Années de vaches grasses pour les banques

2010/05/12 | Par Pierre Dubuc

Pendant que de plus en plus de pays songent à imposer une taxe sur les profits des banques, le ministre des Finances Jim Flaherty dénonce sur toutes les tribunes cette idée en la qualifiant d’« excessive, arbitraire et punitive ».

Pourtant, Jim Stanford, l’économiste des TCA, et Léo-Paul Lauzon, le titulaire de la Chaire d’études socio-économiques de l’UQAM, viennent d’illustrer le caractère scandaleux des profits des grandes banques canadiennes.

Dans un article paru dans le Globe and Mail du 30 avril dernier, Jim Stanford, après avoir rappelé que les banques ont bénéficié d’une marge de crédit à faible taux d’intérêt de 200 milliards $ du gouvernement fédéral, souligne qu’elles ont droit, depuis le 1er janvier, à une réduction d’un pour cent de l’impôt sur les corporations, ce qui représente un montant de 2 milliards par année pour le secteur financier.

L’économiste des TCA souligne au passage que le secteur financier, qui a touché depuis 2005 une moyenne de 50 milliards $ en profits avant impôts, encaisse 25% de tous les profits des entreprises canadiennes même s’il n’emploie que 6% de la main d’œuvre.


Mise à jour de Lauzon

Dans sa mise annuelle à jour sur les banques canadiennes, le professeur du département de comptabilité de l’UQAM, Léo-Paul Lauzon, rappelle que les six plus grandes banques canadiennes contrôlent plus de 80% de l’actif du secteur des institutions financières du pays.

Le prof Lauzon démontre, chiffres à l’appui, que les grandes banques n’ont pas trop souffert de la crise économique. Au cours des trois dernières années, de 2007 à 2009, soit la période au cœur de la crise, elles ont engrangé 46,1 milliards de bénéfice net, soit 1,5 milliards $ de plus que les 44,6 milliards réalisés durant les trois années de profits records allant de 2004 à 2006.

Les dirigeants des grandes banques préfèrent, selon le prof Lauzon, être rémunérés avec des options d’achat d’actions à prix d’aubaine plutôt qu’en salaires. La raison en est fort simple. Contrairement aux salaires qui sont imposés à 100%, les options d’achat d’actions le sont à 50%.

Ainsi, sur la plus-value de 251 millions réalisée par les banquiers sur ces options émises en 2009, 125,5 millions $ ne sont pas imposés. De ce fait, les gouvernements se privent de 37,5 millions en recettes fiscales uniquement pour l’année 2009 et seulement pour le secteur bancaire.

En incluant les dirigeants de tous les autres secteurs économiques, qui utilisent le même tour de passe-passe, le prof Lauzon évalue à 1,2 milliards le manque à gagner au fédéral et à 600 millions pour le gouvernement provincial.

Quant aux institutions bancaires proprement dites, les plus grandes d’entre elles ont déclaré, pour les trois dernières années (2007 à 2009), des bénéfices avant impôt sur le revenu de 52,4 milliards $ sur lesquels elles ont versé 10,6 milliards d’impôts sur le revenu, pour un taux d’impôt effectif (fédéral et provincial) de seulement 20% alors que le taux statutaire combiné auquel elles se disent assujetties au Canada est de 33%.

Les montants réellement versés sont moindres que les 10,6 milliards affichés dans leurs états financiers puisque ce montant inclut les impôts payés à l’étranger, aux Etats-Unis par exemple, où l’impôt des banques est beaucoup plus élevé qu’au Canada et encore plus qu’au Québec.

La différence entre les taux d’impôts statutaires et effectifs provient du déluge d’abris fiscaux auxquels elles ont droit. Le prof Lauzon évalue à 6 milliards $ les montants détournés au cours des trois dernières années, comparativement à 4 milliards pour la période de 2004 à 2007.

Lauzon affirme que les réductions d’impôts accordées aux banques ne se répercutent pas en investissements productifs, comme on veut le laisser croire, mais se retrouvent en grande partie dans les poches des actionnaires et des dirigeants.  Au cours des trois dernières années, les états financiers des six grandes banques révèlent que celles-ci ont distribué 73% de leurs bénéfices à leurs actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’actions.