La Dernière Fugue de Léa Pool

2010/02/26 | Par Ginette Leroux

Après avoir traité de la vulnérabilité de l’enfance dans Maman est chez le coiffeur, Léa Pool aborde, dans son nouveau film La dernière fugue, la déroutante complexité de la dernière phase de la vie, la vieillesse, la maladie et la mort.

Dès les premières images, on entre chez les Lévesque, dans leur maison confortable où sont réunis autour du couple âgé, leurs cinq enfants, tous adultes, et leurs six petits-enfants. Tout le monde est là pour réveillonner. C’est Noël.

Anatole Lévesque s’empiffre, s’étouffe et recrache sa nourriture sous le regard désapprobateur de ses enfants. La mère, patiente, tente de raisonner son mari. Mais, le vieil homme sévèrement atteint de Parkinson, une maladie dégénérative hautement incapacitante, bougonne et s’entête. Ne serait-il pas mieux de le placer en résidence s’interrogent certains, craignant l’épuisement de leur mère.

La solution naît du rapprochement entre Sam et son oncle André, l’aîné de la famille. L’adolescent avait perçu l’impuissance de son grand-père devant la maladie qui gagne irrémédiablement du terrain. « Grand-papa veut mourir », conclut-il. Avec la complicité de la grand-mère, ils mettent en branle une série d’actions qui permettront au vieil homme de terminer ses jours avec dignité.

La justesse de jeu de nos deux grands routiers de la scène québécoise que sont Andrée Lachapelle (la grand-mère) et Jacques Godin (le grand-père) marque le film. Il faut aussi saluer le travail tout en nuances d’Yves Jacques.

La performance d’Aliocha Schneider (Sam) est remarquable. Ce comédien de 17 ans qui a grandi sous les feux de la rampe aligne doublage, courts métrages et théâtre. Le cinéma lui ouvre ses portes en 2008 quand Léa Pool fait appel à lui pour le rôle de Jean dans Maman est chez le coiffeur.

Réalisé en coproduction avec le Luxembourg, le film est une adaptation du roman Une belle mort de Gil Courtemanche publié qui a participé à l’écriture du scénario avec Léa Pool. Écrit à quatre mains, celui-ci manque parfois de ressort. Par exemple, au cours des échanges autour de la table, le spectateur peine à suivre les répliques entre les membres de la famille. Peut-être qu’est en cause le choix fait par la réalisatrice de donner libre cours à l’improvisation des comédiens durant ces scènes? Il est malheureux de constater que ce procédé dessert le film.

À l’heure où, dans la société québécoise, s’amorce un débat sur l’euthanasie et le choix du malade de mourir dignement au moment où il en aura décidé, le film pose en clair son corollaire l’acharnement thérapeutique toujours soutenu par la pratique médicale actuelle. Il montre également, en filigrane, la tâche lourde et culpabilisante des aidants naturels laissés sans ressources.

Trop souvent aussi les enfants restent sourds aux appels de détresse des parents. « Les enfants pensent toujours qu’on veut les quitter, jamais qu’on veut partir », lance la mère lorsqu’elle annonce à ses enfants qu’elle suivra son mari jusqu’au bout. Une réplique qui résume avec force le fossé d’angoisses et d’incertitudes qui sépare les proches au moment des décisions déchirantes.

La dernière fugue est un film bouleversant. Difficile de retenir ses larmes lorsqu’on sait que la mort est inévitable. La scène finale laisse perplexe. Pourquoi la mère hésite-t-elle au dernier moment? Par manque de courage ou craint-elle de décevoir ses enfants en ne tenant pas sa promesse?

Préparez vos mouchoirs!

La dernière fugue, un film de Léa Pool en salles le 26 février 2010.