Gaz de schiste : politique et improvisation… un mélange dangereux!

2010/09/02 | Par Réjean Porlier

L’auteur est président du Syndicat des technologues d’Hydro-Québec (SCFP-FTQ)

Les gaz de schiste soulèvent les passions par les temps qui courent. Des gaz explosifs si l'on en croit les réactions de plusieurs acteurs municipaux et environnementaux, ainsi que la mobilisation citoyenne qui s'installe là où les projets débarquent.

Qu'est-ce qu'on reproche au gouvernement? Essentiellement de laisser l'industrie agir comme si nous étions en plein western à l'époque de la ruée vers l'or. Au plus fort la poche, sans réglementation adéquate et reddition de comptes. Mon ami Léo-Paul Lauzon avait raison de prétendre que les pétrolières dictent au gouvernement la marche à suivre et non l'inverse.

La première réaction de la ministre des Ressources naturelles, Mme Nathalie Normandeau, a d'ailleurs été très éloquente quant aux visées du gouvernement Libéral dans le dossier. Avec cette nouvelle filière, c'est l'indépendance énergétique du Québec qui est à nos portes, rien de moins selon les dires de la ministre.

Faut-il comprendre que dans sa tête, l'indépendance énergétique du Québec est étroitement liée à l'exploration et l'exploitation de ce gaz dont on ignore à ce jour le réel potentiel en sol québécois et, surtout, toutes les retombées environnementales?

Qui plus est, pour parler d'indépendance et donner l'impression que le sérieux est au rendez-vous, il faut avoir un plan, alors que visiblement nous sommes face à la plus grande improvisation. Non seulement le gouvernement n'a prévu aucune réglementation afin d'assurer une gestion intelligente de la ressource, mais il est loin d'être garanti que les retombées de cette nouvelle filière profiteront à la population québécoise. L'industrie pétrolière n'a pas pour culture de se soucier en priorité de l'intérêt public, et la seule indépendance au menu est la sienne.

Sans doute après avoir pris la mesure du mécontentement grandissant et afin de rassurer tout le monde, Mme Normandeau annonçait le 30 août dernier en grande pompe que le BAPE serait mis à contribution et qu’un plan de communication serait mis en place cet automne pour que l’entreprise soit plus à l’écoute de la population.

Comment ne pas s'inquiéter de voir la ministre improviser de la sorte et ajuster son discours au goût du jour. Le gouvernement a-t-il, oui ou non, mis en veilleuse une politique d'indépendance énergétique digne de ce nom? Bien sûr que oui! Sinon il ne serait pas à la remorque des évènements. Mais ça fait chic par les temps qui courent de nous y faire rêver.

Le Québec occupe une position des plus enviables en matière d'énergie, avec une filière électrique qui a fait ses preuves tant d'un point de vue organisationnel que pour les retombées récurrentes dont profite la population québécoise. Pourquoi, lorsqu'il est question de pétrole, de gaz naturel et maintenant des gaz de schiste, le gouvernement agit-il comme s'il était à la tête d'une république de bananes?

Ne pas avoir de vision c'est une chose, mais laisser à d'autres le choix de nos ambitions, ce n'est pas seulement irresponsable, c'est dangereux. Fermer les yeux sur le développement anarchique de nos ressources naturelles, ce n'est pas agir dans le respect de ceux et celles qui nous ont élus.

Avant de se lancer tête baissée dans pareille aventure, n'y aurait-il pas eu lieu de procéder à une évaluation sérieuse et responsable de ce que rapportera réellement l'exploitation des gaz de schiste au Québec?

Pour celles et ceux qui auraient rêvé de voir le Québec profiter pleinement des retombées de cette nouvelle filière, Louis-Gilles Francoeur, dans le Devoir du 28 août dernier, nous explique comment le gouvernement Charest a tout mis en place pour s’assurer que cette nouvelle ressource nous glisse entre les mains au profit de l’industrie. (http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/295218/gaz-de-schiste-doit-on-expliquer-maintenant-par-qui-et-pour-qui)

Une industrie sous la gouverne de nul autre que l’ancien président d’Hydro-Québec, M.André Caillé, maintenant président de l’Association de l’industrie pétrolière et gazière du Québec.

Allons-nous découvrir dans quelques années que l'empressement de nos élus était une fois de plus le résultat de généreuses donations à la caisse du parti, après que la nouvelle filière soit bien ancrée dans le paysage, les impacts environnementaux mieux connus et que les épisodes désastreux auxquels nous ont habitué tous les Shell de ce monde aient été encore répétés?

Il serait peut-être temps d’être un peu plus critique à l’endroit de nos politiciens. Faut-il s’interroger de l’absence d’une position claire du parti Québécois dans le dossier ou pouvons-nous encore espérer les voir accoucher un jour de cet ambitieux projet de société? Le fait est qu’on nous dépouille de nos ressources naturelles sans qu’ils ne disent mot et que bientôt ils crieront à qui veut bien l’entendre qu’ils veulent un pays…

Un pays dont les leviers économiques seront entre les mains d’autrui!

Mais où sont donc passés nos bâtisseurs?

À suivre!


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