Armes lumineuses (7)

2010/01/06 | Par Renaud Germain

Il regardait la télé, mais il ne voyait que des petits investisseurs, d’un intérêt très mineur. Puis, il ouvrit son ordinateur portable, pour lire 

un texte qu’il avait écrit. « Un cégépien, un détective privé, un chanteur, un révolté aux prises avec un groupuscule de révolutionnaires, un travailleur, 

et un essayiste dont les textes ont été refusés, basés sur des faits vécus, ils ont été mes personnages principaux. Avec mes livres, je peux dire 

que j’ai voulu réaliser des chroniques sociales en marge de la démocratie libérale, avec la montée du contrôle social de l’autoritarisme, 

alors qu’on plonge dans un libéralisme débridé, gardant dans l’œil l’implantation de nouvelles technologies dans les consciences collectives, 

scrutant plutôt le sentiment de perte qui l’accompagne, avec leurs influences sur les socialisations, peut-être même plus pour la narration, 

l’émergence de différents groupes sociaux attachés à un tribalisme visqueux, lié à des logos pourtant très modernes, là ou les réactions sont 

déshumanisées, dominés par l’héroïsme des polytoxicomanes, les gestes sont violents et indifférents à la vie, directement valorisés par les 

industries de sexe à la chaîne, des biotechnologies menés avec un profitable « pourquoi », axés sur un efficace « comment », morceaux de la 

structure d’un processus de changement plus vaste et sans fin qui s’accélère. J’accentue légèrement le « grave » pour mettre en relief un 

possible « inhumain », sans espérance, avec la silhouette du suicidaire mal-aimé, et son regard plein de détresse et de tristesse. Faire percer 

une forme tragique dans toutes ces marchandises banalisées et kitsch, laides et délavées, au milieu d’une usine désaffectée. Car dans toutes 

cette hétérogénéité, il y a surtout la poésie sous ma plume, l’écriture en tant que déploiement accueillant des formes de cultures disparates 

et éparses, ce qui comprend la prose directe, pour surtout inventer une identité québécoise, un québécois dans un pays neuf. ». Il s’était rendu 

dans sa cuisine, pour se faire du riz. « Et c’est sans parler de mes romans graphiques. Et je me demande bien ce que Jacques Godbout pourrait dire ».  


Renaud Germain est essayiste, romancier et auteur de roman graphique.

 

Illustration : Renaud Germain