Le Canada et Israël

2010/04/19 | Par David Heap

L’auteur est professeur associé à l'université de Western Ontario.

Le nouveau livre d'Yves Engler, Canada and Israel: Building Apartheid, soulève des questions importantes qui sont au centre des débats de ce pays et à propos desquelles nous avons tous besoin d'être mieux informés.

Le titre fait référence aux conditions imposées par Israël aux Palestiniens qui, selon certains, s'assimilent au crime d'apartheid, tel que défini par la Convention internationale sur la répression et la sanction du crime d'apartheid.

A l'évidence, tout le monde n'est pas d'accord avec cette interprétation et il s'agit d'un point qui peut donner lieu à un débat salutaire. 

Pour Engler, l'histoire du soutien canadien à la formation de l'Etat d'Israël commence par l'observation que les « racines du sionisme sont chrétiennes, pas juives ».

Il montre en détail que longtemps avant la popularisation par Herzl du sionisme chez les Juifs Européens, diverses organisations chrétiennes promouvaient une interprétation littérale de la Bible selon laquelle il devrait y avoir un foyer national juif dans la partie de l'Empire Ottoman connue sous le nom de Palestine. 

Des Chrétiens restaurationnistes comme l'homme d'affaires Canadien Henry Wentworth Monk collectaient de l'argent dans les années 1870 et 1880 pour l'établissement d'un « Dominion d'Israël ».

En 1896, Monk parla de son idée dans une lettre à A.J. Balfour, qui devint plus tard ministre des Affaires étrangères de Grande Bretagne et publia la déclaration Balfour promettant un soutien britannique à la création d'un Etat juif en Palestine. 

Ainsi, avant même le début du mouvement politique juif moderne pour la colonisation de la palestine, le soutien occidental à l'idée d'un Etat juif était étroitement lié au fondamentalisme chrétien et à une vision géopolitique d'Israël comme avant-poste utile au pouvoir impérial.

Engler montre que, même si l'alignement international du Canada a glissé de Westminster à Washington, le soutien à Israël restant une constante.

Ce soutien est souvent allé de pair avec une hostilité envers les Juifs au Canada. Des politiciens antisémites comme E.C. Manning et Mackenzie King soutenaient la création d'Israël en partie comme moyen de réduire l'immigration juive au Canada. 

Engler documente aussi l'apport significatif de Canadiens au plan de partition de l'ONU qui donnait la majorité de la Palestine historique à Israël en 1948.

Parmi ces acteurs clefs, figuraient le sous secrétaire d'Etat aux affaires étrangères Lester Pearson et Ivan Rand, qui sera plus tard premier doyen de la faculté de droit de Western Ontario. 

Le Canada avait évité de condamner le nettoyage ethnique lorsqu'une grande partie de la population palestinienne avait été forcée à l'exil et ses maisons expropriées, et le soutien du Canada à Israël a continué, à quelques exceptions près, jusqu'à ce jour. 

Engler passe en revue des dizaines d'années de soutien exclusif du Canada à Israël dans des secteurs qui vont du renseignement militaire au statut caritatif accordé à des organisations qui contribuent au financement de colonies illégales en Cisjordanie grâce à des donations déductibles des impôts au Canada.

Le livre soutient que le Canada a été « le pays au monde le plus pro-israélien ».

Engler termine par une analyse du mouvement pour réorienter les relations internationales du pays vers « une politique indépendante d'esprit fondée sur la justice sociale ».

Le style d'Engler est clair et direct. Il écrit avec passion et une documentation soigneuse.

En apprendre sur l'histoire de la contribution de notre pays à la situation dans cette région nous donne la responsabilité de chercher des solutions justes et durables. Les Canadiens et les Québécois qui s'intéressent à la politique d’Ottawa au Moyen-Orient feraient bien de prêter une grande attention à son message, quelles que puissent être leurs points de vue sur la région. 
 
Canada and Israel: Building Apartheid, By Yves Engler, Fernwood Books