Aide d'urgence à Haïti

2010/03/30 | Par Michel Chossudovsky

Haïti a une longue histoire d’interventions militaires et d’occupation étatsuniennes qui remonte au début du 20e siècle. L’interventionnisme des États-Unis a contribué à la destruction de l’économie nationale d’Haïti et à l’appauvrissement de sa population.

Le tremblement de terre dévastateur est présenté à l’opinion publique mondiale comme la seule cause de sa situation difficile.

Un pays a été détruit, ses infrastructures démolies. Son peuple a été précipité dans une pauvreté et un désespoir épouvantables.

L’histoire d’Haïti, son passé colonial, a été effacée.

L’armée étatsunienne est allée secourir une nation appauvrie. Quel est son mandat?

S’agit-il d’une opération humanitaire ou d’une invasion?


Les principaux acteurs de « l’opération humanitaire » étatsunienne sont le département de la Défense (DoD), le département d’État et l'Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development ou USAID). (Voir USAID Speeches: On-The-Record Briefing on the Situation in Haiti, 01/13/10). On a également confié à USAID l’acheminement de l’aide alimentaire distribuée par le Programme alimentaire mondial. (Voir USAID Press Release: USAID to Provide Emergency Food Aid for Haiti Earthquake Victims, 13 janvier 2010)

La composante militaire de la mission étatsunienne tend toutefois à éclipser les fonctions civiles dédiées à secourir une population appauvrie et désespérée. L’opération humanitaire générale n’est pas menée par des agences gouvernementales civiles comme FEMA ou USAID, mais par le Pentagone.

Le rôle décisionnel dominant a été confié a l’US Southern Command (SOUTHCOM).

Un déploiement massif de matériel et de personnel militaires est à l’étude. Le chef d’état-major des armées des États-Unis, l’amiral Mike Mullen, a confirmé que les États-Unis enverront de neuf à dix mille troupes à Haïti incluant 2000 marines. (American Forces Press Service, 14 janvier 2010)

Le porte-avion USS Carl Vinson et son complément de navires auxiliaires sont déjà arrivés à Port-au-Prince (15 janvier 2010). Les 2000 membres de la Marine Amphibious Unit, ainsi que les soldats de la 82e division aéroportée de l’Armée étatsunienne « sont formés pour une grande variété de missions, incluant des tâches reliées à la sécurité et à la lutte antiémeute, en plus des tâches humanitaires. »

Contrairement aux équipes d’aide et de secours dépêchées par diverses organisations civiles, le mandat humanitaire de l’armée étatsunienne n’est pas clairement défini :

« Certes, les Marines sont avant tout des guerriers et c’est ce pourquoi les Marines sont connus dans le monde, [… mais] nous faisons également preuve de compassion lorsque cela est nécessaire et c’est un rôle que nous aimerions montrer : ce guerrier compatissant, apportant de l’assistance à ceux qui en ont besoin. Nous sommes très enthousiasmés par cette mission. » (Porte-parole des Marines, Marines Embark on Haiti Response Mission, Army Forces Press Services, 14 janvier 2010)

Lorsque les présidents Obama et Préval se sont parlé au téléphone, il n’y avait aucun reportage sur des négociations entre les deux gouvernements concernant l’entrée et le déploiement de troupes étatsuniennes en sol haïtien. La décision a été prise et imposée unilatéralement par Washington. L’absence totale d’un gouvernement fonctionnel en Haïti a été utilisée pour légitimer, sur une base humanitaire, l’envoi d’une puissante force militaire, laquelle a de facto pris le contrôle de plusieurs fonctions gouvernementales.

 

TABLEAU 1

Matériel militaire étatsunien devant être envoyé à Haïti (selon les annonces officielles)

Navire d’assaut amphibie USS Bataan (LHD 5) et navires héli-plates-formes amphibiens USS Fort McHenry (LSD 43) et USS Carter Hall (LSD 50).

Une Marine Amphibious Unit de 2000 membres du 22e Marine Expeditionary Unit et des soldats de la 82e division aéroportée de l’Armée étatsunienne. On prévoit l’arrivée de 900 soldats à Haïti d’ici le 15 janvier.

Le porte-avion USS Carl Vinson et son complément de navires auxiliaires. (Arrivés à Port-au-Prince le 15 janvier 2010) : USS Carl Vinson CVN 70

Le navire-hôpital USNS Comfort

Plusieurs vaisseaux et hélicoptères du Corps des garde-côtes des États-Unis

USS Carl Vinson

Les trois navires amphibiens rejoindrons le porte-avion USS Carl Vinson, le croiseur lance-missiles USS Normandy et la frégate lance-missile USS Underwood.

(fin du tableau 1)

 

Rôle dominant de l’US Southern Command

Le US Southern Command (SOUTHCOM), dont le quartier général est à Miami, est « l’agence principale » en Haïti. Son mandat en tant que commandement militaire régional est de mener une guerre moderne. Son mandat avoué en Amérique latine et dans les Caraïbes consiste « à mener des opérations militaires et à promouvoir la coopération en matière de sécurité afin d’atteindre les objectifs stratégiques des États-Unis » (Our Mission - U.S. Southern Command (USSOUTHCOM). Les commandants sont formés pour superviser les opérations de théâtre, agir à titre de police militaire, ainsi que pour affronter une « contre-insurrection » en Amérique latine et dans les Caraïbes. Cela s’ajoute à l’établissement récent de nouvelles bases militaires en Colombie, à proximité de la frontière vénézuélienne.

Le général Douglas Fraser, commandant de l’U.S. Southern Command, a décrit l’opération d’urgence en Haïti comme une opération de commandement, de contrôle et de communications (C3). L’US Southern Command doit superviser un déploiement massif d’équipement militaire, incluant plusieurs navires de guerre, un porte-avion, des divisions de combat aéroportées, etc :

« Donc nous nous concentrons sur l’acquisition du commandement, du contrôle et des communications là-bas, afin de vraiment mieux comprendre de ce qui se passe. Puisque son quartier général s’est partiellement écroulé, la MINUSTAH [Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti] a perdu une grande partie de ses moyens de communication, donc nous comptons également renforcer la communication. »

Nous envoyons par ailleurs des équipes d’évaluation conjointement avec USAID ainsi que certains d’entre nous pour les appuyer.

Nous déployons dans cette direction divers navires que nous avions dans la région – ce sont de petits navires, des canots de la Garde côtière, des destroyers – afin de fournir toute l’assistance immédiate possible sur le terrain.

Nous avons également un porte-avion de la Marine étatsunienne en route, l’USS Carl Vinson. Il était en mer au large de Norfolk, alors cela prendra quelques jours avant qu’il arrive là-bas. Nous devons aussi le réapprovisionner et lui donner les provisions dont il a besoin pour appuyer les efforts en Haïti. Puis nous examinons les agences internationales pour comprendre comment nous pouvons soutenir leurs efforts ainsi que les nôtres.

Nous envisageons également l’envoi d’un navire amphibien à grand pont d’envol, avec à son bord une unité du corps expéditionnaire des marines (Marine Expeditionary Unit), qui arrivera quelques jours après l’USS Vinson.

Avoir une capacité de transport nous offre par ailleurs davantage de moyens pour la distribution de l’approvisionnement afin de soutenir les efforts là-bas.

Donc essentiellement, nous n’avons pas pour le moment d’évaluation claire de la situation sur le terrain, des besoins à Port-au-Prince, de l’ampleur de la situation.

Enfin, nous avons aussi une équipe qui se dirige vers l’aéroport. Lorsque cet événement s’est produit, mon commandant adjoint se trouvait à Haïti dans le cadre d’une visite qui avait été prévue auparavant. Il est allé à l’aéroport. Selon ce que je comprends, il affirme que la piste d’atterrissage est fonctionnelle, mais la tour n’a pas de capacité de communication. Le terminal de passagers a subit des dommages structurels, donc nous ne savons pas dans quel état il est.

Nous avons donc un groupe qui s’y rendra pour s’assurer que nous pouvons obtenir le terrain d’aviation, le sécuriser et opérer à partir de là, puisque nous croyons qu’il s’agit d’un des endroits où entrerons beaucoup de secours immédiats internationaux.

Puis nous effectuons toutes les autres estimations considérées comme appropriées au moment où nous entrons à Haïti et travaillons sur cet effort.

Nous effectuons également la coordination avec la MINUSTAH et les gens qui de trouvent là-bas. Le commandant de la MINUSTAH était à Miami lorsque l’événement s’est produit, il est donc actuellement en route vers Haïti et devrait arriver à Port-au-Prince d’une minute à l’autre. Cela nous aidera à coordonner nos efforts, car, je le répète, les Nations Unies ont évidemment subit des pertes significatives avec l’écroulement de leur quartier général, du moins d’une partie de celui-ci.

Donc voilà l’effort, les efforts initiaux que nous avons mis en branle. Et au fur et à mesure que nous recevons les évaluations relativement à ce qui s’en vient, nous ferons des ajustements en conséquence. 

Le secrétaire à la Défense et le président ont précisé qu’il s’agit d’un effort significatif et nous réunissons toutes les ressources au sein du département de la Défense afin de soutenir cet effort. » (Transcription de la Défense : DOD News Briefing with Gen. Fraser from the Pentagon, 13 janvier 2010)

Un rapport de Heritage Foundation résume l’essence de la mission des États-Unis en Haïti : « Le tremblement de terre a des implications à la fois humanitaire et au niveau de la sécurité nationale étatsunienne [nécessitant] une réponse rapide non seulement audacieuse mais également décisive, qui mobilise l’armée, les compétences civiles et le gouvernement étatsuniens pour l’aide humanitaire à court terme ainsi qu’un programme de restauration et de réforme à plus long terme en Haïti. » (James M. Roberts et Ray Walser, American Leadership Necessary to Assist Haiti After Devastating Earthquake, Heritage Foundation, 14 janvier 2010).

Au début, la mission militaire participera aux premiers soins et aux secours d’urgence, ainsi qu’aux opérations policières et à la sécurité publique.

 

L’Armée de l’air étatsunienne contrôle l’aéroport


L’Armée de l’air étatsunienne a pris le contrôle des fonctions du trafic aérien et de la gestion de l’aéroport de Port-au-Prince. En d’autres termes, l’armée des États-Unis régule la circulation de l’aide d’urgence et des secours envoyés au pays à bord d’avions civils. L’Armée de l’air ne travaille pas sous les instructions des responsables de l’aéroport haïtien. Ces derniers ont été déclassés. L’aéroport est dirigé par l’Armée étatsunienne. (Entrevue avec l’ambassadeur haïtien au États-Unis R. Joseph, PBS News, 15 janvier 2010)

« L’équipe de la FAA travaille avec les contrôleurs de combat du DoD afin d’améliorer le trafic aérien, les entrées et les sorties de l’aéroport. L’Armée de l’air étatsunienne a rouvert l’aéroport le 14 janvier et le 15 janvier on a confié à son groupe d’intervention d’urgence l’autorité supérieure du terrain d’aviation […] Celle-ci permet à l’Armée de l’air de prioriser, prévoir et contrôler l’espace aérien à l’aéroport […] » (flightglobal.com, 16 janvier 2010, c’est l’auteur qui souligne) 

Le navire-hôpital de 1000 lits de la Marine, le USNS Comfort, lequel comprend plus de 1000 employés, du personnel médical et des employés de soutien, a été envoyé à Haïti sous la juridiction du Southern Command (Voir  Navy hospital ship with 1,000 beds readies for Haiti quake relief, Digital Journal, 14 janvier 2010). Lors du tremblement de terre, il y avait 7100 personnels militaires et plus de 2000 policiers, à savoir une force étrangère de plus de 9000 membres. En revanche, le personnel civil international de la MINUSTAH comprend moins de 500 membres. MINUSTAH Faits et chiffres – Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti

 

TABLEAU 2 

Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH)

Force actuelle (30 novembre 2009)
9065 personnels en uniforme au total

7031 troupes
2034 policiers 488 personnels civils internationaux 
1,212 personnels civils locaux 
214 volontaires de Nations Unies 

MINUSTAH Facts and Figures - United Nations Stabilization Mission in Haiti

Forces combinées de SOUTHCOM et de la MINUSTAH : approximativement 19,095*

*Excluant les engagements de la France (non confirmés) et du Canada (800 troupes confirmées). Les États-Unis, la France et le Canada étaient des « partenaires » dans le coup d’État le 29 février 2004.

(fin du tableau 2)

 

Haïti est sous occupation militaire depuis que les États-Unis ont fomenté le coup d’État de 2004. Le contingent des forces étatsuniennes sous le commandement de SOUTHCOM combiné à celles de la MINUSTAH porte la présence militaire en Haïti à près de 20 000 troupes dans un pays de 9 millions d’habitants. En comparaison avec l’Afghanistan, avant l’escalade militaire d’Obama, les forces des États-Unis et de l’OTAN combinées étaient de l’ordre de 70 000 pour une population de28 millions d’habitants. En d’autres mots, sur une base per capita il y aura plus de troupes en Haïti qu’en Afghanistan.

 

Récentes interventions militaires des États-Unis en Haïti

Il y a eu plusieurs interventions militaires financées par les États-Unis dans l’histoire récente. En 1994, après trois ans de gouvernement militaire, une force d’occupation de 20 000 troupes et de « gardiens de la paix » a été envoyée à Haïti. L’intervention militaire étatsunienne de 1994 « n’était pas destinée à restaurer la démocratie. C’est plutôt le contraire : elle a été menée afin de prévenir une insurrection populaire contre la junte militaire et ses cohortes néolibérales. »

(Michel Chossudovsky, The Destabilization of Haiti, Global Research, February 28, 2004)

Les troupes étatsuniennes et alliées sont demeurées au pays jusqu’en 1999. Les forces armées haïtiennes ont été dissoutes et le département d’État étatsunien a engagé une compagnie de mercenaires, DynCorp, pour apporter des « conseil techniques » dans la restructuration de la Police nationale haïtienne (PNH). (Ibid)

 
Le coup d'État de février 2004

Dans les mois précédant le coup d’État de 2004, les forces spéciales étatsuniennes et la CIA entraînaient des escadrons de la mort constitués des anciens tontons macoutes de l’ère Duvalier. L’armée paramilitaire rebelle a traversé la frontière en provenance de la République Dominicaine au début février 2004. « C’était une unité paramilitaire bien armée, bien entraînée et bien équipée, intégrée par les anciens membres du Front pour l'avancement et le progrès d'Haïti (FRAPH), les escadrons de la mort « en civil », impliqués dans le meurtre de masse de civils et dans des assassinats politiques durant le coup militaire de1991 financé par la CIA, lequel a mené au renversement du gouvernement démocratiquement élu du président Jean Bertrand Aristide. (Voir Michel Chossudovsky,  The Destabilization of Haiti: Global Research. February 28, 2004)

Des troupes étrangères ont été envoyées à Haïti. La MINUSTAH a été mise sur pied dans la foulée du coup d’État financé par les États-Unis en février 2004 et de l’enlèvement et la déportation du président démocratiquement élu Jean Bertrand Aristide. Le coup a été fomenté par les États-Unis avec l’appui de la France et du Canada.

Les unités de la FRAPH ont subséquemment intégré la force policière du pays, laquelle se trouvait sous la supervision de la MINUSTAH. Dans le désordre politique et social déclenché par le tremblement de terre, l’ancienne milice armée et les tontons macoutes joueront un nouveau rôle.

 

Programme caché

La mission tacite de SOUTHCOM, avec son quartier général à Miami et des installations militaires étatsuniennes à travers l’Amérique latine, est d’assurer le maintien de régimes nationaux serviles, à savoir des gouvernements étatsuniens par procuration, dévoués au Consensus de Washington et au programme de politique néolibéral. Bien que le personnel militaire étatsunien sera au départ impliqué activement dans l’aide d’urgence et les secours aux sinistrés, cette présence militaire étatsunienne renouvelée en Haïti servira à prendre pied dans le pays ainsi qu’à poursuivre les objectifs stratégiques et géopolitiques des États-Unis dans le bassin des Caraïbes, objectifs largement dirigés contre Cuba et le Venezuela.

Le but n’est pas de travailler à la réhabilitation du gouvernement national, de la présidence et du Parlement, tous décimés par le tremblement de terre. Depuis la chute de la dictature de Duvalier, le dessein des États-Unis a constitué à démanteler graduellement l’État haïtien, à restaurer les tendances coloniales et à obstruer le fonctionnement d’un gouvernement démocratique. Dans le contexte actuel, l’objectif n’est pas seulement d’abolir le gouvernement, mais aussi de réorganiser le mandat de la MINUSTAH, dont le quartier général a été détruit.

« Le rôle consistant à diriger les secours et à gérer la crise est tombé rapidement aux mains des États-Unis, dans l’absence, à court terme du moins, de toute autre entité compétente. » ( US Takes Charge in Haiti _ With Troops, Rescue Aid - NYTimes.com, 14 janvier 2009)

Avant le tremblement de terre, il y avait, selon des sources militaires étatsuniennes, quelque 60 personnels militaires en Haïti. D’un jour à l’autre, une escalade militaire s’est produite instantanément : 10 000 troupes, marines, forces spéciales et employés des services de renseignement, etc., sans compter les forces mercenaires privées sous contrat avec le Pentagone.

Selon toute probabilité, l’opération humanitaire sera utilisée comme prétexte et justification pour établir une présence militaire étatsunienne davantage permanente en Haïti.

Il s’agit d’un déploiement massif, d’une « escalade » de personnel militaire assigné aux secours d’urgence.

La première mission de SOUTHCOM sera de prendre le contrôle de ce qu’il reste des moyens de communication et de transport, ainsi que des infrastructures énergétiques du pays. Les États-Unis contrôlent déjà de facto l’aéroport. Vraisemblablement, les activités de la MINUSTAH, qui a servi les intérêts de la politique étrangère étatsunienne depuis ses débuts en 2004, seront coordonnées à celles de SOUTHCOM. La mission de l’ONU sera notamment contrôlée de facto par l’armée étatsunienne.


La militarisation des organisations de secours de la société civile

L’armée étatsunienne en Haïti cherche à superviser les activités des organismes humanitaires approuvés. Elle vise également à empiéter sur les activités humanitaires du Venezuela et de Cuba :

Sous René Préval, le gouvernement est faible et littéralement chaotique à l’heure actuelle. Cuba et le Venezuela, déjà résolus à minimiser l’influence des États-Unis dans la région, saisiront probablement cette opportunité pour rehausser leur profil et leur influence […] » (James M. Roberts et Ray Walser, American Leadership Necessary to Assist Haiti After Devastating Earthquake, Heritage Foundation, 14 janvier 2010).

Aux États-Unis, la militarisation des opérations de secours d’urgence a été instaurée durant la crise de Katrina, lorsque l’armée a été appelée à jouer un rôle dominant.

Le modèle d’intervention d’urgence pour SOUTHCOM est basé sur le rôle de NORTHCOM, à qui l’on a accordé un mandat d’« agence principale » dans les procédures d’urgences aux États-Unis.

Pendant l’ouragan Rita en 2005, le travail préparatoire détaillé de la « militarisation des secours d’urgence » a été établi, comportant un rôle dominant pour NORTHCOM. À cet égard, Bush avait fait allusion au rôle central de l’armée dans les secours d’urgence : « Existe-t-il un désastre naturel, d’une certaine ampleur, qui permettrait au département de la Défense de devenir l’agence principale pour la coordination et la gestion des secours? Ce sera une considération importante à laquelle le Congrès devra réfléchir. » (Déclaration du président Bush à une conférence de presse, Bush Urges Shift in Relief Responsibilities - washingtonpost.com, 26 septembre 2005).

« La réaction au désastre national n’est pas coordonnée par le gouvernement civil du Texas, mais à partir d’un lieu éloigné et conformément aux critères militaires. Le quartier général de l’US Northern Command contrôlera directement le mouvement du personnel et de l’équipement militaire dans le golfe du Mexique. Comme dans le cas de Katrina, il outrepassera les actions des entités civiles. Pourtant, dans ce cas-ci, toute l’opération est sous la juridiction de l’armée plutôt que celle de FEMA.  » (Michel Chossudovsky, US Northern Command and Hurricane Rita, Global Research, 24 septembre 2005)

 

Conclusion

Haïti est un pays sous occupation militaire depuis le coup d’État de février 2004 instigué par les États-Unis. 

L’entrée de 10 000 troupes étatsuniennes lourdement armées, couplées aux activités de la milice locale, pourrait potentiellement précipiter le pays dans un chaos social. 

Ces troupes étrangères sont entrées au pays pour renforcer les « gardiens de la paix » de la MINUSTAH et les forces policières haïtiennes (intégrées par les anciens tontons macoutes), qui, depuis 2004, ont été responsables de crimes de guerre dirigés contre le peuple haïtien, dont la tuerie de civils sans discrimination.

Ces troupes intensifient les forces d’occupation existantes sous le mandat de l’ONU.

Vingt mille troupes étrangères sous le commandement de SOUTHCOM et de la MINUSTAH seront présentes dans le pays. Selon toute probabilité, il y aura une intégration ou une coordination des structures de commandement de ces deux entités.

Le peuple haïtien a démontré un haut degré de solidarité, de courage et d’engagement social.

Les Haïtiens se sont entraidés et ont agi consciemment : dans des conditions extrêmement difficiles, immédiatement après le désastre, des citoyens ont organisé spontanément des équipes de secours.

La militarisation des opérations d’aide humanitaire affaiblira les capacités organisationnelles des Haïtiens de reconstruire et restaurer les institutions détruites du gouvernement civil. Elle empiétera par ailleurs sur les efforts des équipes médicales internationales et des organisations d’aide humanitaire.

Il est absolument essentiel que le peuple haïtien s’oppose fermement à la présence de troupes étrangères dans leur pays, particulièrement dans le cadre des opérations de sécurité publique. 

Il est essentiel que les Étatsuniens partout au pays s’opposent résolument à la décision de l’administration Obama d’envoyer des troupes de combat étatsuniennes en Haïti.

Il ne peut y avoir de réelle reconstruction ni de vrai développement sous une occupation militaire étrangère.

Article original en anglais, A militarização da ajuda de emergência ao Haiti: Trata-se de uma operação humanitária ou de uma invasão? publié le 19 janvier 2010.


Traduction : Julie Lévesque pour Mondialisation.ca.

Michel Chossudovsky est directeur du Centre de recherche sur la mondialisation et professeur d'économie à l'Université d'Ottawa. Il est l'auteur de Guerre et mondialisation, La vérité derrière le 11 septembre et de la Mondialisation de la pauvreté et nouvel ordre mondial (best-seller international publié en 12 langues).