeur!

Et voilà qu’en quelques semaines le nombre de spécialistes de l’industrie de la construction s’est multiplié à un rythme dépassant et de loin la croissance économique. Tous on leur opinion sur ce qu’il faut faire, ce que l’on aurait dû faire, ce qu’il faudra faire… Ils sont en retard de 30 ans!


Deuxième question : Pourquoi avoir tenté de mettre les projecteurs sur la FTQ-Construction

Nous ne répéterons jamais assez que la FTQ-Construction n’est nullement mêlée aux événements dénoncés actuellement. Malgré l’acharnement de certains à désinformer le public, les perquisitions qui ont eu lieu l’ont été chez des entrepreneurs en construction.

Aucune arrestation ne visait les centaines d’officiers, de représentants syndicaux, de délégués de chantier ou les 70 000 membres de la FTQ-Construction.

La moyenne d’intégrité de la FTQ-Construction est assurément de beaucoup supérieure à l’ensemble du corps politique. La FTQ-Construction n’aura d’ailleurs été pointée du doigt que pour un seul incident. Incident qui avait d’ailleurs été réglé plusieurs mois avant que les médias ne s’en emparent.


Troisième question : Une Commission d’enquête?

Voilà que les ténors du passé, ex-ministre, ex-commissaire, ex-juge, et journaliste ayant couvert l’enquête Cliche refont surface et nous entretiennent de cette époque. Ce sur quoi ces observateurs « privilégiés » oublient de nous entretenir c’est sur le réel déroulement de l’enquête et de la fin abrupte de celle-ci.

Ne faudrait-il pas s’interroger sur ce qui est advenu du matériel colligé lors de l’enquête et touchant les entreprises et les corps politiques? Pourquoi l’enquête n’a-t-elle pas été plus loin?

Bien d’autres questions se posent sur la fameuse Commission Cliche… Les conditions relatives à la santé et à la sécurité du travail en sont un exemple concret.

Si le rapport faisait été des conditions désastreuses de salubrité régnant sur les chantiers que s’est-il passé depuis? Rien… ou presque… L’industrie de la construction n’est toujours pas couverte par les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Aujourd’hui encore, alors que nous comptons pour 5% du total de la main-d’œuvre active on compte 25% des décès. Pourtant, un des commissaires, Guy Chevrette, a longuement été ministre du gouvernement du Québec et son procureur, Lucien Bouchard a été premier ministre, pourquoi n’ont-ils pas agit?

Conséquemment, on remarquera immédiatement leur grand intérêt pour le suivi de l’enquête. S’agissait-il tout simplement d’une tribune de popularité? Sont-ils intervenus afin de résoudre les différents aspects des conditions de travail prévalant sur les chantiers, dont la sécurité d’emploi, la précarisation de l’emploi, la mobilité de la main-d’œuvre, le développement économique régional, etc.?

Fort de ces exemples, nous ne pouvons que nous opposer à une enquête publique qui ne sera, de toute façon qu’au service d’intérêts politiques ou particuliers d’une poignée d’individus.

D’autre part, notre opposition quant à la tenue d’une telle enquête ne relève pas simplement de notre humeur ou de ressentiments à l’endroit des enquêtes passées. Ces commissions d’enquête nous ont permis de mettre en doute les fondements de leur existence dans le cadre de notre régime juridique.

En effet, les règles de preuves et de procédures ne permettent pas vraiment faire la lumière sur l’ensemble des faits. À titre d’exemple, les commissions d’enquête ne permettent pas de faire entendre les témoins que l’on désire faire entendre, tout comme elles limitent le dépôt de preuve ou d’expertise…

La Commission Cliche, tout comme la Commission d’enquête sur la Gaspésia, sont rapidement devenu un « show » ou une révélation même fausse et démentie en contre-interrogatoire, continuera de faire la manchette, car le mensonge est vendeur parce que scandaleux.

La preuve en est que, lors des auditions de la commission d’enquête sur la Gaspésia, on a systématiquement refusé d’entendre le témoignage de la direction de la FTQ-Construction, tout comme on ne nous a pas permis de déposer d’expertise.

De plus, le Commissaire a pu relaxer les témoins avant que nous ayons terminé nos contre-interrogatoires. Lorsque l’on demande une commission d’enquête, il faut savoir de quoi l’on parle et peu de gens au Québec semblent en connaître les tenants et les aboutissants.

La FTQ-Construction ne désire pas qu’un « show médiatique » soit fait sur le dos des travailleurs et des travailleuses de la construction. Depuis 30 ans, les solutions sont connues des décideurs qui se sont succédé à la barre du Québec puisque la FTQ-Construction les a interpellés des centaines de fois à cet égard.

Richard Goyette
Directeur Général