Finances publiques et Front commun

2010/01/28 | Par Maude Messier

Les économistes-mercenaires du gouvernement Charest ont déposé leur deuxième rapport sur l’apocalypse financier qui guette le Québec. Les «initiatives concrètes» mises de l’avant par messieurs Pierre Fortin, Robert Gagné, Luc Godbout et Claude Montmarquette, membres du comité consultatif dans le cadre des consultations publiques prébudgétaires, ne sont qu’un fatras insipide de vieilles politiques remaniées au goût du jour.

Dans un premier rapport déposé le 15 décembre dernier, ces économistes faisaient état du bilan financier catastrophique du Québec, alarmant la population à l’effet que l’accroissement de la dette publique et le vieillissement de la population aurait tôt fait des beaux jours. Puisque mandaté par le ministre des Finances, M. Bachand, on ne s’étonnera pas que les conclusions prévisibles du comité s’arriment parfaitement avec le discours du gouvernement Charest en matière de finances publiques (voir «Les économistes-mercenaires frappent de nouveau»).

Dans ce deuxième rapport, plus mielleux, les auteurs envisagent de nouvelles avenues, perspectives et solutions afin de «mieux dépenser et mieux financer les services publics», sans toutefois remettre en question le «panier de services publics».

 

Favoriser l’instauration de taxes à la consommation

«Les impôts sur le revenu des particuliers et des entreprises et la taxe sur le capital sont très dommageables pour la création de richesse, car on pénalise les sources mêmes de cette création de richesse, soit le travail, l’épargne et l’investissement

Aux dires de ces économistes, les taxes à la consommation limiteraient les impacts indésirables des impôts sur les revenus, comme celui de limiter les investissements et la production de la richesse par exemple. Aussi, le contribuable pourra toujours alléger son fardeau fiscal en réduisant sa consommation. Comme si, pour certains, cela représentait véritablement un choix.

Les taxes à la consommation auraient aussi l’avantage d’améliorer l’intégrité du système d’imposition puisqu’elles sont beaucoup moins sujettes à l’évasion fiscale que les impôts sur le revenu ! Pourquoi alors ne pas proposer une mesure qui s’attaquerait à la source du problème et non pas à son symptôme ? Cette absence de volonté politique camouflée en principes fiscaux est aberrante.

 

La tarification comme mode de financement

«La tarification permet par ailleurs de favoriser les bons comportements, de la part de celui qui utilise les services comme des gouvernements qui les offrent.»

La question de la tarification des services publics a été étudiée dans le rapport Montmarquette en 2008 et largement réfutée d’ailleurs par nombre d’acteurs sociaux du Québec. Comment des économistes peuvent-ils sérieusement prétendre que les contribuables en auront plus pour leur argent s’ils doivent débourser pour un service qu’ils paient déjà en partie via leurs impôts ?

«Il existe un lien direct entre tarif et efficacité. Celui qui utilise le bien ou le service est en mesure d’évaluer correctement la valeur du bien ou du service qu’il reçoit

En quoi le fait de payer via la tarification permet-il mieux d’évaluer la valeur d’un bien ou d’un service comparativement au financement public ? Ouvrir la porte à la tarification, c’est une façon de mettre le pied dans la porte pour laisser libre cours à la privatisation. Tentera-t-on ensuite de nous expliquer que le libre marché permettrait une saine concurrence qui nous assurerait, à nous utilisateurs de ces services autrefois publics, un meilleur coût et un meilleur rendement ? Sans blague !

«La tarification peut également influencer les comportements dans la bonne direction et contribuer à mieux utiliser des infrastructures (tarifs différenciés dans le temps sur un péage routier pour réduire les engorgements et embouteillages, en incitant certains utilisateurs à modifier leurs heures de déplacement, par exemple).»

Pourquoi ne pas encourager plutôt les «bons» comportements par des incitatifs concrets ? L’occasion est pourtant si belle de miser sur la réelle innovation en matière d’efficience des transports collectifs, car il serait plutôt étonnant que les heures de travail de la grande majorité des travailleurs soient modifiées par leur employeur en raison de l’instauration d’un péage routier visant à désengorger les routes. Pourquoi faire simple quand on peut compliquer ?

 

Avantage au privé

«La présence d’un important secteur privé d’enseignement, surtout au niveau secondaire, permet au Québec de bénéficier de l’émulation existant entre les deux systèmes

Selon les économistes, la coexistence des deux systèmes permettrait une saine concurrence bénéfique à la population, forcerait les écoles à être inventives pour conserver leur clientèle, imposerait des critères de performance plus élevés dont profiteraient les élèves, etc. Doit-on en conclure que le gouvernement devrait persister à financer grassement les écoles privées et ce, à même les fonds publics, afin de stimuler le «marché de l’éducation» ?

Ce ne sont que quelques exemples de ces recommandations remaniées si souvent dans chacun des rapports des différentes commissions publiques qui se sont tenues au fil des ans. Un certain nombre de propositions sont intéressantes, mais elles sont occultées par une volonté bornée de favoriser, tantôt ouvertement tantôt à mots couverts, l’ouverture à la privatisation et à la tarification. Ce à quoi la population du Québec s’est maintes fois clairement opposée, quoi qu’en disent certains sondages tendancieux.

Ce deuxième fascicule d’une trilogie à finir n’est qu’une carte dans le jeu du gouvernement. Ne soyons pas dupes, si la question des finances publiques occupe une place aussi centrale par les temps qui courent, c’est uniquement parce qu’elle sert d’argument en faveur du gouvernement dans les négociations pour le renouvellement des conventions collectives du secteur public avec le Front commun.

Une toute petite réflexion, perdue dans ce document lourd de paraphrases, permet de conclure sobrement qu’«il faut enfin souligner que la tarification force à s’interroger sur la pertinence du service public.» Le troisième fascicule : bientôt dans un cinéma près de chez-vous !