Éloge de la richesse

2010/03/03 | Par Léo-Paul Lauzon

Je ne comprends pas. D’abord les faits. Business Week affirme qu’un dirigeant des 500 premières entreprises américaines gagne en trois heures ce qu’un travailleur au salaire minimum encaisse en une année complète.

Toujours aux States, 90 % de la population gagne aujourd’hui moins qu’en 1973, alors que les 10 % d’Américains les plus riches ont vu leurs revenus exploser. Aujourd’hui, 1 % des Américains les plus fortunés détiennent 23 % de la richesse nationale contre 10 % en 1980. Et les 300 000 Américains les plus riches gagnent annuellement autant d’argent que les 150 000 millions de leurs concitoyens au bas de l’échelle des revenus.

Au Canada, c’est exactement pareil selon Statistique Canada. Peu de riches mais très riches et beaucoup de pauvres très pauvres. Ça s’appelle la concentration de la richesse.

D’un côté, il y a Pauline Marois et le lucide Joseph Facal, tous deux du PQ et le «réputé» chroniqueur Alain Dubuc de La Presse, que Bernard Landry aime bien, qui font constamment l’éloge de la richesse et des riches et qui nous préviennent souvent de ne pas être envieux et jaloux de nos bienfaiteurs.

Le PQ se dit à gauche, pardon social-démocrate, malgré qu’ils aient embauché dans le passé trois conseillers de l’Institut économique de Montréal, un organisme patronal, dont l’ex-ministre conservateur Maxime «Jos Louis» Bernier.

À gauche peut-être, mais ça n’empêche nullement Madame Marois de militer pour des salaires supérieurs aux gestionnaires de sociétés d’État et d’institutions publiques afin de les aligner à l’étalon mesure du privé.

Tout de même, faut être équitable. Son conjoint, Claude Blanchet, a justement dirigé une société d’État, la SGF, qui, même avec son salaire «dérisoire» de commis d’État leur ont permis d’acquérir un château.

Madame Marois se bat «courageusement» pour des salaires plus élevés pour les boss mais Le Devoir du 28 janvier 2010 titrait : «Négociations avec les employés de l’État. Les syndiqués sont trop gourmands, selon Pauline Marois».

Là, ce n’est pas pareil, ce sont juste des employés ordinaires qui enseignent à nos enfants et qui prennent soin des malades et des personnes âgées.

Oh, oh, que vois-je dans le Journal de Montréal du 29 avril 1999 un article titré «Bouchard : les syndicats sont trop gourmands». C’est bien les propos de notre Lulu, dit le lucide, qui était alors premier ministre péquiste du Québec.

Plus ça change, plus c’est pareil. Madame Marois qui a déjà accusé Bernard Landry de lui voler ses idées. Je trouve que ses idées ressemblent pas mal à celles de notre Lucien national. Toujours par rapport à Lulu, il avait aussi recommandé aux municipalités du Québec, tel que rapporté dans La Presse du 25 novembre 2000 : «Plus de fermeté avec les syndicats». Les syndicats ordinaires s’entend, par les syndicats des médecins et des juges.

Alain Dubuc, dans son éditorial du 10 janvier 2007 paru dans La Presse nous disait que ceux qui s’indignaient de la richesse et des gros salaires, qui sont un faux problème selon lui, faisaient preuve d’une idéologie anticapitaliste primaire.

Vous m’en direz tant. Monsieur Dubuc voit des faux problèmes partout quand vient le temps de défendre «bravement» les vaches sacrées du gratin. La rareté et les talents uniques ça se paie et la société y gagne puisqu’ils créent de la richesse supposément pour tous qu’a dit le sublime chroniqueur de La Presse.

Quoi d’autre? Dans la revue Commerce, le professeur «agrégé» des HEC, Martin Boyer a dit, le plus sérieusement du monde : «L’appât du gain n’est pas le problème. Il est à la base de l’économie de marché. Le système fonctionne (sic) parce que les gens veulent s’enrichir». Je dirais même que l’appât du gain est la solution!

Et, il y a les lucides, oui, encore d’autres, professeurs «émérites» de l’Université de Montréal, Marcel Boyer et Claude Montmarquette (dont les services ont récemment été retenus par Jean Charest) qui, dans La Presse du 31 mars 2009 mentionnait : «La compétence, ça se paie. L’excellence et la haute performance coûtent cher parce qu’elles ont une grande valeur».

Ils ont déballé ont déballé ces énormités sans rire. La crise financière aidant, j’ajouterais que l’incompétence aussi ça se paie… avec de somptueux fonds publics.

Enfin, il y a Gaétan Barrette, le président de la Fédération des médecins spécialistes qui a dit, au mois de février 2010, pour justifier les salaires exorbitants à 300 000$ et plus par année de ses membres et leurs grosses demandes d’augmentation : «L’expertise a un prix». Faut pas être chiches avec nos pontifes.

Puis, de l’autre côté, il y a le Pape, qui devant les membres du Cirque du Soleil, a dénoncé vivement la richesse, même le très conservateur George W. Bush des States qui a dénoncé, les émoluments astronomiques des PDG et a lui-même reconnu une aggravation des iniquités salariales depuis plus de 25 ans et, enfin, Obama qui a qualifié de «honteux les salaires de Wall Street», disant même que «c’était le sommet de l’irresponsabilité».

Ajoutons à cette liste le président français Nicolas Sarkozy, qu’on ne peut taxer d’être marxiste, qui a dit en avoir ras le bol du système «qui marche sur la tête et qui veut réguler la distribution des profits. Un tiers aux actionnaires, un tiers à tous les salariés et un tiers à l’investissement», que rapportait La Presse du 10 février 2009.

Dans Les Affaires, il y a aussi le gestionnaire de fonds, Stephen Jarislowsky, qui «juge sévèrement la cupidité de certains dirigeants». Monsieur Dubuc, ces gens-là, de Bush à Sarkozy, feraient-ils preuve d’un anticapitalisme primaire?

Afin d’atténuer un peu ces scandaleuses inégalités, Obama veut augmenter aux États-unis les impôts des riches à 45% : «Obama commence à démanteler l’héritage fiscal de Bush (Le Devoir, 12 mai 2009) alors qu’au contraire ici le Conseil du patronat a répété qu’il fallait «aider les mieux nantis» en réduisant leurs impôts, et Bernard Landry, qui en 1996 disait : «Faire payer les riches, je n’y crois pas». Celui qui, la même année, affirmait : «Imposer l’aide sociale : une mesure équitable selon Landry». Allô social-démocrate comme il aime tant se décrire. À moins qu’il soit de la gauche «efficace» prônée par son ami Jean-François Lizée.

C’est le monde à l’envers. Les lucides et les gauchistes autoproclamés d’ici qui sont pour les pachas et les conservateurs de droite d’ailleurs qui dénoncent les Crésus et veulent les réglementer et les taxer davantage.

Ils ne favorisent pas des mesures régressives comme la tarification de services publics et la hausse des taxes à la consommation pour contrer supposément «l’illusion de la gratuité» contrairement à nos fantastiques bouffons de service qui en font une fixation intéressée et suspecte.

Ailleurs, et même aux États-Unis, on opte plutôt une fiscalité progressive fondée sur l’augmentation de l’impôt sur le revenu des riches et des compagnies. Peut-être que l’on s’en fait pour rien et que le marché, avec ses douces lois naturelles et sa divine main invisible, va arranger équitablement les choses qu’a dit candidement en 1996 (La Presse, 15 janvier 1996) l’ancien président du Conseil du patronat du Québec : «La distorsion entre riches et pauvres est en voie de se résorber, dit Ghislain Dufour».

Sauf qu’il y a un hic à sa patente. Loin de se résorber, l’écart entre les riches et les pauvres s’est depuis amplifié dramatiquement que nous dit Statistique Canada et même l’organisme de recherche patronal du Conference Board.

À moins que l’on croit les sornettes du professeur en économie de l’Université de Montréal, Marcel Boyer, qui est aussi économiste en chef de l’Institut économique de Montréal, un organisme patronal d’extrême-droite, qui a déballé dans son opinion parue dans La Presse du 7 janvier 2008, les énormités suivantes : «Des inégalités temporaires : Dans une phase de création accélérée de richesse (sic) la distribution devient temporairement plus inégalitaire avant de redevenir plus égalitaire».

Faut juste rêvez en couleurs et être très patient. Marcel Boyer est un mélange de Jojo Savard, du docteur Pierre Mailloux et du psychanalyste français Clotaire Rapaille dont les services ont été récemment retenus à 300 000$ par le maire Régis Lebeaume afin de découvrir l’essence de la ville de Québec : «Un psychanalyste sonde l’inconscient de Québec» (La Presse, 4 février 2010).

En passant, comme Hélène Desmarais de Power Corp. est aussi la présidente de l’Institut économique de Montréal, ça fait que La Presse publie toujours toutes les opinions, positions, études, conférences de presse, etc. du dit organisme de «recherche».

Ça fait partie de l’éthique, du professionnalisme et de la rigueur de ce journal qui n’est plus un organe d’information mais bien de désinformation et pas un instrument de conscientisation mais plutôt d’aliénation.

Si Jean-François Lizée a conçu un modèle fondé sur la «gauche efficace», Marcel Boyer, économiste principal à l’Institut économique de Montréal, professeur «émérite» à l’Université de Montréal et aussi, j’allais l’oublier, «fellow» du Cirano, un autre organisme de recherche patronal, a quant à lui, pour ne pas être en reste, élaboré un manifeste, rien de moins, sur la «social-démocratie concurrentielle» publié en partie dans Le Devoir du 8 septembre 2009.

Tous des faiseux de droite qui essaient de dissimuler «niaiseusement» leur véritable nature en se gargarisant de mots et de termes pompeux.

Dans leurs cas, pas besoin de faire comme la ville de Québec et embaucher le psychanalyste français Clotaire Rapaille pour connaître leur «essence véritable». Messieurs, votre jupon dépasse et de beaucoup en plus de ça.