Les élections britanniques et le Scottish National Party

2010/04/26 | Par Raphaël Bouvier Auclair

Les rues d’Édimbourg, la capitale écossaise sont dépourvues de pancartes présentant les visages de David Cameron ou bien de Gordon Brown, les deux principaux prétendants au poste de Premier ministre de Grande-Bretagne. Pourtant, les élections qui détermineront sous peu le prochain occupant du 10, Downing street sont loin de désintéresser les Écossais.

«I’ll answer to your question before you’ll ask it. Neither Brown or Cameron are good», affirme, confiant, un vieil homme sur une avenue commerçante de Glasgow, plus grande ville d’Écosse. Cet électeur, insatisfait des Partis travailliste et conservateur à Londres ne le cache pas, la pointe de son crayon se posera sur la case attribuée au Scottish National Party (SNP), lors du prochain scrutin britannique.

Même si l’Écosse possède son propre parlement depuis 1999, ses résidents n’en demeurent pas moins sujets de sa Majesté et le Royaume du whisky dispose de  59 sièges au Parlement britannique.

«Les écossais sont des électeurs, comme dans le reste du Royaume-Uni», explique Ailsa Henderson, professeure de sciences politiques à l’Université d’Édimbourg. L’intérêt y est, certes, mais en Écosse, alors que le duel fait rage entre les Conservateurs et les Travaillistes sur la scène nationale, un troisième joueur vient faire basculer le balancier : Le Scottish National Party, qui vient «changer le débat».  Même si cette formation se bat pour l’indépendance de l’Écosse, elle présente des candidats pour garnir les sièges écossais à Westmister.

 

Dans l’intérêt de la nation écossaise

Le SNP, bien que créé en 1934, commence à être une option envisageable pour les électeurs écossais dans le cadres des législatives britanniques. «Depuis la déconcentration [création du Parlement écossais en 1999]», un vote pour le SNP a plus de sens Il ne s’agit plus d’un vote perdu», explique Ailsa Hendersen.

Avant cette redistribution du pouvoir au Royaume-Uni, les gens se demandaient, «pourquoi voter pour le SNP, ils ne formeront jamais le gouvernement!». Maintenant, les électeurs croient que le parti saura défendre les intérêts de l’Écosse sur la scène nationale.

Les intérêts des Écossais sont d’ailleurs au cœur de la campagne que mène le Scottish National Party. Dans les bureaux de la formation, tout près du Palais de Holyrood et du nouveau Parlement écossais à Édimbourg, les employés s’activent.

Dans la salle de séjour, entouré d’un drapeau bleu arborant la croix blanche écossaise et d’une pile de publications indépendantistes, Luke Skypper, chef du personnel du SNP pour le parlement de Westminster, semble confiant.

« La raison la plus importante quant à l’issue de cette élection, c’est le fait que le gouvernement à Londres veut réduire les budgets du Parlement écossais», affirme-t-il. «Évidemment, le SNP s’oppose à ces coupes!».

Le SNP compte aussi rallier des électeurs sous sa bannière grâce à la question des armements nucléaires. À Londres, les partis de Gordon Brown et de David Cameron supportent la création de nouvelles armes nucléaires, moyennant des dépenses de 1 milliard de Livres Sterling. Pour Luke Skypper, un vote pour le SNP envoie un message fort. « Pourquoi dépenser dans les armes de destructions massives alors que les services publics ont besoin de cet argent?».


Écosse. Québec. Même combat?

Un parti qui défend des intérêts régionaux sur la scène nationale. Ce portrait est-il comparable à la situation québécoise, alors que le Bloc québécois défend corps et âme les valeurs du Québec à la Chambre des communes?

Les analogies entre le Québec et l’Écosse, le docteur Ailsa Hendersen les connaît bien. Native de Windsor, en Ontario, elle a maintenant traversé l’Atlantique pour se joindre au Centre d’études canadiennes de l’Université d’Édimbourg. « Ils [les deux partis] sont très similaires au niveau des tactiques et de l’idéologie, dans la promotion d’un nationalisme civique», explique le docteure Henderson.

Le SNP tient d’ailleurs aux ressemblances qui lient les différentes formations indépendantistes. «Le Parti québécois et le Bloc québécois ont montré leur compétences dans le passé et ont convaincu beaucoup de gens de croire qu’ils étaient la meilleure option pour défendre les intérêts du Québec», constate Luke Skypper.

Si des liens existent entre les deux nations, certaines différences sont aussi notables. Historiquement, le Parti québécois est né avant le Bloc, alors que le SNP a d’abord été créé pour défendre les intérêts des Écossais à Westminster, bien avant l’apparition d’un parlement régional.

D’ailleurs, contrairement à son ancien dominion canadien, le Royaume-Uni n’est pas une fédération. Les partis politiques régionaux et nationaux de cet État unitaire sont les mêmes et respectent la même idéologie. « La différence qui existe entre les idées du Parti libéral fédéral et du Parti libéral provincial n’existe pas chez les partis britanniques, explique Ailsa Henderson.

La plus grande perche reliant les deux peuples est la fierté et le désir d’autonomie par rapport du pouvoir central. À l’approche du scrutin britannique, «Il est nécessaire d’avoir le contrôle sur sa propre destinée», clame un électeur dans une rue de Glasgow. Une traduction écossaise du «Maîtres chez nous»?