Venezuela : de l’argent US pour déstabiliser Chavez

2010/09/23 | Par André Maltais

Ce mois-ci, l’Amérique latine fait face à deux importantes échéances électorales: le 26 septembre, les Vénézuéliens éliront les 165 députés de leur Assemblée nationale tandis que, le 3 octobre, les Brésiliens choisiront un successeur au président Inacio Lula da Silva.

L’issue de ces deux consultations aura d’importants effets sur le projet libérateur entrepris depuis dix ans pour sortir la région de sa condition de « cour arrière des Etats-Unis ». Surtout que, chacun à leur manière, le Venezuela et le Brésil sont incontestablement les moteurs de cette évolution.

« Si, au Brésil, la gauche démocratique ne gagne pas les présidentielles, écrit Ignacio Ramonet, ex-directeur du Monde diplomatique, le pendule politique à l’échelle continentale s’inclinera majoritairement vers les droites qui gouvernent déjà le Chili, la Colombie, le Pérou, le Costa-Rica, le Honduras, le Panama et le Mexique. »

Mais une telle éventualité est peu probable tellement Lula est populaire et son bilan des huit dernières années impressionnant. La candidate qu’il appuie, Dilma Roussef, quoique peu connue, mène dans tous les sondages et pourrait même remporter la présidence dès le premier tour des élections.

Ne pouvant quasiment rien contre la superpuissance brésilienne, les forces de droite internationales se déchaînent sur l’autre front pour affaiblir le président Hugo Chavez et la révolution bolivarienne.

Il est déjà certain qu’au lendemain du 26 septembre, le Parti socialiste uni du Venezuela (PSUV, le parti de Chavez) aura perdu plusieurs députés puisque, suite au boycottage du scrutin de 2005 par l’opposition, ceux-ci occupent présentement la totalité des sièges de l’Assemblée nationale.

Cette fois, la droite rassemble une myriade de partis et organisations regroupés sous la bannière de la Table d’unité démocratique (MUD, en espagnol). Elle espère faire élire assez de députés pour bloquer les prochaines grandes réformes inscrites dans le programme du PSUV.

Le système vénézuélien des législatives lui assure déjà dix pourcent des sièges puisque le parti qui aura obtenu plus de 50% du vote populaire (vraisemblablement celui de Chavez) pour l’ensemble des 99 sièges répartis en mode nominal se voit automatiquement attribuer les trois quarts des 66 sièges restants répartis en mode proportionnel. Cela laisse automatiquement 16 ou 17 sièges à la liste perdante.

Or, pour être approuvées, les lois, selon qu’elles soient de nature « organique » ou « habilitante », nécessitent l’adhésion d’entre les 3/5 et les 2/3 des députés. Compte tenu des sièges assurés, l’opposition n’a plus qu’à en gagner entre 38 et 50 supplémentaires. Pour cela, elle ne manque ni de chevaux de bataille ni d’aide extérieure.

En mars dernier, par exemple, une sécheresse exceptionnelle forçait le gouvernement Chavez à rationner la consommation d’eau et d’électricité. Taisant les mystérieux sabotages qui ont aggravé la situation, l’opposition et ses médias privés ont tout fait pour attribuer ces graves difficultés à « l’incompétence du gouvernement ».

Puis, après un lock-out patronal dans le secteur des transports, l’industrie alimentaire orchestrait des pénuries visant à démoraliser et semer le doute dans les régions et quartiers où l’administration Chavez compte le plus d’appuis.

Le gouverneur de l’État du Lara, Henri Falcon, ajoute alors à la confusion en quittant le PSUV pour créer un second mouvement chaviste très médiatisé : un « chavisme bleu », soi-disant plus tolérant et plus conciliant que celui du président lui-même!

Médias et opposition ont ensuite repris sans fin les dénonciations non prouvées du président colombien sortant, Alvaro Uribe, accusant le Venezuela d’abriter des guérilleros des FARC et, cela, même après le 10 août quand le nouveau président colombien, Juan Manuel Santos, les eut abandonnées après avoir rencontré Hugo Chavez.

L’insécurité est aussi faussement imputée à l’administration Chavez. Certes, le Venezuela n’a pas de statistiques sur la violence au niveau national et compte encore 135 différents corps de polices parfois opposés les uns aux autres. Mais certains secteurs de la droite en profitent pour manipuler les chiffres et même s’allier secrètement aux organisations mafieuses.

Surtout que, selon l’ex-directeur des services de renseignements vénézuéliens (DISIP), Eliezer Otaiza, plus de 20’000 paramilitaires colombiens vivraient au Venezuela, cherchant justement à y répandre l’insécurité pour faire naître un « para-état ».

« Amplifié, dit-il, pour ne pas dire appuyé par les médias, le chaos créé par les groupes criminels sert les intérêts de la droite. Plus il y a de morts, plus il y a de votes pour l’opposition. »

De plus, celle-ci martèle constamment, et avec la plus mauvaise foi qui soit, que le gouvernement vénézuélien est une menace aux libertés politiques et d’expression dans un pays qui, depuis 1999, a connu quinze élections et référendums démocratiques et où 80% des postes de radio et canaux de télévision appartiennent à des intérêts privés.

Toutes ces manœuvres sont largement facilitées par l’argent des États-Unis. Un rapport de la National Endowmenr for Democracy (NED), diffusé en mai dernier, révèle que, depuis le commencement de 2010, l’USAID a investi entre 40 et 50 millions de dollars dans les secteurs de l’opposition politique vénézuélienne.

Une grande partie de cette aide, dit l’avocate états-unienne installée au Venezuela, Eva Golinder, a été canalisée vers la campagne électorale de la MUD pour les législatives du 26 septembre.

Le rapport de la NED révèle que, depuis 2002, l’USAID, par le biais de l’une de ses divisions, l’Office des initiatives de transition (OTI), est présente au Venezuela avec la seule intention de faciliter et assurer la sortie du pouvoir du président Hugo Chavez.

L’OTI travaille exclusivement sur des dossiers de politique étrangère états-unienne. Elle « dispense de l’aide à court terme, rapide et flexible, pour des besoins de transition politique et de stabilisation. »

Pendant huit ans, elle a financé au Venezuela des partis et organisations politiques de même que des médias de communication, les aidant à croître et à s’unifier, et alimentant leurs dirigeants avec des dollars, conseillers stratégiques et autres ressources nécessaires à leurs activités politiques.

L’OTI n’a aucun accord avec le gouvernement vénézuélien ni aucune autorisation que ce soit de celui-ci qui lui permette d’être dans le pays et d’y mener des activités interventionnistes.

Depuis les législatives de 2005, l’OTI a constamment renforcé les partis d’opposition en leur enseignant comment recruter, motiver et organiser dans leurs rangs les « forces réformistes » identifiées comme les étudiants, les femmes et la « société civile ».

De plus, de nombreux conseillers experts des États-Unis ont voyagé au Venezuela pour aider les groupes d’opposition à « développer des stratégies et des messages destinés aux électeurs de peu de ressources ».

En 2003, dit Eva Golinder, il existait au Venezuela 66 programmes financés par l’OTI alors qu’ils sont aujourd’hui 623. L’objectif de « renforcer la société civile », dit-elle, est maintenant pleinement atteint.

Mais le travail va se poursuivre jusqu’à la chute du président Chavez et il est permis de se demander pourquoi le Venezuela tolère ce type d’ingérence dont l’effet se fera sans aucun doute bien sentir lors des élections du 26 septembre.


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