Gaz de schiste: l'enfer ou le paradis

2010/09/03 | Par Marianne Papillon

L’auteur habite les Îles de la Madeleine

« André Caillé en convient, le gros des profits de l'exploitation des ressources naturelles va dans les poches de ceux qui investissent, c'est-à-dire les entreprises. Si les Québécois en veulent plus, ils n'ont qu'à devenir actionnaires des entreprises qui exploiteront le gaz de schiste, affirme-t-il. »
(La Presse, 29 août 2010)

Monsieur Caillé,

Vous êtes clairement un financier. Oui, l'exploitation des gaz de schiste paiera à qui exploitera, bien sûr, ne nous en convainquez pas. Le hic, avec les financiers, c'est que vous avez l'impression que lorsqu'il y a profit, alors c'est que ça va assez bien. Et quand ces profits grossissent, et que la spéculation embarque, alors ça va encore mieux. Et puis quand, enfin, on se fait tout acheter à gros prix, ça ne peut pas aller mieux.

Que des actionnaires, quels qu'ils soient, deviennent plus riches, ne me contente pas. Qu'en est-il de nos richesses existantes? Vous dites que les gens vont pouvoir rester dans leur petit patelin parce qu'ils pourront y extraire le gaz.

Or, leur patelin ne sera plus jamais le même. Destruction du paysage, flammes des torchères, circulation lourde, contamination possible de l'eau. Je crois que ces petits patelins ont déjà énormément de valeur tels qu'ils sont. Une valeur qui ne se chiffre pas, comme l'eau, l'air, la tranquillité et la paix.

La Louisiane, à cet effet, est un triste modèle d'une communauté devenue dépendante de l'industrie du gaz et du pétrole. Ceux-là mêmes qui sont les plus touchés par la catastrophe réclament la levée du moratoire parce qu'ils ont désormais besoin de la main qui les a nourris.

Quand les géants du gaz auront tout acheté, notre gaz, mais aussi nos municipalités, nos universités, nos intellectuels et nos gouvernements - comme cela se voit ailleurs dans le monde et au Canada - alors il ne nous restera plus rien.

Une chose est sûre, même si l'on n'exploite pas maintenant, il y aura toujours possibilité de le faire plus tard, et à très haut profit monsieur Caillé puisque la réserve mondiale s'épuise !

Pourquoi les financiers ne voient-il pas cette opportunité ahurissante de croissance du profit par l'inaction? Peut-être qu'une véritable vision à long terme est hors d'entendement pour les mortels qui se laissent guider par l'attrait du profit.

Vous-même qui prêchez la suprématie de la croissance économique prônez paradoxalement une vision à très court terme, comme si la ressource allait disparaître sans votre action. Ne vous méprenez pas, nous n'avons pas besoin de vous, et nos enfants non plus. Nous sommes déjà heureux. L'argent ne fait pas le bonheur, et c'est vrai.

À mon sens, il n'y a pas d'urgence, et je supplie les gouvernements, Charest et Harper - on peut toujours rêver - d'user de prudence et de mettre en place un moratoire, le temps de se faire une tête.

Un moratoire pour les gaz de schiste, mais aussi pour l'exploration et l'exploitation dans le golfe du Saint-Laurent - 6 fois plus petit que le golfe du Mexique - où les habitants de cinq provinces devront bientôt faire face aux géants pétroliers si rien n'est fait.

Si le reste du Canada ne se sent pas encore concernés par cette problématique de l'est maritimes, il le sera lorsqu'il devra financer les opérations de nettoyage que notre Garde Côtière devra potentiellement exécuter - même si cela dépasse actuellement ses capacités.


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