Lettre ouverte à Lucien Bouchard

2010/02/23 | Par Juan Jose Fernandez

Monsieur Bouchard, je suis un immigrant d ’origine chilienne arrivé il y a 30 ans au Québec. Dès mon arrivée, je me suis solidarisé rapidement avec la cause de votre peuple : la souveraineté du Québec. Cause noble et juste qui, avec le temps, est devenue aussi la mienne.

Pendant 30 ans, j ’ai travaillé avec passion et conviction pour le Québec et cela jusqu’à aujourd’hui.

Malgré les deux défaites référendaires, jamais je n’ai envisagé la possibilité de mettre à l’écart mes idées souverainistes. Plus que jamais, je suis convaincu que l ’émancipation nationale passe pour la souveraineté de notre pays.

Que l ’accession à l ’indépendance soit plus longue que prévue, j’en conviens. Même si les obstacles sont nombreux et, parfois, nous semblent infranchissables, j’ai la profonde conviction, que plus tard que jamais… la derniere colonie de l ’Amérique rejoindra, un jour, le concert de nations indépendantes. On ne peut pas arrêter la marche d’une nation vers son avenir, l’histoire est là pour nous le rappeler.

D’autre part, la perception de la souveraineté comme quelque chose d’utopique et rétrograde, vue comme telle de la part de quelques hommes politiques est à mon avis une erreur. Si non comme comprendre que depuis 20 ans existent plus de 40 nouveaux pays indépendants, dans presque toutes les latitudes de la terre.

Au Québec, malgré le confort et l ’indifférence de plusieurs, avec la persévérance et la solidarité de tous ceux et celles que croient à la souveraineté, nous ferons un jour notre rêve devienne réalité.

Monsieur Bouchard, jamais je n’oublierai votre éloquence et votre passion; pour nous faire rêver d’un pays, comme le jour où j’ai assisté à la manifestation publique, au centre Saint- Pierre en pleine campagne référendaire.

Dans cette salle comble, je vous admirais, pas seulement à cause de votre charisme en tant qu’homme politique dévoué à la cause du Québec, non! C’était plus que cela. À ce moment, vous symbolisiez le rêve de plusieurs générations de Québécois. Papineau, Bourgault, Lévesque et tant d’autres qui ont lutté avec passion pour leur peuple.

En cette journée mémorable, vous avez dit; « Malgré le vent de droite qui vient du sud, lequel essaye de balayer toutes nos conquêtes collectives, nous allons être un rempart en construisant un pays libre et démocratique. »

Quelle déception de vous entendre, aujourd’hui dire que la souveraineté n’est plus réalisable. Je constate que le vent auquel vous faisiez jadis référence a été plus fort que ce qu ’on avait imaginé. Il a fini par balayer vos convictions les plus profondes.

Je suis triste et surtout consterné de voir que vous intervenez publiquement maintenant. Juste au moment, où toutes les Québécois de toutes allégeances politiques confondues dénoncent l’affront qu’a eu la nation québécoise, lors des cérémonies d ’ouverture des Jeux Olympiques. Vous ne trouvez rien de mieux à dire que la souveraineté est inatteignable. Franchement, difficile de vous comprendre.

De plus, vous accusez de radicalisme envers les immigrants, votre ancien parti. Là, vous allez un peu trop loin. Ce n’est pas du radicalisme xénophobe de défendre les valeurs communes de tous les Québécois.

Un Québec où les femmes et les hommes ont les même droits, un Québec qui encourage les rapprochements de différentes cultures par la rencontre et la participation des différentes communautés à la société québécoise : l’interculturalisme. Une société où les pouvoirs politiques et religieux sont séparés. Une société où parler français est une nécessité. Plus qu’une langue de communication, le français est une composante à part entière de l ’identité québécoise.

Société où les enfants des personnes immigrantes, tout comme ceux de la majorité francophone doivent normalement fréquenter l ’école française.

Si vous trouvez cela radical, vous êtes définitivement déconnecté de la réalité du Québec contemporain. Je travaille, comme intervenant social dans l'accueil et l ’intégration des nouveaux arrivants et la majorité des immigrants que nous rencontrons, ne veulent pas d’intégrisme religieux.

Beaucoup d’entre eux sont déçus de trouver ici des groupuscules intégristes qui avec la complicité et l’ambiguïté de décideurs politiques, font la promotion de valeurs, qui ne sont pas représentatives de leur communauté ni de celle de la majorité des Québécois.

Quant je vous entends maintenant, je préfère citer Jacques Brel « Les hommes sont malheureux parce qu ’ils ne réalisent pas les rêves qu ’ils ont ».

L’auteur est travailleur communautaire auprès d’immigrants.