Voyages courageux et exemplaires de Michaëlle Jean

2010/05/17 | Par Pierre Jasmin

Depuis un mois, avec une fascination que j’ose qualifier de complice vu l’amitié dont elle m’honore avec son conjoint Jean-Daniel Lafond à titre de pianiste et de président des Artistes pour la Paix, je suis à travers la presse les voyages courageux et exemplaires que la Gouverneure Générale accomplit à travers le monde.

Exemplaires, parce qu’ils nous rappellent avec nostalgie la diplomatie canadienne de l’époque de Lloyd Axworthy qui osait naviguer selon des principes (ce qui nous avait valu entre autres le Traité d’Ottawa sur les mines anti-personnelles 1997), et non selon les pragmatiques stratégies d’affaires poursuivies par ses successeurs aux Affaires étrangères, quand ce ne sont pas de secrets deals d’uranium avec l’Inde (aussi bien en parler, puisque nous sommes à six jours de l’ouverture par l’ONU de la révision du Traité de Non-Prolifération Nucléaire à New York).

Exemplaires parce que l’autorité suprême canadienne, selon la constitution, ose quitter sa représentation cérémoniale guindée comme elle l’a fait pendant tout son mandat pour prendre à bras le corps les vrais problèmes de millions de gens qui meurent de faim, c’est-à-dire agir selon ce qui devrait constituer la priorité de tout gouvernement soucieux d’humanité. Paradoxal, non?

Que celle que notre plus grand écrivain québécois, Victor Lévy-Beaulieu, qualifie de Reine-Nègre avec le court mépris accordé à la fonction de représentante de la Reine d’Angleterre, aille justement au-delà de ses fonctions protocolaires pour s’attaquer précisément au scandale séculaire de l’excessive Tiers-Mondialisation de l’Afrique, scandale justement et splendidement dénoncé par l’extraordinaire et foisonnant Bibi de l’auteur de Trois-Pistoles !

Car Michaëlle Jean ne se contente pas de faire de la figuration ou de prononcer des fatwas ex cathedra à l’abri de Rideau Hall. Elle s’implique courageusement « en pénétrant les bidonvilles, où même les ONG craignent d’aller, à la rencontre des admirables mères haïtiennes », nous raconte le maire de Port-au-Prince interviewé hier soir par Guy A. Lepage à Tout le monde en parle. Au pays, elle va à la rencontre des autochtones les plus démunis. Et en Afrique, la voilà qui ne craint pas :

1-   au Sénégal de dénoncer devant les autorités confuses l’esclavage des enfants soumis à certains imams sans scrupules.

2-   en République Démocratique du Congo, de dénoncer, toujours courageusement devant les autorités, les viols odieux que la guerre au Sud-Kivu entraîne : les dignitaires de ce pays se partagent alors entre femmes qui applaudissent cette dénonciation avec enthousiasme et hommes qui n’osent pas se solidariser et retiennent leur approbation. Par honte, pudeur ou lâcheté? Par atavisme coupable ? Que de chemin à parcourir…

3-   au Rwanda, de présenter des excuses au peuple rwandais (et non à son gouvernement, car la main du diable qu’a serrée le général Dallaire n’est peut-être pas celle qu’il pensait), au nom du Canada qui, comme le reste de la communauté internationale, a failli au devoir de secourir la population lors du génocide de 1994 et cela, malgré les appels et avertissements lancés désespérément par le même Général Roméo Dallaire.

Et l’espoir, sans doute irrationnel, naît car on se prend à imaginer dans un futur rapproché la première dame des États-Unis Michelle Obama ou la chancelière de l’Allemagne Angela Merkel développer de telles solidarités auprès des millions de femmes qui travaillent désormais grâce aux microcrédits, pour que l’humanité triomphe des froids traités d’affaires conclus par les sociétés minières sans scrupules dénoncées par Noir Canada (éditions Écosociété).

La justice sociale et les combats pour l’égalité de la femme et contre le racisme tels que menés par la gouverneure générale inspirent l'humanité dans son chemin vers la paix…