La souveraineté à portée de main

2009/12/04 | Par Gabriel Ste-Marie

La souveraineté du Québec de Jacques Parizeau fait le point sur le projet d’indépendance nationale. L’auteur montre comment la souveraineté est toujours à portée de main et souhaitable dans un contexte de mondialisation. Il tire de nombreuses conclusions en nous livrant son expérience des deux référendums. Le travail de mobilisation et de préparation à un nouveau référendum est détaillé.

L’ancien Premier ministre illustre concrètement à quoi peut ressembler un Québec indépendant. Il discute aussi de l’économie du Québec. Mais surtout, il explique comment le Québec est voué à un lent déclin tant qu’il demeure dans la fédération.

Parizeau rappelle le caractère distinct du Québec à l’aide de multiples exemples. En 1964, le Québec est la seule province à se retirer de 29 programmes conjoints au fédéral avec pleine compensation fiscale et financière et à se soustraire du Canada Pension Plan pour fonder la Régie des rentes. C’est la même chose avec la formation professionnelle une vingtaine d’années plus tard, et encore le même scénario dernièrement avec le programme de congé parental.

La concurrence entre Québec et Ottawa handicape lourdement l’administration, sans compter les multiples dédoublements : « C’est ainsi, par exemple, qu’il y eut un temps où le gouvernement de Québec gérait 13 programmes d’aide aux enfants et le fédéral, 12. Ou peut-être était-ce l’inverse. »

Récemment, le Bloc québécois a fait inscrire 200 000 personnes âgées démunies à un programme d’aide fédéral qui les avait ignorés, leur nom apparaissant sur des listes du gouvernement québécois. La grève étudiante de 2005 l’a emporté en raison d’une entente oubliée : 70 des 103 millions $ que le gouvernement Charest voulait couper en bourses auraient été remboursés à Ottawa. Le ministre des Finances du Québec a admis dans son dernier plan avoir sous-estimé par dix la réduction de péréquation du fédéral à cause de la complexité de la formule

Dans cette concurrence, Ottawa a l’avantage. La constitution lui confère tous les pouvoirs de taxer et de dépenser et la mondialisation accroît ses rôles, au détriment du Québec. C’est le gouvernement central qui siège et a droit de parole aux institutions internationales. Si la Francophonie a réussi à faire adopter à l’UNESCO une charte de la diversité culturelle en opposition à l’hégémonie de la culture anglo-saxonne, c’est Ottawa et non Québec qui est responsable d’assurer le respect de ce nouvel accord international sur son territoire.

C’est la même chose à l’Organisation mondiale du commerce : pour protéger les subventions aux universités et aux hôpitaux, Québec s’en remet à Ottawa, qui négocie aussi les termes de l’exportation de notre eau.

La contradiction entre les intérêts du Canada et du Québec atteint un sommet au plan environnemental. Jacques Parizeau s’inquiète du jour où la communauté internationale imposera des pénalités aux pays pollueurs : malgré un bilan positif, le Québec sera pénalisé par la décision du fédéral de soutenir l’économie de l’Ouest canadien.

Sans la souveraineté, nous assistons à un lent déclin du gouvernement du Québec au profit de celui d’Ottawa. Dans cette confrontation, l’auteur du livre rappelle que le fédéral a gagné une manche importante au lendemain du référendum de 1995.

Le gouvernement de Lucien Bouchard s’attaque alors au déficit zéro et abandonne l’idée de souveraineté : « Devant les rumeurs d’irrégularité dans le déroulement du scrutin, il n’intervient pas, ne procède à aucune vérification. Ce sont les groupes de militants qui vont motu proprio procéder à des enquêtes, voire, comme à Sherbrooke, obtenir des condamnations devant les tribunaux. Petit à petit va s’accréditer l’idée que 54 000 personnes ont voté alors qu’elles n’avaient pas de carte d’assurance-maladie, donc n’étaient pas résidantes du Québec. Les démonstrations et les preuves viendront quand Robin Philpot publiera Le référendum volé ».

Parizeau rappelle que l’ampleur du déficit découle directement de la décision d’Ottawa de régler le sien en sabrant dans les transferts aux provinces. On se retrouve dans la situation où Ottawa nage en plein surplus alors que le Québec se démène pour équilibrer son budget. Ce nouveau rapport de force permet au fédéral de percer les compétences de l’État québécois en subventionnant les universités et la réfection de routes provinciales en échange de visibilité, en plus de toutes les dépenses en commandites qui ont menées au scandale.

L’idée qu’un Québec aussi faible puisse se passer de l’aide du fédéral fait son chemin et le projet d’indépendance est relégué aux conditions gagnantes.

Dans la même veine, Jacques Parizeau dénonce la peur en l’avenir entretenue par le groupe des Lucides, dont fait partie son successeur Lucien Bouchard. À les écouter, l’État québécois n’aura bientôt plus les moyens de rien à cause du vieillissement de la population : « les huissiers frappent à la porte ». Voilà qui éclipse encore le projet de pays.

L’économiste démontre le peu de crédibilité que présentent leurs calculs : ils reposent sur de fragiles hypothèses. Par exemple, leur scénario démographique se base sur une projection de 2003 qui estime la population jusqu’en 2051. Or, avec l’actuel mini baby-boom, largement expliqué par le programme de congé parental, la donne a complètement changé. Les récentes projections invalident leur scénario catastrophe.

Peu importe, l’effet démobilisateur de l’endettement martelé par les médias et le déclin constant du gouvernement québécois au profit du fédéral a joué, comme le montre les résultats d’un récent sondage cité par Parizeau.

À peine plus du tiers des Québécois croient que le projet de souveraineté se réalisera, même si une forte majorité des répondants reconnaît que le Québec a le droit de se séparer du Canada, qu’il a les ressources humaines, naturelles et financières pour devenir un pays et que le projet de souveraineté est réalisable.

De plus, l’appui à la souveraineté se maintient autour de 50%, grimpe même à plus de 60% lorsqu’on ajoute l’idée d’association économique avec le reste du Canada, pourtant incontournable.

Le statu quo entraîne un lent recul du Québec au profit du gouvernement canadien. Pour changer la situation, il est impératif de relancer la mobilisation. Le livre de Parizeau constitue un excellent point de départ.