Loi 104 : une décision conforme à la Charte de Trudeau

2009/11/05 | Par François-Xavier Simard

L’auteur a publié Le vrai visage de Pierre Elliott Trudeau (Les intouchables)

 La Cour suprême du Canada vient encore une fois, le 22 octobre 2009, d'affaiblir la Charte de la langue française en jugeant inconstitutionnelle la loi 104 qui visait à mettre fin aux écoles-passerelles vers l'enseignement en anglais au Québec.

La Cour s'est basée sur l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, imposée au Québec par Trudeau en 1982 avec l'accord des neuf provinces anglophones. Trudeau a reconnu quelques années plus tard « qu’à cette dernière étape il fallait presque un putsch, un coup de force » pour modifier la constitution canadienne. (dans Stephen Clarkson et Christina McCall, Trudeau : l’homme, l’utopie, l’histoire, 1990, p. 257)

Par sa charte canadienne des droits, Trudeau visait surtout à contrer la loi 101, la Charte de la langue française, comme l'a révélé le premier ministre de l'Ontario : « M. William Davis estime que la charte des droits du gouvernement Trudeau ne changera rien à la situation des Franco-Ontariens, mais qu'elle était devenue nécessaire pour contrer les législations adoptées par les gouvernement Bourassa et Lévesque en matière linguistique au Québec. » (Gilbert Lavoie, La Presse, 23 novembre 1981)

Selon André Burelle, un ancien conseiller de Trudeau, le sénateur Michael Kirby l'a aussi confirmé : « Michael Kirby ne s'y trompait pas, la charte voulue par M. Trudeau visait bel et bien à neutraliser en priorité la Loi 101. Les droits linguistiques s'y trouvent en effet élevés au rang de droits fondamentaux des individus soustraits à la clause nonobstant, tandis que les autres droits de la personne, même les plus fondamentaux, y sont assujettis à la clause dérogatoire. » (Pierre Elliott Trudeau : l'intellectuel et le politique, 2005, p. 85).

Trudeau s'opposait à l'aspect collectif des droits linguistiques, car c'était là pour lui un premier pas vers la reconnaissance de deux peuples fondateurs et de deux nations au Canada. Il a avoué que sa Charte, « à l’exception des deux cas mentionnés [« les peuples autochtones du Canada » et « la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens »], elle cherche à définir les droits exclusivement en fonction de la personne plutôt que de la collectivité […] Chose notoire, cette préférence est maintenue même quand il s’agit des langues officielles : ce ne sont pas les groupes linguistiques qu’elle protège, ce sont les individus dans leur droit d’utiliser l’une ou l’autre langue. » (Thomas S. Axworthy et Pierre Elliott Trudeau, Les années Trudeau, la recherche d’une société juste, 1990, partie écrite par Trudeau, p. 388)

Après le départ de Trudeau, la charte canadienne a toutefois été modifiée pour ajouter deux groupes linguistiques : « la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise du Nouveau-Brunswick » (article 16.1), mais pas la collectivité québécoise. Cette modification allait à l'encontre de l'esprit de Trudeau. D'ailleurs, Deborah Coyne, une juriste fidèle à sa pensée et la mère de sa fille, l'a contestée devant les tribunaux.

En 1987, le premier ministre Mulroney a tenté, par l'Accord du lac Meech, de faire reconnaître le Québec comme une société distincte, entre autres sur le plan linguistique. Trudeau est sorti de sa retraite pour s'y opposer de toutes ses forces.

Le 30 mars 1988, il s'est adressé au Sénat canadien pendant six heures en anglais seulement : « Nous avons, a-t-il dit, des exemples dans l'histoire où un gouvernement devient  totalitaire parce qu'il agit en fonction d'une race et envoie les autres dans les camps de concentration. » (Gauthier, Gilles, La Presse, 31 mars 1988)

Après le refus de deux provinces de ratifier cet accord en 1990, Mulroney a tenté de nouveau, cette fois par l'Accord de Charlottetown, de faire reconnaître le Québec en tant que société distincte, entre autres par sa majorité de francophones.

Trudeau est encore sorti de sa retraite pour combattre ce nouvel accord. Le 2 octobre 1991, s'adressant off-the-record à plus de 300 personnes, il a utilisé les arguments suivants : « Qu’arriverait-il si la population francophone diminuait ? Cela donnera au gouvernement de cette société le pouvoir de dire : Eh bien, déportons quelques centaines de milliers de Québécois ne parlant pas français”. » (Norman Webster, The Gazette, 5 octobre 1991) Ce nouvel accord a été rejeté par le Québec et par le ROC lors de deux référendums simultanés en 1992.

En 1998, deux ans avant sa mort, Trudeau considérait encore la Charte de la langue française comme un frein aux libertés individuelles des immigrants : « Quiconque immigre au Canada croit que c'est un pays libre. Pourtant, la première chose qu'on lui dit à son arrivée, c'est que ses enfants ne peuvent fréquenter l'école anglaise […] Mon gouvernement n'a permis au Québec de le faire malgré la Charte que comme tarif linguistique temporaire, même si j'abhorrais l'esprit de cette loi. » (Pierre Elliott Trudeau, avec la collaboration de Ron Graham, Trudeau : l’essentiel de sa pensée politique, 1998, p. 144)

Le jugement de la Cour suprême du Canada du 22 octobre 2009 montre une fois de plus que l'approche individualiste de la charte de Trudeau domine toujours le paysage juridique et politique canadien, sans égard aux droits collectifs des Québécois. Le Québec ne pourra jamais faire respecter ses lois, en particulier sa Charte de la langue française, tant qu'il ne sera pas indépendant.




|Rappel des motivations de Pierre Elliott Trudeau
1819|1873|Manchettes Politique_Québec|Lettre à nos loyaux députés en marge de la visite royale|2009-11-05 08:01:57|Marc Chevrier|

L’auteur est professeur de science politique à l’UQAM

Mesdames et Messieurs les députés
Assemblée nationale (de l’État) du Québec

À titre de simple citoyen, je m’enhardis à vous écrire pour attirer votre attention sur une dimension de votre fonction plutôt méconnue et que la visite du prince héritier de la Couronne britannique au Québec met soudain en relief.

Le diable, dit-on, loge dans les détails, et en voilà un qui n’est pas banal : vous avez tous et toutes prêté serment d’allégeance à la Reine Élizabeth II, Reine du Canada et partant de cette entité jadis nommée « Province de Québec » et que la loi 99 adoptée en 2000 appelle « État du Québec ».

Vous avez obéi, ce faisant, à l’article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui exige de tout député ou sénateur, d’Ottawa ou de Québec, qu’il jure fidélité et vraie allégeance au souverain régnant du Royaume-Uni, en présence soit du Gouverneur général, soit du lieutenant-gouverneur.

La pratique du serment d’allégeance au souverain est ancienne; dès 1792, les députés de l’assemblée législative du Bas-Canada durent jurer vraie fidélité à sa Majesté le Roi George « comme légal Souverain du Royaume de la Grande-Bretagne et de ces (sic) Provinces dépendantes. » En fait, cette pratique remonte à l’Angleterre saxonne du Xe siècle, où le roi Edmond l’Ancien imposa le serment d’allégeance à tous les hommes libres du royaume, pratique que maintint Guillaume le Conquérant et que la tradition codifia ensuite.

Quelle est alors la signification de ce vénérable serment ? Il a joué, dans l’histoire d’Angleterre, un rôle considérable. Exigé des vassaux du roi en plus du serment qu’ils avaient déjà prêté à leur seigneur immédiat, il a servi d’instrument de centralisation du pouvoir royal anglais. Ce fut aussi sur la base de ce serment prêté au roi que les cours de justice royales ont unifié le droit du pays.

La devise de la Couronne anglaise « Dieu et mon droit », visible encore au palais de la Cour d’appel à Montréal, est un rappel de ce que la justice est gardienne de l’unité du royaume et l’alliée d’un pouvoir central fort, tradition qu’ont honorée la Cour d’appel et la Cour suprême en annulant la loi 104 sur les écoles-passerelles.

Ce serment a été aussi l’instrument par lequel l’Angleterre s’est attaché la fidélité des élites des nations qu’elle a conquises dans l’histoire, le pays de Galles, l’Irlande, l’Écosse.  Le traité de Limerick de 1691 qui pacifia l’Irlande révoltée contre Guillaume d’Orange exigea des catholiques soumis un serment de fidélité à leurs Majestés, Guillaume et Marie.

Par l’allégeance à une seule couronne, l’Angleterre a édifié petit à petit un empire, en laissant aux nations annexées une autonomie résiduelle. George-Étienne Cartier et John MacDonald étaient convaincus que le prestige du monarque britannique unirait Canadiens français et Canadiens de souche britannique, au bénéfice d’un Dominion appelé à concurrencer la République américaine.

L’histoire a donné raison à Cartier et MacDonald, car la monarchie britannique a fourni au Dominion un récit mythique d’unité nationale. Les armoiries du Canada, les discours officiels et les monuments publics présentent le pays comme le fruit de l’union de deux couronnes, si bien que de Henri IV à Élizabeth II, de Champlain à Michaëlle Jean, c’est le même État qui s’est construit, avec l’indéfectible appui de deux peuples loyaux. C’est là une édifiante vérité que le gouvernement Harper a rappelée à votre souvenir lors des célébrations du 400e anniversaire de la ville de Québec.

Enfin, le sens du serment d’allégeance est autrement éclairé par la pensée politique. Le théoricien anglais du libéralisme, John Locke, liait la légitimité du pouvoir au consentement du peuple. Or, la nature de ce consentement revêtait à ses yeux une dimension déterminante. Si une personne adhère à une société par déclaration expresse, cette même personne s’engage à rester dans cette société toute sa vie durant, de même qu’à y rester soumise ; elle renonce même à la possibilité de changer l’ordre existant.

À Locke, le serment d’allégeance paraissait en somme une assurance de loyauté au roi anglais. Je ne doute pas, chers députés, que vous employiez sans entraves votre liberté de pensée et de conscience. Seulement, ce serment que vous avez prêté sans protester – à l’exception de M. Amir Khadir, député de ma circonscription – indique en quelque manière une forme de soumission à un certain ordre des choses. Lequel ?

Dans une étude magistrale sur le droit britannique, le juriste français Denis Baranger a relevé la signification plus profonde du serment d’allégeance. Les Britanniques, souligne-t-il, n’ont jusqu’ici pas éprouvé le besoin de se doter d’une constitution écrite comme l’ont fait les Américains et les Français, car les premiers se plaisent encore à voir leur État reposer sur un échange de type féodal, l’obéissance du sujet donnée en contrepartie de la protection du souverain.

Pour lier l’État au citoyen, nulle nécessité d’interposer entre les deux une constitution, une déclaration des droits; le vieil échange d’antan, si symbolique soit-il, suffit.

Depuis 1982, il est vrai, les députés de votre assemblée doivent aussi prêter serment au peuple du Québec et promettre d’exercer leurs fonctions dans le respect de la « constitution du Québec ».

Les deux serments que vous faites, en apparence contradictoires, se rejoignent : par le premier, vous adhérez, implicitement, à la vision anglaise de la constitution non-écrite et évolutive, soutenue par l’allégeance à la Couronne; par le deuxième, vous évoquez une constitution qui est un ramassis de lois, de coutumes et de fictions, lequel n’a toujours pas été remplacé par une vraie constitution écrite dûment approuvée par le peuple du Québec.

Au sujet du lien avec la Couronne, André Laurendeau écrivait, traduisant Edmund Burke : « Il s’agit d’un lien, léger en apparence, mais fort comme l’acier. » Un lien si fort, que rien, sur la colline parlementaire, n’arrive à l’oxyder.




|À propos du Serment que vous avez prêté à la Reine
1820|1874|Actualités|Israël prive les Palestiniens d’eau potable|2009-11-06 08:15:15|L’aut’journal|

L'occupation et l'exploitation illégales des territoires palestiniens par Israël se font largement au détriment du droit d'accès des Palestiniens aux ressources naturelles présentes sur leur territoire.

Dans un rapport circonstancié déposé le 27 octobre 2009, Amnistie Internationale accuse l'État israélien d'empêcher les Palestiniens d'accéder aux ressources d'eau potable en exerçant « un contrôle total sur les ressources communes et en menant des politiques discriminatoires ».

Outre ces limitations abusives au niveau de l'accès à l'eau, les Palestiniens se voient également dépossédés de leurs terres et, partant, de leur moyen de subsistance. Chaque année, les paysans perdent ainsi des quantités importantes de fruits et de légumes, des têtes de bétail et des pâturages, de même que les revenus qu'ils peuvent en retirer.

Les chiffres évoqués dans le plus récent rapport d'Amnistie sont révélateurs: Israël accapare plus de 80 % de l'eau provenant de l'aquifère de montagne, principale source souterraine en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, mais limite à seulement 20 % la consommation des Palestiniens.

Or, cette source d'eau est la seule disponible pour les Palestiniens de Cisjordanie, alors qu'Israël peut compter sur plusieurs sources d'approvisionnement et se réserve toute l'eau disponible du Jourdain.

Les Israéliens consomment plus de 300 litres d'eau par personne et par jour, soit quatre fois plus que les maigres 70 litres des Palestiniens, une quantité nettement inférieure aux 100 litres recommandés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

« L'accès à l'eau potable est un enjeu stratégique de taille dans les relations israélo-palestiniennes et un puissant levier politique », rappelle Tom Woodley, le président de Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient (CJPMO).

« Les restrictions imposées par Israël, notamment par l'annexion de nombreux points d'eau palestiniens avec la construction illégale du Mur, créent une situation particulièrement choquante dans laquelle des colons israéliens, établis en Cisjordanie en violation du droit international, bénéficient d'une abondance quasi illimitée en eau potable alors que leurs voisins palestiniens peinent à pourvoir à leurs besoins les plus primaires ».

Le droit d'accès des Palestiniens à leurs terres cultivées est également bafoué par l'occupation israélienne, particulièrement en ce qui a trait à la production des olives, activité agricole au cœur de l'économie palestinienne.

La semaine dernière fut particulièrement difficile pour les cueilleurs d'olives de la région de Naplouse qui, tentant de se rendre à leurs oliveraies, ont été accueillis par un blocage israélien et interdit d'accès par les soldats parce qu'ils n'avaient pas obtenu le permis nécessaire.

Cette loi injuste et discriminatoire avait pourtant été passée seulement trois jours avant le début de la cueillette et ce, à l'insu de la population locale. La situation est d'autant plus tragique que la vente des produits issus de la cueillette des olives représente 25 à 50 % du revenu annuel d'une famille de paysans.

On estime que dans plusieurs parties de la Cisjordanie, jusqu'à 80 pour cent des Palestiniens ayant des terres de l'autre côté du Mur n'obtiennent pas de permis de la part des autorités israéliennes, et sont donc dans l'impossibilité de cultiver leurs champs. « L'occupation israélienne prive les Palestiniens de leurs droits fondamentaux les plus élémentaires, tant le droit au développement, le droit à la souveraineté sur leurs ressources naturelles, voire le simple droit à l'alimentation », conclut Woodley.




|Israël accapare plus de 80 % de l'eau et limite à 20 % la consommation des Palestiniens, selon Amnistie International
1821|1875|Caricatures|Faire le ménage!|2009-11-06 08:42:22|Simon Banville|










|
1822|1876|authebdo|authebdo - 6 novembre 2009|2009-11-06 10:12:52|L'aut' journal|Si vous n’avez pas visité notre site régulièrement au cours de la dernière semaine, il se peut que vous ayez manqué ces articles :

Pour lire l'article, cliquez sur le titre


ACTUALITÉS

Plus de mainmise des firmes privées sur les municipalités
Charest et Harper veulent que les municipalités ouvrent leurs contrats publics aux entreprises étrangères
par Catherine Caron


VISITE ROYALE

Lettre à nos loyaux députés en marge de la visite royale
À propos du Serment que vous avez prêté à la Reine
par Marc Chevrier

Visite royale : le RRQ sera de la fête!
Manifestation devant la caserne du régiment Black Watch le 10 novembre
par Patrick Bourgeois


ÉLECTIONS À MONTRÉAL

L’élection de Tremblay : l’héritage de Lucien Bouchard
Les fusions municipales, une faute politique majeure
par Pierre Dubuc

Élections à Montréal : premiers constats
Les francophones et les non-francophones demeurent politiquement comme autant de liquides immiscibles
par Pierre-Alain Cotnoir


LOI 104 ET COUR SUPRÊME

Loi 104 : une décision conforme à la Charte de Trudeau
Rappel des motivations de Pierre Elliott Trudeau
par François-Xavier Simard


LANGUE

The Gazette revient à nouveau sur la francisation des cégeps
Le véritable problème est notre « lousy french », selon le quotidien montréalais
par Pierre Dubuc


MOUVEMENT SYNDICAL

Quand André Pratte tape sur les doigts de Michel Girard
À propos des revendications du Front commun
par Monique Pauzé

Pourquoi la FTQ-Construction ne veut pas de commission d’enquête
Mise au point de son directeur général
par Richard Goyette


INTERNATIONAL

Israël prive les Palestiniens d’eau potable
Israël accapare plus de 80 % de l'eau et limite à 20 % la consommation des Palestiniens, selon Amnistie International


AGENDA CULTUREL

D’aut’suggestions culturelles - 6 novembre
par Marie-Paule Grimaldi


BANDE DESSINÉE

Asympote : Faire le ménage
par Simon Banville


Visitez notre site

www.lautjournal.info

Pour que la liberté de presse soit plus qu’un slogan
Nous avons besoin de votre soutien financier !

Chaque abonnement, chaque don permet de financer ce site Internet !

Cliquez ici |
1823|1877|Actualités|Floride: la mafia recrute les immigrants cubains|2009-11-09 07:41:31|Jean-Guy Allard|

L’auteur est correspondant pour l’agence de presse Granma

Près de 90% des délinquants arrêtés en Floride pour avoir pratiqué la culture en serre de cannabis sont des immigrants d’origine cubaine récemment arrivés qui profitent des règlements migratoires  pour éviter la déportation, révèle une enquête qui qualifie ce commerce de « crime sans châtiment ».

Composées d’individus ayant eu des antécédents judiciaires à Cuba et qui ne trouvent pas d’emploi à leur arrivée aux États-Unis, des bandes identifiées par la police comme Organisations cubaines de trafic de drogues (CDTO), contrôlent des « centaines de maisons de culture de Miami à Atlanta », a confirmé le Département de la justice au quotidien Orlando Sentinel

« Cela me rappelle le temps de la pègre », a signalé au quotidien le  shérif du comté de Polk, le sergent Julio Lima, en décrivant les caractéristiques de ces gangs.

Avec un taux de chômage qui dépasse les 11%, le prétendu paradis de la Floride (plus d’un million de personnes n’y trouvent pas d’emplois) s’est converti en enfer pour beaucoup de nouveaux immigrants confrontés aux effets de la pire crise économique depuis les années 30.

Les délinquants cubains récemment arrivés par des voies illégales sont des victimes faciles pour les réseaux mafieux, déplorent les enquêteurs tout en reconnaissant que la politique migratoire étasunienne encourage le crime en interdisant leur déportation.

Ils regrettent que les peines prévues par les lois du pays où la consommation de drogue est la plus élevée au monde, soient légères dans le cas de la culture de la marijuana et n’arrivent pas à dissuader la délinquance.

« Les narcotrafiquants leur offrent un endroit où vivre et leur promettent qu’ils auront leur propre endroit un an ou deux plus tard », raconte le capitaine Joe Méndez, chargé de la Force spéciale anti-drogue du sud de la Floride.

« Auparavant nous ne trouvions que deux ou trois cultures extérieures dans le Parc national de Ocala », commente pour sa part le sergent  Donnie Winston du bureau du shérif du comté de Marion.

Ses agents ont découvert plus  de 60 serres de culture depuis 2007.  « Maintenant, à chaque endroit où nous allons nous apparaît une autre culture menée par des Cubains »

En septembre, deux des capos de  ce trafic, José « Crazy Legs » Díaz et Herman « El Indio » Torres, tous les deux de Naples, Floride,  ont été arrêtés et accusés de gérer des maisons depuis Sarasota jusqu’à Miami.

Ce commerce comporte de sérieux risques, trois jeunes d’origine cubaine, Raydel Álvarez, Nelson Pinero et Alejandro Valdés, attendent leur procès pour l’assassinat le  19 de novembre 2007, de José Corcho, émigré en 2004. Les trois individus l’ont exécuté devant sa fille pour lui enlever son argent et de la drogue.

 

TOILE D’ARAIGNÉE MAFIEUSE

La culture du cannabis n’est qu’un autre des commerces de la mafia cubano-américaine, qui a toujours été branchée sur le narcotrafic.

Des criminels d’origine cubaine ayant résidence aux États-Unis ont .été aussi identifiés dans la séquestration de 14 immigrants cubains illégaux à Cancún. Les suspects sont des individus déjà condamnés à Cuba pour divers délits avant d’émigrer illégalement.

Les évènements de Cancún pourraient être liés à un délinquant cubano-américain de la Floride, impliqué en 2008 dans la décapitation de 12 hommes attribuée au gang des Zetas, le bras armé du Cartel du Golfe, associé à la mafia de Miami.

Ricardo « Compota » Coto Vázquez, alias Javier González González, a été arrêté le 2 de septembre de l’année dernière avec sa conjointe,  Yaniset Santana, après avoir été dénoncé par trois tueurs des Zetas, exécuteurs du crime.

Les immigrants illégaux aux États-Unis souffrent comme jamais, confrontés à l’autre visage du capitalisme version Hollywood. Avec les actuels indicateurs économiques. les capos de Miami se sont assurés une main d’œuvre à bon marché avec garanties migratoires dont ils se défont facilement s’ils n’obtiennent pas le rendement voulu..

 




|Une conséquence de la crise économique
1824|1878|International Manchettes|Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste? (1)|2009-11-09 07:53:13|Pierre Dubuc|

Give me back the Berlin wall
Give me Stalin and St. Paul
I’v seen the future, brother:
It is murder

The Future
Leonard Cohen


(Premier article d’une série de trois)

Pendant que toute la presse occidentale célèbre en chœur la chute du Mur de Berlin et que Mikhail Gorbachev multiplie les entrevues pour s’attribuer le crédit de la fin de la Guerre froide, il est important de revenir sur ces événements pour en mesurer l’impact sur la question nationale québécoise, de même que sur  les mouvements indépendantiste et ouvrier québécois.

On se rappellera que les indépendantistes québécois ont crû que leur seraient profitables, comme l’avait été le mouvement de la décolonisation des années 1960, les indépendances retrouvées des pays de l’Est (avec l’exemple en particulier du « divorce de velours » de la Slovaquie d’avec la Tchéquie), des pays baltes et, par la suite, des pays ayant fait partie de l’ex-Union soviétique. Leur analyse s’est avérée quelque peu simpliste. Resituons les événements dans leur contexte.

Dans une entrevue au magazine américain The Nation (28 octobre 2008), Mikhail Gorbachev se désole que les Américains aient interprété la chute du Mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique qui allait suivre comme une victoire des États-Unis sur l’Union soviétique et du capitalisme sur le socialisme.  Mais comment pouvait-il en être autrement?

Il est bien connu que c’est à la suite d’une rencontre avec Margaret Thatcher au cours de laquelle il lui a expliqué ses projets que Gorbachev est allé de l’avant avec sa glasnot (transparence) et la perestroïka (restructuration). Thatcher avait alors déclaré à Ronald Reagan : « We can do business with that guy ».

Il est moins connu que ces politiques ont été en grande partie concoctées au Canada ! Alexander Yakovlev, qui a été surnommé le « parrain de la glasnot et de la perestroïka », était ambassadeur de l’Union soviétique à Ottawa au début des années 1980.

Il était un intime du premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Au point où ce dernier donna à son second fils le nom d’Alexandre et le surnom russe de « Sacha ».

En 1983, Yakovlev accompagne, en tant qu’ambassadeur, Mikhail Gorbachev, alors ministre de l’Agriculture de l’Union soviétique, dans sa tournée au Canada. Dans ses Mémoires, il raconte un échange de trois heures qu’il eût avec Gorbachev au cours duquel les deux réalisèrent avec enthousiasme leur accord complet sur la nécessité du désarmement, de la démocratisation de leur pays et de la libéralisation de son économie.

Deux semaines plus tard, Yakovlev était rappelé à Moscou pour être nommé directeur de l’Institut sur l’Économie mondiale et les Relations internationales de l’Académie des Sciences. En 1985, lorsque Gorbachev accède aux plus hautes fonctions, Yakovlev devient son principal conseiller. Il accompagne Gorbachev lors de ses cinq sommets avec Reagan et prône la non intervention en Europe de l’Est. En politique intérieure, il est l’architecte de la glasnot et de la perestroïka.

Ses détracteurs en Union soviétique ont soutenu qu’il avait profité de son poste d’ambassadeur au Canada pour tisser des liens avec les services secrets américains et préparer le plan qui allait mener au démantèlement du bloc soviétique et à l’ouverture brutale du marché des pays de l’Est aux firmes occidentales. Dans La stratégie du choc, Naomi Klein illustre avec brio ce phénomène à partir de l’exemple de la Pologne.

De nombreux ouvrages ont été consacrés à la chute du Mur de Berlin et au démantèlement de l’Union soviétique. Ils démontrent que ces événements n’étaient pas le fruit de « mouvements spontanés » et de  « révolutions populaires et démocratiques ». Ils ont été préparés de longue main et orchestrés dans les capitales et les chancelleries occidentales avec la complicité de Gorbachev et son entourage et des forces d’opposition des pays concernés. (Lire à ce sujet, à propos d’événements ultérieurs, le rôle du Canada dans la « révolution orange » en Ukraine. )

Facile de comprendre que le mouvement des indépendances nationales de cette région du monde, qui avait pour but de démanteler un empire rival, ait bénéficié de l’appui enthousiaste des États-Unis et de ses alliés.

Washington était peut-être même prêt à une confrontation armée pour soutenir ces indépendances, comme ce fut le cas quelques années plus tard en Yougoslavie, pays allié de la Russie qu’il fallait aussi démembrer pour l’affaiblir.

Par contre, on ne s’étonnera pas que les États-Unis aient eu une toute autre approche dans le cas du Québec. Dans The Clinton Tapes : Wrestling History with the President, l’historien Taylor Branch rappelle l’intervention de Clinton en faveur de l’unité canadienne lors du référendum de 1995.

Mais les États-Unis ne se contentèrent pas de simples déclarations. Dans ses Mémoires (Behind The Embassy Door), James Blanchard, l’ambassadeur des États-Unis au Canada lors du référendum de 1995, raconte avec quelle ardeur il a participé aux activités du Comité du Non. M. Blanchard écrit noir sur blanc, carte à l’appui, comment il favorisait la partition du Québec dans l’éventualité d’une victoire du Oui.

La chute du Mur de Berlin allait avoir d’autres conséquences importantes en termes géo-politiques pour le mouvement souverainiste québécois. C’est en bonne partie en réponse à la menace économique découlant de la réunification de l’Allemagne et du traité européen de Maastricht (1992) que les classes dirigeantes du Canada et des États-Unis décidèrent de consolider le traité de libre-échange de 1988 avec l’ALENA. Il en résultera une plus grande interpénétration économique et financière des classes dirigeantes canadienne et américaine et un rapprochement politique entre les deux pays.

En 1980, le Québec avait pu profiter jusqu’à un certain point des contradictions entre le Canada et les États-Unis. À l’époque, Washington voyait d’un mauvais œil les velléités d’indépendance du gouvernement Trudeau avec sa reconnaissance de la Chine, de Cuba et ses réserves face à l’OTAN. La Maison Blanche se montrait moins hostile à l’égard du mouvement nationaliste québécois. Mais, en 1995, le Québec fait face à une alliance de l’anglosphère qui paraît sans faille et qui brandit même des menaces de partition en cas de victoire du Oui.

Ainsi, il était illusoire de croire que le mouvement des indépendances nationales qui suit la chute du Mur de Berlin et le démantèlement de l’Union soviétique allait bénéficier au Québec. Au contraire, les réalignements géostratégiques qui en découlèrent, avec un monde unipolaire dirigé par les États-Unis, étaient défavorables au mouvement souverainiste.

Mais les effets négatifs ne s’arrêtent pas là. Les événements de 1989 allaient marquer profondément les mouvements de libération et le mouvement ouvrier. Demain, nous verrons leurs effets sur le Québec.


À lire également

Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste? (2)
Le « nationalisme civique » et le fondamentalisme religieux, les deux faces d’une même pièce frappée à Berlin

Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste? (3)
Le signal d’une offensive anti-syndicale et ouvrière sans précédent



|L’impact de ces événements sur le Québec
1825|1879|Manchettes Cinéma|La donation ou le devoir de servir|2009-11-09 08:21:07|Ginette Leroux|

Assis à son bureau de consultation aménagé dans sa maison de Normétal, le docteur Rainville regarde par la fenêtre. À Montréal, debout devant les fenêtres panoramiques de son bureau,  Jeanne Dion, qui travaille aux urgences d’un grand hôpital, contemple les édifices du centre-ville. Sept cent cinquante kilomètres séparent les deux médecins, pourtant, ils s’apprêtent à prendre une importante décision. Le vieux médecin, abitibien d’adoption, vient de lancer un avis de recherche. Il souhaite trouver un remplaçant car, pour lui, c’est l’heure de la retraite.

Jeanne se met en route. Direction Normétal, une agglomération rurale située au Nord-Ouest de l’Abitibi, une région austère où la misère sert de quotidien à une population isolée. En 1975, ce village s’est vidé de ses habitants au moment de la fermeture de la mine de cuivre. Depuis le millier de personnes qui restent est forcé de trouver du travail ailleurs, loin de la famille. Les hommes surtout. Une réalité désarmante pour une fille qui vient de la ville.

Au moment de leur rencontre, le docteur Rainville n’y va pas par quatre chemins. Il lui fait comprendre qu’en région éloignée, le médecin est un acteur majeur dans la communauté. « Aimez-vous faire les visites à domicile? », lui demande-t-il abruptement. Sa vie sera désormais intimement liée à celle de ses patients, elle devra se consacrer entièrement à sa nouvelle pratique médicale.

N’est-ce pas ce que désire Jeanne Dion, la femme médecin désespérée de La neuvaine, à qui Bernard Émond offre une deuxième chance? Grâce au défi que pose l’engagement qu’elle s’apprête à conclure avec le vieux médecin de campagne, elle va trouver l’élan nécessaire qui redonnera un sens à sa vie.

Ainsi s’ouvre le dernier film de la trilogie de Bernard Émond, La Donation, qui avait été précédé de La Neuvaine (2005) et de Contre toute espérance (2007).

L’univers des films du cinéaste anthropologue est fait d’intensité. On est pris par le regard pénétrant, rassurant, plein de bonté d’Élise Guilbault, dont la performance est magistrale dans la peau de Jeanne Dion. Il faut aussi saluer la prestation remarquable de Jacques Godin en médecin qui lègue tout, pratique et maison, à sa remplaçante. Sans oublier Angèle Coutu très présente et convaincante dans son rôle de religieuse et sœur du docteur Rainville, et la très touchante Françoise Graton dont le regard apaisant emplit l’écran.

Le spectateur est captivé par la caméra de Sara Mishara, une jeune directrice photo de 29 ans qui a grandi dans le Mile-End, étudié à Concordia, fait une maîtrise à l’American Film Institute à Los Angeles. De retour à Montréal, elle se tourne vers les films d’auteurs. Continental, un film sans fusil et Tout est parfait figurent à son palmarès.

Elle a compris que le paysage avait un rôle important à jouer. Sous son regard, la misère et la beauté se juxtaposent. Aux lumières blafardes des scènes d’hôpital se superposent les couleurs fauves de la forêt et le calme de la rivière. « Le bois, dit Pierre Grégoire (l’excellent Éric Hoziel), le boulanger du village revenu au bercail pour prendre la succession de son père, c’est ce qu’il y a de plus beau ici. » Aux images de Sara Mishara se marie la musique aux accents mélancoliques de Robert Marcel Lepage.

« La charité est ce qui reste quand il ne reste plus rien », disait Bernard Émond, annonçant La Donation. C’est vrai. « Avoir la certitude qu’on sert à quelque chose », affirme le boulanger au nouveau médecin. Voilà comment on donne un sens à sa vie.

La Donation est une conclusion très forte à la trilogie de Bernard Émond. « Ces trois films sont un questionnement sur le sens de l’existence pour faire contrepoids à une culture de masse hédoniste et individualiste. Au sentiment du vide qu’a laissé l’absence de religion, il faut aller à l’essentiel », croit-il.

Un film émouvant, harmonieux, malgré le chaos de la misère humaine.

Acclamé au Festival de Locarno en août, au Festival International de Toronto en septembre et plus récemment en ouverture du Festival du cinéma en Abitibi-Témiscamingue, le film de Bernard Émond est présentement en salles au Québec.  









|Direction Normétal, une agglomération rurale située au Nord-Ouest de l’Abitibi, une région austère où la misère sert de quotidien à une population isolée.
1826|1880|Divers|Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste?|2009-11-09 10:10:59|Pierre Dubuc|par Pierre Dubuc

Give me back the Berlin wall
Give me Stalin and St. Paul
I’v seen the future, brother:
It is murder

The Future
Leonard Cohen


(Premier article d’une série de trois)

Pendant que toute la presse occidentale célèbre en chœur la chute du Mur de Berlin et que Mikhail Gorbachev multiplie les entrevues pour s’attribuer le crédit de la fin de la Guerre froide, il est important de revenir sur ces événements pour en mesurer l’impact sur la question nationale québécoise, de même que sur les mouvements indépendantiste et ouvrier québécois.

On se rappellera que les indépendantistes québécois ont crû que leur seraient profitables, comme l’avait été le mouvement de la décolonisation des années 1960, les indépendances retrouvées des pays de l’Est (avec l’exemple en particulier du « divorce de velours » de la Slovaquie d’avec la Tchéquie), des pays baltes et, par la suite, des pays ayant fait partie de l’ex-Union soviétique. Leur analyse s’est avérée quelque peu simpliste. Resituons les événements dans leur contexte.

Dans une entrevue au magazine américain The Nation (28 octobre 2008), Mikhail Gorbachev se désole que les Américains aient interprété la chute du Mur de Berlin et la dissolution de l’Union soviétique qui allait suivre comme une victoire des États-Unis sur l’Union soviétique et du capitalisme sur le socialisme. Mais comment pouvait-il en être autrement?

Il est bien connu que c’est à la suite d’une rencontre avec Margaret Thatcher au cours de laquelle il lui a expliqué ses projets que Gorbachev est allé de l’avant avec sa glasnot (transparence) et la perestroïka (restructuration). Thatcher avait alors déclaré à Ronald Reagan : « We can do business with that guy ».

Il est moins connu que ces politiques ont été en grande partie concoctées au Canada ! Alexander Yakovlev, qui a été surnommé le « parrain de la glasnot et de la perestroïka », était ambassadeur de l’Union soviétique à Ottawa au début des années 1980.

Il était un intime du premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Au point où ce dernier donna à son second fils le nom d’Alexandre et le surnom russe de « Sacha ».

En 1983, Yakovlev accompagne, en tant qu’ambassadeur, Mikhail Gorbachev, alors ministre de l’Agriculture de l’Union soviétique, dans sa tournée au Canada. Dans ses Mémoires, il raconte un échange de trois heures qu’il eût avec Gorbachev au cours duquel les deux réalisèrent avec enthousiasme leur accord complet sur la nécessité du désarmement, de la démocratisation de leur pays et de la libéralisation de son économie.

Deux semaines plus tard, Yakovlev était rappelé à Moscou pour être nommé directeur de l’Institut sur l’Économie mondiale et les Relations internationales de l’Académie des Sciences. En 1985, lorsque Gorbachev accède aux plus hautes fonctions, Yakovlev devient son principal conseiller. Il accompagne Gorbachev lors de ses cinq sommets avec Reagan et prône la non intervention en Europe de l’Est. En politique intérieure, il est l’architecte de la glasnot et de la perestroïka.

Ses détracteurs en Union soviétique ont soutenu qu’il avait profité de son poste d’ambassadeur au Canada pour tisser des liens avec les services secrets américains et préparer le plan qui allait mener au démantèlement du bloc soviétique et à l’ouverture brutale du marché des pays de l’Est aux firmes occidentales. Dans La stratégie du choc, Naomi Klein illustre avec brio ce phénomène à partir de l’exemple de la Pologne.

De nombreux ouvrages ont été consacrés à la chute du Mur de Berlin et au démantèlement de l’Union soviétique. Ils démontrent que ces événements n’étaient pas le fruit de « mouvements spontanés » et de « révolutions populaires et démocratiques ». Ils ont été préparés de longue main et orchestrés dans les capitales et les chancelleries occidentales avec la complicité de Gorbachev et son entourage et des forces d’opposition des pays concernés. (Lire à ce sujet, à propos d’événements ultérieurs, le rôle du Canada dans la « révolution orange » en Ukraine. )

Facile de comprendre que le mouvement des indépendances nationales de cette région du monde, qui avait pour but de démanteler un empire rival, ait bénéficié de l’appui enthousiaste des États-Unis et de ses alliés.

Washington était peut-être même prêt à une confrontation armée pour soutenir ces indépendances, comme ce fut le cas quelques années plus tard en Yougoslavie, pays allié de la Russie qu’il fallait aussi démembrer pour l’affaiblir.

Par contre, on ne s’étonnera pas que les États-Unis aient eu une toute autre approche dans le cas du Québec. Dans The Clinton Tapes : Wrestling History with the President, l’historien Taylor Branch rappelle l’intervention de Clinton en faveur de l’unité canadienne lors du référendum de 1995.

Mais les États-Unis ne se contentèrent pas de simples déclarations. Dans ses Mémoires (Behind The Embassy Door), James Blanchard, l’ambassadeur des États-Unis au Canada lors du référendum de 1995, raconte avec quelle ardeur il a participé aux activités du Comité du Non. M. Blanchard écrit noir sur blanc, carte à l’appui, comment il favorisait la partition du Québec dans l’éventualité d’une victoire du Oui.

La chute du Mur de Berlin allait avoir d’autres conséquences importantes en termes géo-politiques pour le mouvement souverainiste québécois. C’est en bonne partie en réponse à la menace économique découlant de la réunification de l’Allemagne et du traité européen de Maastricht (1992) que les classes dirigeantes du Canada et des États-Unis décidèrent de consolider le traité de libre-échange de 1988 avec l’ALENA. Il en résultera une plus grande interpénétration économique et financière des classes dirigeantes canadienne et américaine et un rapprochement politique entre les deux pays.

En 1980, le Québec avait pu profiter jusqu’à un certain point des contradictions entre le Canada et les États-Unis. À l’époque, Washington voyait d’un mauvais œil les velléités d’indépendance du gouvernement Trudeau avec sa reconnaissance de la Chine, de Cuba et ses réserves face à l’OTAN. La Maison Blanche se montrait moins hostile à l’égard du mouvement nationaliste québécois. Mais, en 1995, le Québec fait face à une alliance de l’anglosphère qui paraît sans faille et qui brandit même des menaces de partition en cas de victoire du Oui.

Ainsi, il était illusoire de croire que le mouvement des indépendances nationales qui suit la chute du Mur de Berlin et le démantèlement de l’Union soviétique allait bénéficier au Québec. Au contraire, les réalignements géostratégiques qui en découlèrent, avec un monde unipolaire dirigé par les États-Unis, étaient défavorables au mouvement souverainiste.

Mais les effets négatifs ne s’arrêtent pas là. Les événements de 1989 allaient marquer profondément les mouvements de libération et le mouvement ouvrier. Demain, nous verrons leurs effets sur le Québec.


À suivre
Les deux autres articles sur notre site demain et mercredi.

Demain

Le « nationalisme civique » et le fondamentalisme religieux, les deux faces d’une même pièce frappée à Berlin

Visitez notre site. Cliquez ici.


|
1827|1881|Langue Manchettes|La réflexion du PQ sur la langue est mal partie|2009-11-10 07:19:36|Charles Castonguay|

Sous le titre de Renforcement de la langue française, le document de réflexion en vue du prochain Conseil national du PQ proclame que « En 2009 au Québec, les problèmes et les énormes défis à relever sont à Montréal [c’est-à-dire dans l’île de Montréal] […] Ailleurs au Québec, le français se porte très bien même si de grands progrès doivent être faits au chapitre de l’enseignement du français écrit ».

Ce constat est insensé. Dans l’Outaouais, la ville de Gatineau se bilinguise au galop. Le français se porte très mal aussi ailleurs dans la région de Montréal. Entre 2001 et 2006, le français, langue d’usage au foyer, a reculé au profit de l’anglais au même degré dans la couronne métropolitaine de Montréal que dans l’île.

Quant à la débandade du français dans l’île, le constat ne tient pas mieux l’eau. Le document avertit que « Selon plusieurs démographes, en deux générations [le pourcentage de francophones, langue maternelle, dans l’île de Montréal] pourrait [de 50 % qu’il est en 2006 ] diminuer à 43 % ». Or, de 2001 à 2006, soit en l’espace de cinq ans seulement, le poids du français, langue maternelle, dans l’île VIENT de chuter de 3,4 points. Ce n’est pas une prévision, ça vient d’arriver! Si ça continue au même rythme, de 50 % en 2006 on sera rendu à 43 % en DIX ANS, soit en 2016, et non pas dans « deux générations »! L’urgence d’agir est sans commune mesure avec de quelconques prévisions démographiques.

Cela fait par conséquent sursauter que de se faire demander « Quelles sont les mesures qui seraient susceptibles de favoriser le maintien des familles sur l’île de Montréal? ». Je le répète : le français recule autant au profit de l’anglais dans le « 450 » que dans le « 514 ». Ce n’est donc pas l’étalement urbain qui fait problème, c’est le statut inférieur du français face à l’anglais. Et ce problème commande d’urgence une solution décisive.

Cela fait également misérable que de se voir demander mollement « Quelles mesures doivent être prises pour que les élèves provenant des écoles secondaires francophones fréquentent des cégeps de langue française? ». Formulation qui tranche avec la question précédente « Seriez-vous favorables à ce que les écoles privées non subventionnées soient assujetties à la loi 101? ».

Le document de réflexion ne soulève même pas la question du financement outrageusement disproportionné des universités et hôpitaux anglais. Par exemple, quel message deux mégacentres hospitaliers universitaires financés à égalité mais l’un anglais, l’autre français, envoient-ils? Celui d’une île de Montréal bilingue mur à mur.

Le bouquet c’est que nulle part est-il question, comme le disait si bien Mme France Boucher, de « nettoyer la soue ». C’est-à-dire, d’assainir l’information, la réflexion et la recherche sur la situation linguistique en rendant enfin l’Office et le Conseil de la langue française indépendants du parti au pouvoir. On attend du PQ qu’il se rachète sur ce plan. Il a par le passé miné la crédibilité de ces organismes autant que les libéraux, en se complaisant dans le petit jeu des nominations partisanes.

Le slogan « Penser et agir en gouvernement souverainiste » parcourt le document. Espérons que les participants au Conseil national sauront donner à ces mots tout leur sens.

 




|Un constat erroné et un questionnement timide
1828|1882|Langue Manchettes|Le poids du nombre|2009-11-10 07:26:02|Pierre Curzi|

Entre 2002 et 2009, le nombre d’immigrants reçus par année est passé de 37 500 à 47 000. Dans un très proche avenir, le Québec a pour objectif d’accueillir 55 000 nouveaux arrivants. Proportionnellement à la population totale du Québec, c’est trois fois plus que la France et deux fois plus que les États-Unis.

Il y aura donc, en 2010, 17 500 nouveaux arrivants de plus qu’en 2002 à accueillir et à intégrer à la culture francophone québécoise dont un quart parle seulement le français. Dans le contexte actuel, que je résume à grands traits dans les lignes qui suivent, l’intégration de ces nouveaux arrivants représente un défi majeur.

Il faut d’abord rappeler que 83 % de tous les immigrants élisent domicile dans le grand Montréal et que 90 % des immigrants allophones s’établissent sur l’île de Montréal. Ensuite, comme  je l’ai démontré dans une lettre parue dans La Presse et dans Le Devoir le 1er octobre dernier , il faut aussi noter l’exode massif des francophones de l’île dont le solde migratoire est déficitaire de 200 000 individus depuis 1986.

J’ai aussi fait état du fait qu’un allophone sur deux vit dans la culture anglophone.  Un article de la Gazette du 11 avril 2007 confirme d’ailleurs les chiffres suivants  : il y a sur l’île de Montréal 410 000 anglophones, 320 000 allophones anglicisés, 945 000 francophones et 320 000 allophones dont on croit qu’une bonne partie vit dans la culture francophone. Somme toute, il y a 730 000 personnes qui vivent en anglais sur l’île de Montréal pour 945 000 francophones.

Même en additionnant aux francophones tous les allophones francisés, il n’y a pas deux individus de culture francophone pour un individu de culture anglophone sur l’île de Montréal.

Le poids du nombre semble trop lourd à porter pour les francophones et les allophones francisés si l’on souhaite une intégration réussie dont le succès repose, nous le savons, sur un environnement d’immersion réelle.

Quel avenir ce portrait actuel de la langue à Montréal nous laisse-t-il entrevoir? Chaque année, il y a 13 000 étudiants dans les cégeps anglophones qui proviennent du secteur des écoles secondaires francophones.

Les études de Charles Castonguay nous montrent que tout le progrès de la francisation des allophones au cours du passage à l’école primaire et secondaire est annulé par ce passage au cégep anglophone.

Le transfert linguistique précoce vers le français serait donc temporaire pour beaucoup d’allophones puisqu’un deuxième transfert s’effectue vers l’anglais au cégep.

Avec l’ajout, dans la seule région de Montréal de plus d’un demi-million de nouveaux Québécois nous arrivant de l’étranger au cours des 10 prochaines années, légiférer en matière de langue d’enseignement dans le cas des écoles passerelles ou au niveau collégial s’impose comme un strict minimum si l’on veut sauvegarder le fait français à Montréal.

Et légiférer ne représente qu’une parmi les nombreuses avenues que nous devrons emprunter. À la lumière de la situation actuelle et à venir, peut-on cataloguer de « paranoïaques de la langue » ou de « radicaux péquistes » celles et ceux qui considèrent nécessaire d’agir promptement et significativement sur la question linguistique?

Allons-nous toujours trop loin pour ceux qui ne veulent aller nulle part?




|Le Québec veut accueillir 55 000 immigrants. Proportionnellement à la population totale, c’est trois fois plus que la France et deux fois plus que les Etats-Unis
1829|1883|International Analyses|L’annexion de la Colombie aux Etats-Unis|2009-11-10 07:28:47|Fidel Castro|

Toute personne moyennement informée comprend aussitôt que l’Accord complémentaire pour la coopération et l’aide technique en matière de défense et de sécurité, signé entre les gouvernements de la Colombie et des Etats-Unis le 30 octobre et publié le 2 novembre dans l’après-midi, équivaut à l’annexion de la Colombie aux États-Unis.

L’accord gêne théoriciens et politiciens. Il n’est pas honnête de se taire maintenant et de parler ensuite de souveraineté, de démocratie, des droits de l’homme, de liberté d’opinion et d’autres merveilles, quand un pays est dévoré par l’Empire aussi aisément qu’un lézard capture une mouche. C’est le peuple colombien qui est en jeu, dévoué, travailleur, batailleur. J’ai cherché dans ce  gros document une justification digestible, et je n’en ai vu aucune.

Des quarante-huit feuillets de vingt et une lignes chacun, cinq philosophent sur les antécédents de cette absorption honteuse qui convertit la Colombie en territoire d’outre-mer.

Tout part des accords souscrits avec les USA à la suite de l’assassinat du prestigieux leader progressiste Jorge Eliécer Gaitán, le 9 avril 1948, et de la création de l’Organisation des États américains, le 30 avril 1948, discutée par les ministres des Affaires étrangères du continent  qui étaient réunis à Bogota sous la baguette des États-Unis durant les journées tragiques au cours desquelles l’oligarchie colombienne faucha la vie de ce dirigeant et déclencha la lutte armée dans ce pays.

L’Accord d’aide militaire entre la République colombienne et les États-Unis en avril 1952 ; celui ayant à voir avec « une mission terrestre, une mission navale et une mission aérienne des forces militaires des États-Unis », souscrit le 7 octobre 1974 ; la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, de 1988 ; la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, de 2000 ; la Résolution 1373 du Conseil de sécurité de 2001, et la Charte démocratique interaméricaine ; la Politique de défense et de sécurité démocratique, et d’autres sont invoqués dans le document précité.

Rien ne justifie la conversion d’un pays de 1 141 748 kilomètres carrés, situé au cœur de l’Amérique du Sud, en une base militaire des États-Unis. La Colombie fait 1,6 fois le Texas, le second État le plus étendu de l’Union, qui fut arraché au Mexique et qui servit ensuite de base pour conquérir à feu et à sang plus de la moitié de ce pays frère.

Par ailleurs, cinquante-neuf ans se sont écoulés depuis que les soldats colombiens furent dépêchés dans la lointaine Asie pour combattre aux côtés des troupes yankees contre les Chinois et les Coréens en octobre 1950.

Ce que l’Empire souhaite maintenant, c’est les envoyer se battre contre leurs frères vénézuéliens, équatoriens et contre d’autres peuples bolivariens et de l’ALBA pour écraser la Révolution vénézuélienne, comme ils ont tenté de le faire avec la Révolution cubaine en avril 1961.

Pendant plus d’un mois et demi avant l’invasion de Cuba, le gouvernement yankee promut, arma et utilisa des bandes contre-révolutionnaires de l’Escambray, comme il utilise aujourd’hui les paramilitaires colombiens contre le Venezuela.

Lors de l’attaque de Playa Girón, les B-26 yankees pilotés par des mercenaires opérèrent depuis le Nicaragua, leurs appareils de combat furent transportés vers la zone d’opérations à bord d’un porte-avions, et les envahisseurs d’origine cubaine qui débarquèrent à cet endroit étaient escortés par des navires de guerre et les marines des USA.

Aujourd’hui, leurs moyens de guerre et leurs troupes seront cantonnés en Colombie, menaçant non seulement le Venezuela, mais aussi tous les États centraméricains et sud-américains.

Il est vraiment cynique d’affirmer que cet accord infâme est une nécessité de la lutte contre le trafic de drogues et le terrorisme international.

Cuba a prouvé qu’il n’y a pas besoin de troupes étrangères pour éviter la culture de plantes et le trafic de drogues et pour maintenir l’ordre interne, bien que les États-Unis, le pays le plus puissant du monde, aient promu, financé et armé durant des dizaines d’années les actions terroristes  contre la Révolution cubaine.

La paix intérieure est une prérogative élémentaire de chaque État ; la présence de troupes yankees dans n’importe quel pays latino-américain dans ce but est une ingérence étrangère éhontée dans ses affaires intérieures qui provoquera forcément le refus de la population.

La lecture du document prouve que ce ne sont pas seulement les bases aériennes colombiennes qui passeront aux mains des Yankees, mais encore les aéroports civils et en fin de compte toute installation qui leur sera utile.

L’espace radioélectrique sera aussi mis à la disposition de ce pays dont la culture est différente et dont les intérêts n’ont rien à voir avec ceux de la population colombienne.

Les forces armées étasuniennes jouiront de prérogatives exceptionnelles.

Les occupants pourront commettre des crimes partout en Colombie, contre les familles, les biens et les lois colombiennes, sans avoir à répondre devant les autorités du pays ; ils ont causé des scandales et des maladies à bien des endroits, comme ils l’ont fait depuis la base militaire de Palmerola au Honduras.

À Cuba, à l’époque où ils visitaient la néo-colonie, ils montèrent à califourchon sur le cou de José Martí, en plein Parque Central de la capitale.

Les limites imposées à la quantité de soldats peuvent être modifiées à la demande des USA, sans la moindre restriction. Les porte-avions et les bâtiments de guerre qui visiteront les bases navales concédées pourront emporter autant d’hommes qu’ils voudront, et un seul de ces grands porte-avions en emporte des milliers.

L’accord sera prorogé pour des périodes successives de dix ans, et personne ne pourra le modifier jusqu’à la fin de chaque période, avec un préavis d’une année.

Que feront les USA si un gouvernement comme celui de Johnson, de Nixon, de Reagan, de Bush père ou de Bush fils et d’autres du même acabit est sommé d’abandonner la Colombie ?

Les Yankees ont été capables de renverser des dizaines de gouvernements sur notre continent. Combien de temps un gouvernement colombien durerait s’il annonçait une telle décision ?

Les politiciens d’Amérique latine se trouvent maintenant devant un problème délicat : le devoir élémentaire d’expliquer leurs points de vue sur le document annexionniste.

Je comprends que ce qui se passe à ce moment décisif au Honduras occupe l’attention des médias et des ministres des affaires étrangères de ce continent, mais le problème très grave et capital qui a lieu en Colombie ne peut passer inaperçu aux yeux des gouvernements latino-américains.

Je n’ai pas le moindre doute au sujet de la réaction des peuples ; ils sentiront le poignard qui s’enfonce au plus profond de ses sentiments, en particulier le peuple colombien : ils s’y opposeront, ils ne se résigneront à une telle infamie !

Le monde se heurte aujourd’hui à des problèmes graves et urgents. Les changements climatiques menacent toute l’humanité. Des dirigeants européens implorent presque à genoux qu’il y ait à Copenhague un accord qui évite la catastrophe.

Ils présentent comme une réalité que le Sommet n’atteindra pas son objectif d’un accord qui réduira drastiquement l’émission de gaz à effet de serre. Ils promettent de poursuivre la lutte pour l’atteindre d’ici à 2012 ; il existe un risque réel qu’on ne puisse l’atteindre avant qu’il ne soit trop tard.

Les pays du Tiers-monde réclament à juste titre aux plus développés et aux plus riches des milliards de dollars annuels pour faire face aux dépenses de la bataille climatique.

Est-il sensé que l’administration étasunienne dépense du temps et de l’argent à construire des bases militaires en Colombie pour imposer à nos peuples son odieuse tyrannie ?

À ce train, s’il est vrai qu’une catastrophe menace le monde, une catastrophe plus grande et plus rapide menace l’Empire, et tout ceci sera la conséquence d’un même système d’exploitation et de pillage de la planète.

 

Fidel Castro Ruz
Le 6 novembre 2009




|Une analyse de l’accord qui permet l’instauration de bases militaires américaines
1830|1884|International Manchettes|Chute du Mur de Berlin: que célébrons-nous au juste? (2)|2009-11-10 07:33:32|Pierre Dubuc|

(Deuxième article d’une série de trois)

Une des conséquences les plus lourdes de la destruction du Mur de Berlin et de l’écroulement de l’Union soviétique est d’avoir privé la gauche et les mouvements de libération de leurs repères idéologiques classiques. Le vide a été comblé par l’éclosion de concepts culs-de-sac comme le « nationalisme civique ». Plus grave encore, l’opposition à l’impérialisme a pris dans plusieurs pays la forme du fondamentalisme religieux. Le Québec n’échappe pas à ces dérives et sa lutte de libération s’en trouve entravée. Pour en comprendre les enjeux, il est nécessaire de replacer la question nationale dans sa perspective historique.

Au début du XXe siècle, la Révolution d’Octobre 1917 et les déclarations du président américain Woodrow Wilson en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ont donné une dimension internationale et révolutionnaire à la question nationale. De question jusque là limitée à l’autonomie culturelle des nations opprimées d’Europe, elle a été élargie aux peuples coloniaux et au droit de se constituer en État indépendant.

Mais c’est surtout après la Deuxième guerre mondiale que le mouvement de décolonisation des anciens empires coloniaux d’Afrique et d’Asie s’est mis en marche avec l’appui à leur cause de l’Union soviétique mais également, dans certains cas, des États-Unis.

Au Québec, il a fallu attendre les années 1960 pour que la question nationale se transforme de question de l’autonomie culturelle des Canadiens-français à l’intérieur du Canada à celle du droit à l’indépendance nationale du Québec. Cela s’est produit par l’ajout de deux éléments fondamentaux jusque là absents dans la définition traditionnelle de la nation canadienne-française, soit un territoire où la nation francophone était majoritaire – le Québec – et la prise de conscience d’une vie économique propre à la nation québécoise. Cela allait produire la Révolution tranquille avec son volet d’émancipation économique et son slogan « Maîtres chez nous ».

Malheureusement, le mouvement ne parvient pas à la réalisation de l’indépendance nationale et subit des échecs lors des référendums de 1980 et 1995. Tout comme la Rébellion des Patriotes – qui s’inscrivait elle aussi dans le mouvement d’émancipation des nationalités de son époque – la défaite de 1995 résulte en grande partie d’un rapport de forces défavorable. En 1995 comme en 1837, la conjoncture géopolitique internationale n’est pas propice à la cause du Québec.

Dans l’éventualité d’une victoire du Oui, la reconnaissance internationale d’un Québec indépendant aurait donné lieu à une jolie partie de bras de fer, le Québec bénéficiant de l’appui de la France, mais rencontrant l’hostilité des États-Unis.

S’ajoute à cela un droit international qui peut être interprété de façon défavorable à l’émancipation des nations. Comme aimait le rappeler Stéphane Dion, le droit international, plutôt que de reconnaître de façon inconditionnelle le droit des nations à disposer d’elles-mêmes, « n'accorde pas à un peuple le droit à la sécession unilatérale, sauf dans les cas de colonies et peut-être de violation extrême des droits de la personne ». Autrement dit, c’est comme si le droit au divorce n’était reconnu qu’aux femmes battues.

De plus, à cette époque, l’opinion internationale était très sensible à toute dérive potentielle dans les conflits nationaux avec les accusations de « nettoyage ethnique » qui provenaient de l’ex-Yougoslavie et le génocide rwandais de 1994. Dans ce contexte, les propos de Jacques Parizeau sur les « votes ethniques » ont eu un effet dévastateur et une frange importante du mouvement souverainiste a voulu s’en démarquer par une rupture avec tous les référents historiques, linguistiques et nationaux de la question nationale.

Faussement qualifiée de « nationalisme ethnique », le nationalisme de la décolonisation des années 1960 et 1970 a été cloué au piloris et remplacé par le « nationalisme civique » c’est-à-dire, selon ses promoteurs, par un nationalisme reposant sur la « volonté des individus de la collectivité plutôt que sur les déterminants ethniques », un nationalisme basé « avant tout sur la Charte des droits et libertés de la personne » dans l’objectif de « déethniser » le débat.

Ce concept de « nationalisme civique » n’est en rien différent des conceptions mises de l’avant par Pierre Elliott Trudeau avec l’adoption de la Charte canadienne des droits. Il faut aussi signaler que cette conception de la nation a été imposée aux pays européens par les États-Unis au lendemain de la Deuxième guerre mondiale en les obligeant à adopter des constitutions et des chartes des droits sur le modèle américain. Elle est également conforme aux idées développées par Michael Ignatieff dans son livre « La Révolution des droits ».

En gommant toute référence à la langue et à la culture, les partisans de ce « nationalisme civique » liquidaient la question identitaire non seulement de la majorité francophone, mais également de la minorité anglophone et des autres minorités nationales en sol québécois.

Mais la vie sociale allait montrer l’absurdité d’une telle approche et la question identitaire va resurgir par la porte arrière à la faveur du débat sur les accommodements raisonnables. Cependant, son irruption sur la scène politique survient non pas, comme on aurait pu s’y attendre, par la question linguistique qui caractérise la nation québécoise en Amérique du nord, mais par un débat sur des « accommodements »  religieux.

À bien y penser, la chose ne devrait pas nous étonner. Dans un contexte mondial où la lutte pour le socialisme a été déclassée par suite de l’effondrement du bloc soviétique, l’opposition à la mondialisation a pris la forme dans plusieurs pays du fondamentalisme religieux. À l’impérialisme, on n’oppose plus la promesse d’un monde socialiste, mais un retour en arrière au féodalisme. La roue de l’Histoire fait maintenant marche arrière.

Enclenché avec la Révolution de Khomeiny en Iran en 1979, le mouvement a pris de l’ampleur avec les événements du 11 septembre 2001. Les idéologues de l’impérialisme l’ont consacré sous l’appellation de « choc des civilisations ». Dans le livre d’où provient cette expression, l’américain Samuel P. Huntington a avancé l’idée que – l’opposition entre le socialisme et le capitalisme ayant disparu avec la victoire de ce dernier – le monde serait désormais régi par des guerres de religion.

Dans cette réécriture de l’histoire, la guerre d’indépendance de l’Algérie, par exemple, n’est plus une lutte de libération nationale, une lutte démocratique pour le socialisme, mais un simple épisode dans l’affrontement séculaire entre l’Islam et la Chrétienté. De même, les habitants du Maghreb sont désormais identifiés par le biais de leurs croyances religieuses plutôt que par leur caractère national. On les qualifie de musulmans plutôt que Marocains, Algériens ou Tunisiens.

Pourtant, l’avènement des nationalités a marqué un progrès considérable dans l’histoire de l’Humanité. C’est un recul dont il est difficile de prendre la pleine mesure qu’au moment où la mondialisation varlope, efface, dissout les nationalités, les identités nationales soient remplacées par les identités religieuses.

Au Québec et ailleurs dans le monde, s’impose donc la tâche de réhabiliter la question nationale par une critique des dérives et des théories qui ont fleuri depuis l’abandon du socialisme démocratique comme perspective libératrice.

La question nationale doit à nouveau reposer sur un socle véritablement national et démocratique. À l’encontre du concept impérialiste du « nationalisme civique » à un pôle et des dérives du fondamentalisme religieux à l’autre pôle, la nation québécoise doit être rétablie dans sa définition essentielle, c’est-à-dire une communauté historiquement constituée, puisant ses origines en Nouvelle-France et ayant assimilé au cours des siècles des gens de différentes origines.

Contrairement aux conceptions associées au « nationalisme civique », une nation n’est pas un phénomène éphémère, mais bien le résultat de relations durables et régulières résultant d’une vie commune de génération en génération sur un territoire commun d’hommes et de femmes partageant une langue commune et une culture commune.

Concrètement, cela signifie qu’il existe également sur un même territoire national d’autres communautés minoritaires comme les anglophones du Québec dont il faut reconnaître les droits – mais non les privilèges – et d’autres minorités nationales issues de l’immigration. D’ailleurs, la réhabilitation du concept de « minorité nationale » plutôt que de « nationalité ethnique » ou « nationalité culturelle » contribuerait à restaurer le principe des nationalités. (À noter que cela n’inclut pas la question autochtone qui mérite un traitement particulier).

 

Demain : Le signal d’une offensive anti-syndicale et ouvrière sans précédent

À lire également le premier article :
L’impact de la chute du Mur de Berlin sur le Québec

et le troisième article
Le signal d’une offensive anti-syndicale et ouvrière sans précédent



|Le « nationalisme civique » et le fondamentalisme religieux, les deux faces d’une même pièce frappée à Berlin