Développements dans les négos du secteur public

2010/06/01 | Par Maude Messier

«Le problème, c’est qu’au-delà du Front commun, le gouvernement fait des efforts ailleurs et met de l’argent sur la table alors qu’il laisse pourrir le secteur de la santé», dénonce Régine Laurent, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ).

Au moment où une entente sectorielle survient entre le gouvernement et la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE)-CSQ, c’est le branle-bas de combat dans le réseau de la santé. L’offre de règlement global déposée par le gouvernement la semaine dernière a littéralement fait sortir Mme Laurent de ses gonds.

Dans une entrevue accordée à l’aut’journal, elle estime «tout à fait correct que d’autres secteurs arrivent à des ententes». À son avis, les ententes sectorielles qui se dessinent n’affectent en rien le Front commun, qui a un cadre stratégique très clair: «Chacun a ses priorités et c’est pour ça qu’il y a des tables sectorielles».

Sauf qu’au rythme où vont les négociations, il est de plus en plus évident que la santé arrivera bonne dernière à un règlement sectoriel. Stratégie patronale pour isoler la FIQ du bloc syndical?

«C’est certain que ça va faire attendre les autres pour la table centrale, mais c’est le manque de volonté du gouvernement qu’il faut pointer du doigt», déclare Mme Laurent en ajoutant qu’il s’agit en outre d’une question de solidarité.

 

Manque de volonté ou stratégie politique?

Régine Laurent insiste sur la volonté de la FIQ de mener à terme ces négociations et d’en arriver à un règlement négocié. «Nous voulons suivre le cours normal du processus de négociations, mais le gouvernement cherche à nous provoquer. Nous, on veut juste faire notre travail normalement. Mais même ça, ce n’est pas possible dans les conditions actuelles.»

À son avis, la stratégie patronale consiste à les amener sur la voie de l’affrontement, une option défavorable en ce qui concerne l’opinion publique. «Il pense nous mettre de la pression. Nous pensons plutôt que cette pression pourrait bien se retourner contre lui.»

Régler avec les autres secteurs pour mettre de la pression sur les infirmières n’est pas une bonne stratégie aux yeux de la FIQ. «Il va falloir que ce gouvernement dise la vérité à la population du Québec et révèle clairement ses intentions quant à l’avenir du réseau de la santé. C’est le seul secteur où il n’est pas pressé de régler, pourquoi d’après-vous?»

Régine Laurent ne se gêne pas pour dénoncer l’option préférentielle de ce gouvernement pour le secteur privé. «C’est évident qu’il fait tout pour laisser plus de place au privé dans le réseau de la santé. C’est une des raisons pour lesquelles il ne cherche pas à régler la négociation, par manque de volonté politique.»

 

Une offre patronale «odieuse»

La FIQ a pris connaissance de l’offre patronale de règlement global la semaine dernière. Mme Laurent a commenté le dépôt avec amertume. «Il n’y a rien là-dedans! Ce sont les mêmes offres qu’au dernier dépôt, à peu de choses près.»

Bien que le gouvernement se targue d’avoir retiré «certains irritants», il n’en demeure pas moins que la FIQ dénonce ce dépôt «odieux». L’irritation et l’insatisfaction ont aussi gagné les quelque 500 délégués réunis en Conseil fédéral extraordinaire jeudi dernier.

«Elles ont pris connaissance des détails de l’offre patronale et les réactions ne se sont pas faites attendre. Alors que nos assemblées sont généralement très disciplinées, on a eu de la difficulté à contenir les délégués», confie la présidente.

Pour calmer les ardeurs, une manifestation a été promptement organisée. «Les gens voulaient instantanément manifester leur mécontentement. Par chance, nous étions tout juste à côté des bureaux du ministre des Finances, Raymond Bachand. Personne ne s’est fait prier pour sortir

Sans entrer dans les détails et le jargon de l’offre, Régine Laurent insiste sur le fait qu’aucun effort n’a été fait du côté du gouvernement pour mettre en place des solutions aux nombreux problèmes que connaît le système de santé. Organisation du travail, aménagement du temps de travail, primes, etc. à peu de chose près, ce dépôt revisite les mêmes avenues maintes fois dénoncées.

Mme Laurent s’indigne que tout ce processus de négociation ne semble mener nulle part. «Après qu’on ait rejeté vivement le premier dépôt, après de nombreuses discussions politiques, il [le gouvernement] ramène tout ça. C’est absurde; je pense qu’on fait rire de nous là.»

Tout en reconnaissant que les négociations avec le gouvernement n’ont jamais été faciles, elle estime toutefois que l’attitude «carrément irrespectueuse» de ce dernier amène un climat de tension.

«Je n’ai jamais vu un processus aussi irrespectueux. On s’attendait à un minimum, quelque chose sur lequel travailler pour poursuivre les négociations. Habituellement, on ne sert pas du réchauffé, surtout pas devant un médiateur!»

 

Un décret déguisé

Parallèlement, la FIQ se dit aussi très préoccupée par le budget Bachand, le projet de Loi 100. «Normalement, les syndiqués négocient et les cadres profitent des bénéfices ensuite. Là, avec ce projet de loi, les conditions salariales des cadres sont fixées. Le gouvernement a-t-il l’intention de faire de même avec les syndiqués?»

La FIQ perçoit ce projet de loi comme une menace, un décret mal déguisé, ni plus ni moins. «Le projet de loi est clair, même si des conditions de travail sont négociées dans les conventions, c’est la loi qui s’applique. Pour nous, c’est clair qu’il y a des craintes», confirme-t-elle en précisant que la FIQ étudie actuellement le dossier.

Elle ajoute que des répercussions évidentes sont à prévoir, notamment quant à la réduction des effectifs. «Si on coupe par exemple un commis ou une réceptionniste, pour nos unités de travail, ça signifie une surcharge de plus. Qui va faire leur job pensez-vous?»

Par ailleurs, les réductions de 25% exigées quant à la publicité, aux frais de déplacement et de formation inquiètent. «C’est la question de la formation qui nous touche. Dans le jargon, c’est du maintien des compétences dont il s’agit. Ça me semble assez clair: alors qu’il est déjà difficile d’assurer de la formation continue des infirmières en raison du manque de main-d’œuvre, on va devoir composer en plus avec des coupures. Ça ne fait pas de sens!»

La présidente confirme que la FIQ travaille actuellement à la préparation d’un plan d’action qui devrait être soumis dans les prochains jours aux délégués. «On va user d’imagination pour mettre toute la pression qu’il faut sur ce gouvernement, croyez-moi!»