Les distributeurs indépendants dénoncent Radio-Canada

2010/06/03 | Par Louis Dussault

L’auteur est président du Regroupement des distributeurs indépendants de films du Québec

Le 8 décembre 2009, les Membres du RDIFQ (représentant le plus grand nombre de distributeurs de films au Québec) demandait une rencontre avec M. Hubert Lacroix, Président de la Société Radio-Canada, en rapport à une précédente rencontre presque 10 mois auparavant.

Celle-ci, qui avait eu lieu avec Mesdames Louise Lantagne et Marie-Sylvie Lefebvre, respectivement responsable de l’application de la politique d’acquisition de films et directrice des acquisitions de la SRC, s’était avérée improductive, voire totalement stérile.

Cette nouvelle rencontre nous a été refusée et on nous a de nouveau référé à mesdames Lantagne et Lefebvre.

 

Des promesses avaient été faites il y a plus d’un an alors que la situation exprimée était urgente. Un constat, la télévision de la SRC n’achète plus nos films.

Il y a maintenant plus d’un an, nous leur avions souligné que la petitesse du marché québécois requiert une collaboration de tous les instants de la part des télédiffuseurs publics avec les distributeurs québécois ; qu’une politique d’acquisitions de films distribués par les membres du Regroupement permettrait de planifier nos achats de films français et ceux en provenance des cinémas nationaux ; et que l’offre variée et unique en Amérique du Nord faite au public québécois en matière de films français et de films des cinémas nationaux allait s’écrouler et disparaître si la télévision publique canadienne ne faisait pas sa part de diffusion au public.

Nous avons exprimé notre grande surprise et notre totale désapprobation au fait que Radio-Canada depuis des années n’achète presque plus de films français et absolument plus de films provenant des autres cinémas du monde.

On nous avait répondu très courtoisement que la SRC allait travailler à mettre sur pied très rapidement un créneau afin d’offrir au public ces films que les distributeurs québécois sortent en salle à grands frais, et pour lesquels ils ne peuvent ensuite trouver de débouchés à la télévision.

Depuis plus d’un an maintenant, aucune réponse à ce sujet ne nous a été transmise, même devant l’urgence exprimée de la situation précaire de nos compagnies respectives. Tous nos films offerts pour acquisition au cours de cette année écoulée ont été systématiquement refusés par le service des acquisitions.

 

Le message de la SRC est clair, pas de films français, pas de films des cinémas nationaux chez nous, des films américains seulement.

Il est maintenant clair et net que la télévision française de Radio-Canada n’entend pas acheter de films français, ni de films des cinémas nationaux. Il est clair que cette décision est politique (par rapport à quel genre de politique ?).

Il est clair et net que le mandat d’éducation du public et de culture cinématographique n’existe plus à la télévision de Radio-Canada. Il est clair que la télévision francophone de Radio-Canada préfère acheter des films américains que des films français et des films internationaux.


Le RDIFQ a dénoncé publiquement les coupures budgétaires imposées à la SRC et a appuyé ses revendications face au Gouvernement conservateur.

Le Regroupement ne fait pas dans le « Radio-Canada bashing ». Le 6 avril 2009, nous avons publié un communiqué de presse appuyant la télévision française de Radio-Canada et dénonçant les coupures du Gouvernement conservateur.

 

L’offre variée de films de toutes provenances, unique en Amérique du Nord, risque de s’écrouler.

Nous avons maintes fois essayé de convaincre la SRC de la qualité de nos films et de la nécessité de les diffuser sur les ondes publiques. Nous constatons amèrement qu’au final l’institution fait oreille sourde au fait que l’offre variée de cinéma, unique en Amérique du Nord, risque de s’écrouler sans la collaboration de notre télévision publique, ce qui ne semble aucunement les concerner.

La population francophone d’Amérique du Nord a-t-elle le droit de voir, à son poste de télévision publique, le cinéma du plus grand pays francophone du monde, la France ?

Comment peut-on à ce point être aveugle à cette réalité ? Comment peut-on à ce point démissionner de son mandat de télévision publique et dépenser les impôts de la population en achetant du cinéma américain et en ignorant le cinéma français ? Le cinéma américain et ses distributeurs ont-il besoin du support de notre télévision publique pour survivre ?

Cette situation, qui dure depuis 10 ans au moins, est inadmissible, et la SRC doit impérativement se doter d’une politique d’acquisition de films français et de films des cinémas du monde. Elle doit ouvrir à ces égards des créneaux décents de diffusion, à savoir ne pas les diffuser à minuit pour ensuite dire que ces films n’obtiennent aucun auditoire.

 

Respectons l’intelligence des téléspectateurs qui sont cinéphiles, soyons en phase avec leur développement culturel.

Pour le respect de l’intelligence des téléspectateurs qui sont aussi pour beaucoup d’ardents cinéphiles, pour ouvrir une fenêtre au cinéma du plus grand pays francophone du monde, pour faire connaître les cinémas du monde comme la radio fait connaître la musique du monde, pour accompagner les distributeurs québécois afin de consolider et développer davantage cette offre variée et de qualité, la SRC doit manifester immédiatement un plan de mise en onde.

Nous ne remettons pas en question la politique d’acquisition de la SRC envers le cinéma québécois et nous la félicitons pour ces efforts, mais tout le reste de la programmation cinéma ne doit pas pour autant être entièrement américaine. La culture américaine est déjà suffisamment prévalente en notre pays sans que notre télévision publique ait à la mettre de l’avant.

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Ajout

La réponse de la Société Radio-Canada à notre communiqué de presse d’hier, exhaustivement publiée dans Le Devoir d'aujourd'hui, mérite que l'on s'y arrête et que l'on rétablisse les faits.

Premièrement, le RDIFQ a fait une demande à M. Hubert Lacroix en décembre pour une rencontre. M. Lacroix a refusé de nous rencontrer, et nous a référé encore une fois à Mme Lantagne qui nous avait déjà confirmé son impuissance par rapport aux politiques de la Société. Nous revendiquons donc une rencontre avec la haute direction pour discuter de la politique de la Société Radio Canada.

Deuxièmement, la SRC dresse une liste de films acquis cette année, ou d'autres présentés sur ses ondes dernièrement, qui ne règlent pas le problème que l’on pose et surtout qui ne justifient en aucun cas ce que nous dénonçons.

La Société Radio-Canada prend exemple des acquisitions de cinéma international récentes, qui sont tous d’excellents films, mais c’est aussi bien peu. Et ce n'est pas substantiel comme réponse face aux doléances du RDIFQ, car aucun des films mentionnés ne sont partie des catalogues des membres du Regroupement.

Le Regroupement représente la majorité des distributeurs de films au Québec, tous distributeurs indépendants, c'est-à-dire qu’ils ne sont pas des sous-distributeurs des Majors américains, mais qui plutôt achètent eux-mêmes et directement les films pour le marché du Québec ou du Canada.

L’implication culturelle et financière est décuplée. On constate que le choix d'acquisition des distributeurs québécois n'est pas tenu en compte. L'économie culturelle qu'ils développent ici en faisant venir ces films n’est jamais encouragée.

En ce moment, c’est ultimement les distributeurs américains qui ont les bénéfices des acquisitions de notre télévision publique. Telle est la conséquence d'une absence de politique d'acquisition que nous réclamons.

Quant aux soi-disant 18 films achetés à l'un de nos membres en 2009, il s'agit de vieux films réédités. Nous ne pouvons donc pas considérer cette exception comme faisant parti d'une politique d'acquisition.

Notre constat est donc que les films internationaux récents sont très peu présents à la télévision publique. Le cinéma international de qualité soutenu par les distributeurs indépendants n’a pas d’avenue. C'est toute la diversité culturelle qui en souffre.

Louis Dussault
Président, RDIFQ

Le Regroupement des distributeurs indépendants de films du Québec

Antoine Zeind - A-Z Films
Armand Lafond - Axia Films Distribution
Jeanne Ritter - Domino Films
Stéphanie Trépanier - Evokative Films
Andrew Noble - Filmoption International
Emmanuelle Dessureault et Martin Desroches - FUNFILM DISTRIBUTION
Louis Dussault - K-Films Amérique
Anne Paré - Les Films du 3 mars