Tactiques de négociation cavalières chez Provigo

2010/09/10 | Par Maude Messier

Au printemps dernier, Provigo annonçait la fermeture de son entrepôt Armand-Viau à Québec. Dans La stupéfaction totale, 415 travailleurs se retrouvaient sans emploi du jour au lendemain. Personne ne s’attendait à des mesures aussi drastiques qui, pour la Fédération du commerce de la CSN, ont des airs de représailles.


Stratégie douteuse

Pour Serge Fournier, trésorier à la Fédération du commerce de la CSN, Loblaws a précipité cette négociation dans un conflit de travail, démonstration faite du peu de respect de l’entreprise envers ses employés.

Plus discutable encore, l’employeur cherche à se soustraire de ses obligations en contournant la Loi sur les normes du travail. Dans le cas d’un licenciement collectif, la loi prévoit 16 semaines de préavis; dans le cas d’une mise à pied, le préavis est limité à 8 semaines et est variable selon l’ancienneté.

D’après la Fédération du commerce, l’entreprise a décrété arbitrairement la mise à pied des employés au 22 juin 2010. «La loi prévoit que l’employeur doit donner un préavis variant selon l’ancienneté quant il y a une mise à pied. Mais eux, ils n’ont pas taponné, ils ont donné 8 semaines à tout le monde parce que de toute façon, ils prétendent ne pas devoir d’argent à cause du conflit. Les travailleurs n’ont pas reçu une cenne et l’entreprise estime avoir rempli ses obligations en donnant un préavis à tout le monde pour une mise à pied.»

La prétention de la CSN est à l’effet qu’il ne s’agit pas d’une mise à pied mais plutôt d’un licenciement collectif et que les mesures associées doivent être appliquées. Dans un tel cas, les travailleurs auraient ainsi droit à un préavis de 16 semaines et à la mise sur pied d’un comité de reclassement, ce à quoi s’objecte Loblaws.

Pour Serge Fournier, le coup semblait prévu d’avance, l’entreposage d’Armand Viau ayant été transféré préalablement à Boucherville. «Dans cette ‘‘restructuration’’ des activités, les travailleurs licenciés de Boucherville ont reçu le préavis auquel ils avaient droit. Ça ressemble à une petite vengeance sur les travailleur d’Armand-Viau qui lui ont tenu tête.»

Interpellé sur la question, le ministre du Travail de l’époque, Sam Hamad, dénonçait cette interprétation faite par Loblaws qui ne respecte pas l’esprit de la loi. Le syndicat craint pour sa part qu’il s’agisse d’une nouvelle tactique de négociation du patronat pour se soustraire à leurs obligations en cas de licenciement collectif.

«Provoquer un lock out et faire des mises à pieds en offrant un 8 semaines de préavis bidon. C’est inquiétant.» Suffisamment du moins pour que la Fédération du commerce intente des recours afin de protéger et de soutenir les travailleurs.

«On a eu vent d’une situation similaire chez Les boulangeries Weston Québec ltée. (dont Loblaws est une filiale) au printemps dernier. Il ne faut surtout pas que cette façon de faire inacceptable crée un précédant», souligne Serge Fournier.


Forcer un conflit de travail

Le méga entrepôt Armand-Viau, construit au coût de 70 millions $ en 2000, devait permettre au géant alimentaire Loblaws (aussi gestionnaire des bannières Provigo, Maxi & cie et Maxi) de fusionner les opérations de ses deux entrepôts de Québec, soit l’entreposage des produits secs et des fruits et légumes.

L’amalgame des opérations des entrepôts a aussi forcé la fusion des deux syndicats, qui en était donc à leur première négociation collective depuis.

Après une vingtaine de rencontres, Serge Fournier se souvient qu’une première offre patronale a été rejetée à plus de 90% par les travailleurs. Puis, à 48 heures de Pâques, l’employeur dépose une offre finale, «quasiment identique» à celle préalablement rejetée.

«Il nous fallait alors présenter l’offre aux membres le Vendredi Saint. Impossible de convoquer notre monde à ce moment-là, dans un délai aussi restreint, ce que nous avons fait savoir à l’employeur. Le syndicat a avisé que le vote serait plutôt tenu en début de semaine. C’était conjoncturel et non pas de mauvaise fois», explique M. Fournier.

L’offre n’ayant pas été soumise aux travailleurs dans les délais prescrits, Provigo s’est empressé de décréter le lock-out et ce, malgré les récriminations du syndicat.

Plus de deux semaines se sont ensuite écoulées sans qu’il n’y ait aucune discussion. Le 27 avril, convoqués pour ce qu’ils croyaient être une rencontre en vue de la poursuite des négociations, les représentants syndicaux ont appris que l’entreprise fermait définitivement l’entrepôt.

«Tout le monde était conscient qu’il risquait d’y avoir un conflit dans ce dossier. Le syndicat savait que ce serait une négo difficile, mais personne ne s’attendait à ça. Ça s’est fait de façon plutôt cavalière disons.»


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