Recrutement militaire dans les écoles

2009/11/18 | Par Normand Beaudet

L’auteur est membre fondateur du Centre de ressources sur la non-violence

Selon le Général Andrew Leslie, l’armée canadienne a dépassé ses objectifs de recrutement et se retrouve maintenant avec un surplus de recrues. Ainsi, le recrutement sera freiné et il serait inutile de remettre en question les efforts de recrutement en milieu scolaire.

L’offensive de communication de l’armée pour contrer le mouvement d’opposition au recrutement dans les écoles prend une ampleur surprenante depuis la rentrée.

Face à la controverse sur ses pratiques de recrutement, l’approche des militaires est typiquement d’éviter de réagir et d’alimenter le débat davantage.

Jusqu’à récemment, la seule forme de réponse au mouvement d’opposition au recrutement dans les écoles a été un communiqué d’un commandant de « Cadets Canada », le lieutenant colonel Albert, demandant à ses membres de ne pas réagir à la campagne, pour « éviter d’offrir une plate-forme de réplique à ses auteurs ».

Au début de l’année scolaire, c’est le commandant en chef de l’armée canadienne lui-même, le général Walt Natynczyk, qui est venu défendre publiquement ses politiques de recrutement suite à une conférence de presse de la coalition contre le recrutement militaire dans les écoles du Québec.

Suite à des controverses lancées à CBC et dans les quotidiens anglophone à grande diffusion The GazetteThe National Post  et le Globe and Mail, une équipe de majors et de colonels ont entrepris de rendre visite aux membres de la coalition contre le recrutement ces dernières semaines.

Toute cette activité de relations publiques débouche enfin sur un coup de théâtre : l’armée lance maintenant le message qu’elle n’aurait plus besoin de recruter de fantassins.

Cette opération médiatique vise manifestement à faire croire qu’il y trop de fantassins, trop de troupes de combat et que, par conséquent, les débats sur le recrutement sont devenus caducs.

En ce qui concerne les troupes de combat, la transformation prochaine du rôle du Canada dans la guerre offensive en Afghanistan fait son effet.

Le vraisemblable déplacement prochain des soldats canadiens de la zone de combat de Kandahar vers une autre région du pays nécessite effectivement une diminution des effectifs et une diminution des rotations de troupes de combat.

Il est donc plausible que les priorités d’affectation des effectifs changent. C’est d’ailleurs un fait qui confirme que les besoins de l’armée priment sur les belles promesses faites aux jeunes lors de l’enrôlement.

Quand on s’enrôle, on devient un pion à la solde des hauts gradés qui peut être réaffecté à un autre métier à tout moment. Les jeunes doivent être avisés que ce qu’on leur promet, dans le contexte de guerre au terrorisme tous azimuts, peut changer selon les priorités du moment. Or, ces priorités resteront sont très variables et imprévisibles.

Dans les faits, l’armée est loin d’avoir rencontré les objectifs de recrutement qu’elle s’était fixée suite à l’arrivée des conservateurs au pouvoir, les plus ambitieux depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’utilisation au maximum des ressources humaines par des déploiements à répétition et l’exploitation des bassins traditionnels de recrutement : les proches des militaires, les cadets et les jeunes qui voient en l’armée une façon de sortir de la précarité, semblerait aujourd’hui suffire pour combler les besoins en « soldats du rang ».

Plutôt que d’occulter les efforts de recrutement, parlons de la conscription par la pauvreté qui sévit dans une période de récession économique où les jeunes ont été durement touchés.

La machine militaire canadienne possède des ressources considérables. Annuellement, c’est plus de 25 millions qui sont investis dans la persuasion de vos jeunes à joindre les rangs, et 200 millions dans le mouvement « Cadets Canada ».

Les grands canaux de communication, en particulier ceux de Radio-Canada, sont à l’entière disposition des militaires, tant pour les analystes que pour puiser dans la fabrique à nouvelle du plus grand ministère fédéral.

Pourquoi diable offririons-nous nos établissements d’enseignement à ceux dont le mandat est d’envoyer nos jeunes à la guerre?