L’IREC réplique aux fascicules des économistes mercenaires

2010/03/03 | Par L’aut’journal 

Un rapport de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) intitulé Il faut voir les choses autrement est maintenant disponible. Il contient une analyse des principales propositions faites au ministre des Finances, Raymond Bachand par le Comité consultatif sur l’économie et les finances publiques.

Voici ce qu’a déclaré Robert Laplante, directeur de l’IRÉC, lors du lancement: «Le ministre avait «demandé aux membres du comité d’aller au fond des choses et de travailler sur les faits», ce que le rapport ne fait pas, ignorant des acquis de connaissance de la plus haute importance. Le comité propose un pacte basé sur une lecture tronquée, ignorante des connaissances, mais satisfaite des fétiches idéologiques dans lesquels on veut la voir tenir. Ses préoccupations pour le relèvement de la productivité et l’amélioration de la qualité des services ne sont au service d’aucune vision renouvelée de ce que pourrait être l’État social du XXIe siècle. L’occasion est ratée».

Portrait imparfait de l’état de nos finances publiques

Un des auteurs de l’ouvrage, l’économiste Pierre Gouin, a constaté les contradictions dans le discours officiel: le ministre affirme que les finances publiques sont aux prises avec un déficit structurel alors que les données officielles indiquent un budget à peu près équilibré au cours des quatre années précédant la crise. «La dette gonfle et le budget est équilibré, a-t-il poursuivi. Où est l’erreur? En fait, l’information est imparfaite. Il est inacceptable que l’on doive discuter de mesures à prendre, et par la suite se résigner à des solutions drastiques, sans avoir un portrait clair de l’ampleur et des causes du problème. Il faut qu’une commission d’experts indépendants réalise une analyse détaillée de l’état de nos finances publiques».

«L’évaluation globale de la situation, a ajouté Robert Laplante, ne souffre pas seulement des débats de méthodes de calcul et des guerres de chiffres. La situation des dépenses ne peut s’évaluer correctement si l’on ne peut en situer la pertinence par rapport à celles du gouvernement fédéral où sont dirigés plus de la moitié de nos impôts. Les dépenses de santé et d’éducation sont-elles plus importantes que les dépenses pour la guerre? Est-il raisonnable de songer à comprimer là d’abord?»

Un exemple d’écart colossal entre les propositions du ministre et les données scientifiques

Les carences du rapport du comité sont particulièrement évidentes dans la façon dont sont abordés les problèmes et défis du secteur de la santé. Selon le chercheur Paul Lamarche, «Une revue de 24 études récentes, réalisées dans plusieurs pays de l’OCDE entre 1997 à 2007 différencie trois types d’organisation: privées à but lucratif, privées sans but lucratif et publiques. Elle évalue leur performance relative quant à l’efficacité (état de santé des patients), l’accessibilité, la globalité et la qualité (conformité aux normes professionnelles) des services offerts, la satisfaction des patients et du personnel ainsi que les coûts des services et la rentabilité financière (différence entre les frais facturés et les coûts des services). Les organisations privées à but lucratif sont celles qui performent le moins sur chacun de ces effets à l’exception de la rentabilité financière. Cette dernière repose sur des frais plus élevés facturés aux patients ou aux assurances». Pourtant, les membres du Comité consultatif réitèrent leur foi dans la concurrence du privé dans ce secteur!

Portrait inadéquat des enjeux

Le portrait des enjeux est tout aussi inadéquat dans le secteur de l’éducation. «La concurrence du privé, a expliqué le directeur de l’institut, est d’ores et déjà en train de transformer le secteur public en voie de relégation. La vision du comité ouvre la porte à une école à deux vitesses.» L’étude de Pierre-David Desjardins, Claude Lessard et Jean-Guy Blais dresse un portrait empirique inquiétant de la concurrence du secteur privé sur l’école publique québécoise.

Le parti pris pour la tarification qui a des effets délétères sur l’accès aux soins de santé reste aussi tendancieux lorsqu’il est question de l’augmentation des tarifs d’électricité sous le seul prétexte de leur rajustement au marché. Ce débat « passe à côté de l’essentiel. Ce n’est pas tant du côté de la tarification résidentielle que s’ouvre l’espace des solutions structurantes que du côté des tarifs industriels. La question de la tarification de l’électricité se pose d’abord et avant tout dans une problématique de développement, dans une logique d’investissement », a souligné Robert Laplante ajoutant sa voix à celle de Gabriel Sainte-Marie pour qui l’évaluation de la tarification doit se situer dans le cadre d’une évaluation du contexte fiscal global des familles.

Un changement de paradigme

Robert Laplante a conclu en affirmant que «ce n’est pas d’une révolution culturelle dont le Québec a besoin, mais bien d’un changement de paradigme. La crise n’a pas été provoquée par l’explosion des dépenses publiques, mais bien par un secteur privé trop dérèglementé. Il faut mettre à contribution ceux à qui la crise a profité: les pétrolières et les institutions financières. Il faut revoir la fiscalité et introduire un quatrième palier d’imposition».

Le rapport Il faut voir les choses autrement contient des études de neuf chercheurs: Jean-Guy Blais, Gilles L. Bourque, Pierre-David Desjardins, Pierre Gouin, Pierre J. Hamel, Paul Lamarche, Robert Laplante, Claude Lessard et Gabriel Ste-Marie. Elles portent sur les finances publiques, la démographie, la santé, l’éducation, l’énergie et le budget. Un texte de présentation signé par Robert Laplante dresse un portrait d’ensemble de l’ouvrage.

Consultez le rapport Il faut voir les choses autrement.