Charge antisyndicale de Péladeau

2010/01/26 | Par Lucie Levasseur

L’auteur est présidente du SCFP-Québec

La récente sortie intempestive de Pierre Karl Péladeau contre le mouvement syndical nous force à remettre les pendules à l’heure et à rappeler au dirigeant de Quebecor certains aspects de la réalité.

Nous connaissons bien cet employeur pour avoir négocié avec lui dans plusieurs de ses entreprises au Québec. Et il est mal placé pour donner des leçons à qui que ce soit.

Notre présence et nos interventions ont permis d’éviter plusieurs bourdes que ce «grand gestionnaire» s’apprêtait à commettre, comme dans l’échec patent de Quebecor World.

Rappelons que sans le SCFP, Vidéotron se serait départi de son centre d’appel et de ses techniciens, devenus aujourd’hui sa marque de commerce et l’un des éléments clés du succès de cette entreprise.

Partout en Amérique du Nord, le lectorat des journaux est en déclin, sauf au Journal de Québec. Pourquoi? Parce qu’au terme d’un lock-out de 16 mois, nous avons réussi à maintenir l’existence d’un journal branché sur la communauté de Québec avec des ressources locales.

Sans le SCFP, les petites annonces seraient gérées en Ontario et le Journal de Québec serait inondé de pages du Journal de Montréal. C’est nous qui avons littéralement arraché à cet employeur le maintien à Québec d’un nombre suffisant de journalistes et de photographes. Bien souvent au Québec, la protection et la création d’emplois passe par l’action des syndicats.

Qui plus est, Pierre Karl Péladeau travestit les faits et dévoile davantage ses propres obsessions qu’il ne fait un portrait lucide de la réalité. Ne lui en déplaise, aucune corrélation entre syndicalisation et faible productivité n’a jamais été établie.

Au contraire, parmi les pays ayant la plus grande productivité en termes de PIB par heure travaillée, on retrouve la Norvège. En passant, la Norvège a un taux de syndicalisation de 55 % et un taux de chômage qui, en octobre 2009, était de 3,2 %.

Le même phénomène s’observe dans les autres pays scandinaves où l’on retrouve une forte présence syndicale, une très bonne productivité et un niveau de vie élevé. En fait, c’est bien plus l’innovation technologique qui constitue le facteur déterminant pour la productivité, d’où l’importance d’investir en éducation.

En Amérique du Nord, c’est au Québec que nous retrouvons le plus haut taux de syndicalisation avec environ 40 % des travailleurs organisés, et c’est ici que l’impact de la récession est le moins grand.

Aujourd’hui, notre taux de chômage, bien qu’élevé (8,4 %), est plus faible que celui, de l’Ontario (9,3 %), du Canada (8,5 %) ou même des États-Unis (10 %). Un hasard? Sûrement pas.

Les syndicats aident à protéger les emplois et contribuent à trouver des solutions novatrices qui diffèrent des simples licenciements. Sans compter le rôle incontournable des Fonds d’investissements des travailleurs, comme celui de la FTQ, qui injectent des milliards dans le développement économique du Québec.

En terminant, rappelons à Pierre Karl Péladeau que les syndicats sont des acteurs sociaux qui font progresser notre société. Plusieurs mesures sociales qui ont fait du Québec la société la plus égalitaire en Amérique, comme l’assurance-maladie, la santé et sécurité au travail, les normes du travail, les garderies publiques ou l’équité salariale, n’auraient pas vu le jour sans l’intervention de milliers d’hommes et de femmes réunis dans le mouvement syndical.