Au royaume de la pensée unique

2010/02/08 | Par Alain Dion

« Et c'est ainsi que la pensée et la démocratie, encerclées de toutes parts par la propagande et les réformes, se trouvent prises au piège, dans les rets du néolibéralisme. »

Déréglementer, réduire la taille de l’État, privatiser, augmenter les tarifs, sabrer dans les services publics : ça vous dit quelque chose ? Au Québec, on connaît la rengaine. Depuis quelques années, il n’y a pas une seule journée qui s’écoule sans qu’un éditorialiste, un politicien, un économiste, ou même qu’un des innombrables gérants d’estrade des idées reçues, reprenne à son compte ces mantras économiques.

À écouter tous ces nouveaux évangélistes du dégraissage de l’État, le Québec frôlerait la catastrophe, l’apocalypse économique mes bien chers frères…

Mais, qu’en est-il vraiment de ce néolibéralisme régulièrement présenté comme salvateur de tous les maux de la terre ? Comment cette théorie économique a-t-elle réussie à s’installer à demeure dans l’opinion publique et s’imposer semble-t-il comme l’unique voie à emprunter ? Et ce, malgré les inégalités sociales qu’elle engendre, l’enrichissement de certains au détriment des autres, malgré la perte des solidarités au profit de l’individualisme, malgré les dérapages écologiques.

La question est complexe, les réponses multiples. C’est pourtant à ce vaste projet auquel s’est attaqué pendant plus de dix ans le cinéaste québécois, Richard Brouillette. Et le résultat est remarquable. L’encerclement, la démocratie dans les rets du néolibéralisme est un film à l’argumentaire solide, clair et limpide, malgré la complexité du sujet et l’ampleur des enjeux.

En un peu plus de 2 h 30, le réalisateur retrace les origines du néolibéralisme, identifie ses différents réseaux de propagandes, et met en lumière les impacts sur nos vies d’une telle philosophie économique.

À travers les réflexions de certains défenseurs du libre marché et de la limitation du rôle de l’État, mais surtout à partir des analyses de plusieurs intellectuels de renom, dont Noam Chomsky, Ignacio Ramonet, Normand Baillargeon — qui explique magistralement comment l’école est asservie à cette idéologie dominatrice — , Omar Aktouf et plusieurs autres, ce documentaire trace un portrait saisissant et parfois assez effrayant de l’idéologie néolibérale.

Malgré une facture esthétique minimaliste, sans narration, où les témoignages — de très belles entrevues en noir et blanc — se succèdent à l’écran entrecoupés d’intertitres qui complètent et relancent les échanges ou soulignent particulièrement des éléments chers au réalisateur, ce film explique patiemment et surtout jugule à leurs sources les soi-disant vertus du néolibéralisme dans un langage simple et accessible à toutes et à tous.

Un véritable tour de force. À voir absolument !

L’encerclement, la démocratie dans les rets du néo-libéralisme, Richard Brouillette, Les films du passeur, 2009