Le port des signes religieux par les agents de l'État

2010/01/06 | Par Serge Charbonneau

En réponse à Monsieur Benoit Renaud (texte publié dans Le Devoir du 6 janvier 2010)

Oui, je suis membre de Québec Solidaire.

Oui, je suis un militant pacifiste, je l'ai toujours été et je le serai toujours.  Pour moi, la guerre est signe de barbarie et est un affront à la dignité humaine.

Oui, je suis altermondialiste.  Je préconise les idées du monde « alternatif », la conscience des journaux « alternatifs » et je mets en doute le discours et les actions du monde « officiel ».

Je préfère les sommets sociaux aux conférences de dirigeants néolibéraux.

Et oui, je suis ANTIRACISTE.

J'ai toujours été antiraciste et je le serai toujours.  Pour moi, tous les gens ont le même cœur, le même sang rouge, des peurs similaires et des réactions émotives similaires.

Tout comme Benoit Renaud, « secrétaire général » de Québec Solidaire», je suis profondément et totalement ANTIRACISTE.

Je le souligne et je le précise avec vigueur parce que Monsieur Renaud, comme bon nombre de ces gens qui veulent tolérer (voire favoriser) le port des signes religieux a tendance à traiter de « racistes » ceux qui, comme moi ou comme Madame Michèle Sirois, veulent exclure des services de l'État tout port de signes religieux.  Pour nous, l'État est laïc et doit avoir une image laïque. 

Pour nous, le crucifix à l'Assemblée nationale, dans nos écoles ou dans nos établissements publics n'ont pas leur place tout comme le port de kirpan, de la kippa, du voile islamique, de la burka, du turban indou, bref tout signe religieux pour nous, contrevient au principe disant que l'État est laïc. 

Nous convenons aussi de dire que c'est l'État qui est laïc et non pas les individus.  Les employés de l'État doivent servir de la même façon tous les citoyens québécois, peu importe leur croyance religieuse, leur tenue vestimentaire ou la couleur de leur peau.

Les individus ont le droit de porter dans leur vie personnelle chez eux ou dans les lieux publics les habits qu'ils désirent et tous les signes religieux qu'ils veulent.  Par contre lorsqu'un individu est au service de l'État, sa fonction requiert qu'il abandonne le port de ses signes religieux et qu'il devienne ainsi un individu d'apparence « neutre » afin de refléter la neutralité religieuse de l'État ainsi que la séparation de l'Église (ou plutôt des religions) et de l'État.

Il nous apparaît évident que l'ingérence religieuse dans les affaires de l'État n'est pas une vue de l'esprit.  Cette ingérence existe depuis la nuit des temps.  Nos évêques et curés d'avant notre révolution tranquille travaillaient autant (sinon plus) dans les affaires de l'État que dans leur église.

Les mollahs et imams dans certains pays font fonctionner leurs lois en fonction de considérations « divines » et nous constatons des dérives désastreuses.  Les lois sont expéditives et la justice devient douteuse lorsqu'elle suit les règles de « dieu » ou d' « Allah ».  Dans bien des pays, les femmes sont soumises et les libertés individuelles disparaissent.  Les lois des dieux sont toujours plus puissantes que les lois des Humains.

Voilà pourquoi, nous considérons que les religions doivent être réservées aux croyances très personnelles de chacun et que l'État doit fonctionner exempte de toute ingérence religieuse.  Le port des signes religieux pour les employés de l'État lorsqu'ils sont dans leur fonction doit être interdit.

Si vous êtes employés dans bien des domaines, vous devez vous plier à certaines contraintes vestimentaires.  Personne ne s'en plaint.  Si vous acceptez un travail ou une fonction, vous acceptez aussi de vous plier à la contrainte.  Uniforme, cravate, sarraus, bref vous adoptez une tenue vestimentaire, une « apparence » qui correspond à votre emploi.  Il en va de même pour les employés de l'État au service des citoyens.

Monsieur Renaud affirme que Madame Sirois, membre fondatrice de Québec solidaire Crémazie,  dans son texte du 30 décembre dernier (hyperlien) visait à donner une leçon de méthode à Québec solidaire, affirmant que la position adoptée au congrès de novembre sur les signes religieux dénotait un manque d'analyse politique.

J'étais délégué au congrès de Québec Solidaire de novembre dernier. Le point concernant le port des signes religieux soulevait (et soulève encore) beaucoup de passion lors de ce congrès.  Dès les premières minutes du congrès, on invitait subtilement les membres à ne pas s'entredéchirer et à favoriser la discussion calme.  Les organisateurs du congrès avaient une hâte à peine voilée de tourner la page sur ce point brûlant. C'est ce qui fut fait.

Le débat a été animé, mais civilisé comme peuvent l'être les membres de QS mais on a favorisé une approbation rapide avec une méthode expéditive pour enfin passer à autre chose. On croyait avoir balayé sous le tapis ce point chaud et on croyait que le débat passionnel était clos.

On constate par le discours de Monsieur Renaud, «secrétaire général de QS» que le débat est bien loin d'être clos et que ce qu'on a voulu balayer sous le tapis déforme le tapis au point qu'on re-trébuche dans le débat passionnel.

 

Débat passionnel

Monsieur Renaud dit en parlant du texte de Mme Sirois: «l'orientation présentée dans son texte — lui-même truffé d'arguments fallacieux, de sophismes et de problèmes de méthode — conduirait la gauche à un accommodement totalement inacceptable avec le racisme ordinaire qui afflige présentement les Québécoises et les Québécois d'origine arabe ou de religion musulmane.»

On constate toute la passion (que je considère « déplacée ») de M. Renaud. Son langage excessif lui enlève une certaine crédibilité.  À la lecture du texte de Mme Sirois, il est difficile de trouver des arguments «fallacieux» ou des «sophismes».  Monsieur Renaud nous sert aussi le fameux argument (qui pour lui n'est pas fallacieux et ne fait pas partie d'un sophisme évident) disant que l'exclusion du port des signes religieux pour les agents-es de l'État est signe de racisme ou encouragerait le racisme.


Le racisme…

Peut-on dire que Monsieur Renaud fait preuve de sophisme? J'ai envie de répondre: oui.

Madame Sirois introduit son texte par une observation qui ne peut être mise en doute:

«La majorité des Québécois déplore le fait que nos gouvernements ne protègent pas assez fermement deux valeurs fondatrices de la société québécoise:

-        La neutralité de l'État

-        la prédominance de l'égalité entre les hommes et les femmes sur les particularismes religieux ou culturels.

L'absence d'un message clair sur ce plan entraîne, selon plusieurs, de trop nombreux accommodements «déraisonnables».

Mme Sirois souligne aussi un autre point ne pouvant être mis en doute: «QS se présente comme un parti de gauche et féministe, or, la gauche a toujours été le fer de lance de la laïcisation du Québec, et l'histoire du féminisme est jalonnée de dénonciations des institutions religieuses comme sources d'oppression des femmes.»

On ne peut tout de même pas dire que Mme Sirois use de « sophismes ».

Il est normal d'en conclure que l'ouverture aux signes religieux par les agents de l'État apparaît paradoxale et que cela constitue aussi un recul par rapport aux luttes féministes et nationalistes.

Mme Sirois explique clairement trois raisons pour revoir la décision prise hâtivement par QS.  Trois raisons qui méritent réflexion et que Monsieur Renaud s'entête à ne pas vouloir considérer sérieusement.

1.  La mise en place de politiques cohérentes de laïcisation de l'État.

Il est actuellement interdit aux agents de l'État d'afficher leurs opinions politiques dans le cadre de leurs fonctions, et cette interdiction devrait aussi s'appliquer aux croyances religieuses.

2. Le large consensus qui existe dans la société québécoise pour la séparation de l'Église et de l'État, d'une part, et pour l'égalité entre les hommes et les femmes, d'autre part.

C'est la combinaison de ces deux tendances (la neutralité de l'État et l'égalité hommes-femmes) qui fait que, parmi tous les signes religieux, le port du voile islamique est le cas le plus explosif.

On oublie facilement le crucifix, la kippa ou le turban, le voile prend toute la place, pourquoi ?

Le voile est lié à la position d'infériorité des femmes dans l'islam, il alors devient un symbole important. Il ne s'agit donc pas d'un simple «bout de tissu», comme l'affirment tant de personnes (dont M. Renaud) qui tentent de banaliser ce symbole religieux.

3. Les effets pervers que pourrait entraîner le libre-choix du port de signes religieux par les agents de l'État.

En tant que nation dominée et marginalisée sur un continent anglophone, les Québécois sont devenus plus frileux face à l'afflux d'immigrants qu'ils perçoivent comme une menace à leur identité.

Permettre aux agents de l'État de porter des signes religieux ostentatoires ne peut que transformer davantage les immigrants en boucs émissaires faciles à identifier.

Au contraire, observer que l'immigrant vie « comme tout le monde » et « intègre » la société québécoise sans signes « importés » favorise son acceptation et désamorce cette bombe à retardement de l'intolérance.

Nos acquis de la Révolution tranquille sont fragiles.

Les acquis des luttes féministes sont aussi fragiles.

Notre société a fait des pas vers l'avant.  Nous sommes parvenus à mettre les curés dans leurs églises et à les faire œuvrer pour l'âme et non pour le quotidien de la société.  Nos institutions sont devenues laïques. 

Les femmes au Québec ont difficilement obtenu le droit de vote. Elles ont difficilement obtenu plus d'égalité. Le sexisme a été réduit considérablement. Ces acquis sont extrêmement fragiles. Les religions favorisent le retour en arrière. On veut réinstaller le sexisme. On veut différencier une femme docteur ou un homme docteur, ou encore une femme police ou un homme police ou encore une examinateure de la SAAQ ou un examinateur.  On voudrait des piscines avec des heures pour femmes seulement et plusieurs accommodements qui font penser au retour des tavernes interdites aux femmes.

Permettre aux agents de l'État de porter des signes religieux ostentatoires, c'est envoyer aux nouveaux arrivants un message trompeur. C'est leur signifier que notre société accepte ce que nous nous sommes battus pour nous libérer.

Nous n'acceptons plus au Québec que les femmes et les hommes soient considérés différemment.  Nous n'acceptons plus au Québec que les Femmes et les Hommes soient contraints à vivre dans des mondes différents.

Nous n'acceptons plus, non plus que la religion s'ingère dans les affaires de l'État.

Il faut avoir le courage de l'affirmer politiquement et clairement.  Ceci n'a rien de raciste, de xénophobe ou d'anti-islamiste.

De plus, vouloir favoriser l'intégration dans la fonction publique de certains individus issus des communautés culturelles par l'acceptation du voile ou de tout autre signe religieux peut très rapidement conduire à l'effet pervers inverse, c'est à dire, favoriser le racisme et l'intolérance.

Nous ne contrôlons pas l'actualité mondiale.  Le monde musulman où la soumission des femmes est flagrante nous est exposé quotidiennement.  Que ce soit la burka en Afghanistan ou les manifestations en Iran, nous voyons cette oppression patriarcale dans nos bulletins d'information.

Si l'État tolère les signes religieux pour ses agent-es, cette vision de « non-intégration » à nos valeurs laïques risque d'amener peu à peu une l'intolérance grandissante pouvant aller de la xénophobie jusqu'au racisme.

On peut aussi dire que la multiplication du voile peut entraîner une banalisation du « vêtement » et ainsi une acceptation « par l'habitude de voir » de ces immigrants qui nous sont « différents ».  Mais ce serait oublier que le voile n'est pas un vêtement, mais bien un signe religieux important et que plusieurs ont payé de leur vie pour l'avoir refusé. 

Le voile n'est pas un simple bout de tissu qui est fait de joli coloris pouvant se marier à merveille avec toutes les tenues.  Non, ce n'est pas parce que certaines portent des voiles de Christian Dior qu'il n'est plus un signe religieux ni un symbole d'asservissement de la femme.

La question du port des signes religieux pour les agents-es de l'État n'est pas un point à négliger. QS doit analyser sérieusement plusieurs aspects.  Comme le souligne Mme Sirois, il faut faire une analyse globale de la situation québécoise. Cette analyse doit s'enraciner dans le vécu concret des Québécois et doit tenir compte de la conjoncture mondiale.

Monsieur Renaud notre «secrétaire général» tente de banaliser le port de signes religieux ostentatoires.   Accorder plus d'importance aux droits individuels de certains immigrants qu'au droit collectif de l'ensemble des Québécois est, selon moi, une grave erreur.

Notre État doit être totalement neutre et laïque.

Nous devons adopter une charte de la laïcité afin de concilier le droit à la liberté de religion et de conscience avec l'obligation pour l'État et ses représentants d'être neutres.

Je partage l'opinion de Mme Sirois qui dit: «Il est urgent de mettre en place des politiques cohérentes et sérieuses d'intégration des immigrants. Il en va de la justice sociale et de la paix de nos sociétés.»

Pour Monsieur Renaud, toute réserve sur cette question du port des signes religieux par les agents-es de l'État est un signe de «xénophobie» et même de «racisme».

Je tiens à rappeler à Monsieur Renaud que je ne suis pas plus xénophobe et raciste que lui. Son sophisme est évident.

D'affirmer fermement que le port des signes religieux par les agents-es de l'État est contraire à nos valeurs disant que l'État et le religieux doivent être séparé et d'affirmer que le voile islamique est un symbole d'oppression de la femme, n'est pas du tout faire preuve de xénophobie ou de racisme. 

Je ne tolérerais pas plus une Québécoise pure laine de ma race et de mon sang qui est née et a vécu voisine de chez nous toute sa vie, de porter le voile si elle est au service des citoyens au nom de l'État québécois.

Le port des signes religieux par les employés de l'État n'a absolument rien à voir avec le racisme ou la xénophobie. Je suis contre les crucifix dans les écoles, dans les lieux publics et dans les parlements et les crucifix ont toujours été « québécois ».

Québec Solidaire dans sa décision « hâtive » et faite de façon à la limite de la démocratie devrait sérieusement ouvrir un débat sérieux dans ses rangs.  Il devrait y avoir un vote sérieux fait par tous les membres du parti. 

Ce qui m'a attiré chez Québec Solidaire, c'est que chaque membre a le même poids que le «secrétaire général» ou le-la «porte-parole». Québec solidaire doit être conforme à ses principes démocratiques. 

Monsieur Renaud doit parler en son nom et non pas au nom du parti.

Monsieur Renaud ne représente pas l'opinion de la majorité des membres de Québec Solidaire.

Un référendum interne  sur la question du port des signes religieux par les agents-es de l'État nous éclairerait tous. 

L'adoption de ce point chaud lors du congrès de novembre s'est faite avec une procédure défectueuse et un manque d'information pour alimenter un débat sérieux.

Monsieur Renaud nous livre un texte où l'émotivité prévaut.  Il laisse croire que le débat à QS est clos.  Il affirme aussi que QS a fait preuve de « courage politique ».  Monsieur Renaud fait beaucoup « d'affirmations ».

Monsieur Renaud tombe facilement dans la démagogie.  Il dit en parlant du droit de réserve des employés de l'État: «Il faut faire bien attention à ne pas pousser trop loin le droit de réserve applicable à la politique, sinon 500 000 personnes pourraient se voir interdire tout militantisme dans la politique québécoise parce que leur chèque de paye est issu du budget de l'État.»

Sa démagogie l'entraîne vers le sophisme: «Il ne faut pas confondre politique et religion. Aucune conviction politique ne demande à ses adeptes de porter un symbole ou un vêtement particulier. Interdire le port de signes religieux en invoquant une comparaison avec la politique est donc une erreur de méthode évidente.»

Non, Monsieur Renaud, il ne faut pas confondre politique et religion. Et il ne faut pas, non plus, dire que la religion n'est pas politique.

Monsieur Renaud oublie qu'on n'a jamais pu prouver d'aucune façon que dieu ou allah existe.  Pourtant, combien de lois et de pays sont gouvernés politiquement en fonction de cet être inexistant?  Faut-il rappeler le « In God We Trust » qui figure sur tous les billets et sur toutes les pièces de monnaie américaine?

Monsieur Renaud nous démontre dans son texte du Devoir de ce 6 janvier 2010 qu'il fait exactement ce qu'il accuse (faussement) Mme Sirois d'avoir fait. Il utilise des arguments fallacieux, des sophismes et il démontre un problème de méthode dans ses analyses qui tournent les coins ronds. 

Monsieur Renaud, je suis, moi aussi, membre de Québec Solidaire.

Je suis un MILITANT PACIFISTE,

Je suis ALTERMONDIALISTE. 

Et je suis ANTIRACISTE.

J'espère que vous vous en souviendrez dans vos argumentations.

Entre temps, comme disent les Présidents US «God bless you» ou encore d'autres Présidents «Allah est grand».

Il ne faut pas confondre politique et religion et il faut être conscient que la religion est aussi politique.

In god don't trust  et je ne suis pas raciste.