« C’est clair qu’il y a une multiplication des recours collectifs contre les syndicats. Il y a des cabinets d’avocats qui ne font que ça. D’ailleurs, on retrouve souvent les mêmes noms au bas des décisions », déclare Me Denis Lavoie, avocat spécialisé en droit du travail.
Dans la majorité des cas, les recours collectifs constituent un outil de changement social fantastique, sauf que son utilisation par certains procureurs en détourne l’objectif principal, particulièrement dans un contexte de relations de travail.
Les recours collectifs n’émanent pas toujours d’un individu ou d’un groupe de personnes lésées, mais bien d’un bureau d’avocats qui « trouve une victime » pour déposer le recours. « C’est sûr qu’ils ne vont pas répondre oui à ça. Ils vont plutôt répondre par le discours dominant, quelque chose comme : La population est prise en otage, il faut la défendre », explique Me Lavoie.
Parce que gagné ou non, le recours n’en demeure pas moins lucratif pour les procureurs. « Parfois initiés par un avocat qui en a eu l’idée, on a vu des dossiers où les avocats ont reçu des montants importants alors que les «victimes» ne recevaient presque rien. »
Financièrement, il est évident que les organisations syndicales sont des cibles intéressantes en raison de leur solvabilité. « C’est une business, exprime sans détour Me Lavoie. C’est comme ça pour bien des gros bureaux d’avocats, si ce n’est pas payant, ils ne le font pas. »
Une critique partagée par Me Gérard Notebaert, du service juridique de la CSN, pour qui les recours collectifs utilisés dans le contexte des relations de travail représentent une opportunité lucrative indéniable. Loin d’insinuer qu’il s’agit d’une partie généralisée, il confirme toutefois que pour certains avocats, « c’est clair qu’il y a une composante affairiste dans tout ça. »
Le recours collectif est un processus long et coûteux qui incite plus souvent qu’autrement les parties à régler hors cour. « La question qui se pose dans tout ça, c’est : qui fait du cash fast track? Les avocats de la poursuite. »
M. Notebaert note que très peu de causes vont en procès. Près de 90% des dossiers se règlent hors cour, comme c’est d’ailleurs le cas pour l’ensemble des dossiers à la Cour supérieure.
« Très souvent, c’est ce que les avocats veulent, ils n’ont pas d’intérêt au procès. L’idée, c’est en faire une véritable business. »
À son avis, une intervention législative pourrait faire en sorte d’enrayer ces pratiques douteuses. Fixer les honoraires, de façon similaire à l’aide juridique par exemple, contribuerait à freiner les procureurs avides.
« Ce sont des montants importants, parfois faramineux que touchent les avocats. Ce fric-là est détourné des principaux bénéficiaires du recours collectif, c’est préoccupant. »
Dossier : Recours collectifs contre les syndicats
Des poursuites de plusieurs millions contre les syndicats. Le cas des cols bleus de Montréal. >>
par Maude Messier
Des affaires juteuses pour des firmes d’avocats qui ont rapidement le doigt sur la gâchette. >>
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