Bastarache : le juge en chef adjoint devrait témoigner

2010/10/01 | Par Claude Gélinas

L’auteur est avocat à la retraite et ex-directeur général du Barreau du Québec

« Le mode de nomination des juges est l’aspect le plus important de la déontologie judiciaire ». Telle était, en 2003, l’opinion émise par le juge en chef Pierre A.Michaud au colloque du Conseil de la magistrature.

Désormais, suite aux révélations faites à la commission Bastarache, il faudrait également considérer le mode de promotion des juges comme étant un aspect tout aussi important de la déontologie judiciaire.

Que dire en effet de la démarche d’un juge en exercice, qui, par désir ardent de réussite, d’honneurs et de pouvoirs, n’hésitent pas à solliciter lui-même ou par un proche de l’appareil du parti d’intervenir auprès des décideurs politiques pour qu’il soit nommé juge en chef de la Cour du Québec.

Au motif, sans prétention ni fatuité, « qu’il serait le meilleur juge en chef ».

Ironie du sort et dur coup pour l’ego, il n’a pas obtenu ce poste, mais celui de juge en chef adjoint.

Posant ce geste alors qu’il était déjà juge, il faisait fi de la séparation devant exister entre les pouvoirs judiciaire et exécutif et se mettait en position d’être redevable deux fois plutôt qu’une. D’abord pour avoir été nommé juge en chef adjoint, ensuite pour avoir obtenu l’adoption d’un décret additionnel vu qu’au terme de son mandat, il excédait l’âge normal de retraite des juges.

Une telle conduite soulève bien évidemment l’opportunité ou non pour le juge en chef adjoint de demeurer en poste.

Car, faut-il le rappeler, le juge se voit garantir une indépendance institutionnelle, une sécurité financière qui met son pouvoir, absolument majeur pour la société, à l’abri des ingérences des instances politiques, mais il est tenu de assurer en corollaire, une autre base de son pouvoir : l’impartialité.

La société civile attend donc du juge un comportement exceptionnel et une obligation de réserve.

Mais il y a plus, et c’est là où le bât blesse : l’apparence de politisation. Le juge en chef adjoint a siégé à de nombreux comités de sélection de juges avec un représentant du public nommé par le ministre.

S la commission Bastarache avait comme objectif de connaître la vérité et toute la vérité sur le processus de nomination des juges, ne serait-il pas raisonnable qu’elle assigne le juge en chef adjoint comme témoin et qu’elle examine les nominations issues des comités de sélection qu’il présidait afin d’en vérifier l’impartialité et l’absence de renvoi d’ascenseurs ?

Autre sujet d’importance pour la confiance du public dans le système judiciaire : le processus de promotion des juges. En l’absence de comité de sélection, le juge candidat à une promotion doit-il, à l’instar du juge en chef adjoint, utiliser ses contacts politiques ?

Dans l’affirmative, vu l’importance de maintenir la confiance de la population dans son système judiciaire, il s’impose que le Conseil de la magistrature quitte sa zone de confort, sorte de sa réserve pour entrer dans la sphère publique et fasse les recommandations appropriées portant sur le processus de promotion des juges.

Sur son site Web, le Conseil de la magistrature ne se présente-t-il pas comme un organisme indépendant « à l’écoute de vos préoccupations ». Dans le contexte actuel, il s’impose que le Conseil de la magistrature passe de la parole aux actes.


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